Azazel buvait les paroles de la créature monstrueuse qui habitait le corps de Del, et qui, allongée confortablement sur le futon du salon vide, lui expliquait comme un vieil ami tout ce qu’il avait à savoir sur Del, et son espèce si étrange.
« … Et donc, Del m’a choisi comme… Particulier ? » demanda timidement
le petit docteur, serrant ses mains l’une contre l’autre en fixant la Bête, refusant de la lâcher des yeux par sécurité. Enfin… rien ni personne ne pourrait empêcher cette créature de le déchiqueter si elle le voulait, dans cette petite ville perdue. Mais l’esprit occupant l’être de son compagnon de voyage semblait se tenir tranquille. Comme il lui était bizarre de voir Del se tenir comme un homme, parler avec grande aisance, classe et manières. Le sauvageon gaffeur ressemblant à un gros chiot lui manquait un peu. Il fut sorti de sa rêverie par la réponse du Monstre dont la voix c’était faite moins effrayante, simplement incroyablement grave.
« Exactement, te voilà avec une jeune Chimère collée aux baskets… Détrompes toi, tu as en fait un grand pouvoir entre les mains. Del est une véritable machine à tuer, c’est une arme. Maintenant, si tu n’en veux pas, dis lui tout de suite, car plus il reste avec toi, plus le lien est fort… Si tu acceptes le lien, vos émotions seront liées pour toujours, l’un saura toujours où l’autre est, ce qu’il ressent, ce dont il a besoins… bla-bla-bla, cette espèce est d’un ridicule… j’ai honte d’en faire partie. »
Azazel pencha sa tête. Il n’avait pas mesuré l’ampleur de ce lien, et en semblait autant effrayé que fasciné. Le fait que la créature se dise de cette espèce l’intrigua aussi, mais il n’osa pas poser plus de questions sur ce sujet là de peur de s’attirer les foudres de la bête qui semblait de bonne humeur. Il préféra repartir sur le sujet premier.
« Et… Et si je refuse le lien, comment ça va se passer pour Del et moi ? » demanda le docteur.
Le Monstre haussa les épaules de Del, comme un pantin, avant de lui faire afficher un sourire clinquant, malgré sa mâchoire encore fendue sur un coté.
« Une partie de son âme se fendra pour toujours, et il s’en ira, je ne sais où… et plus il est faible de l’intérieur, plus je peux en faire ce que je veux… » ronronna le Monstre.
Azazel, horrifié, se recroquevilla. Songer Del brisé par sa faute, perdu dans les campagnes de Paris, en proie à cette saleté… Il secoua la tête, déglutissant.
« Comment saurais-je qu’il me propose de tisser le lien pour de bon ? » demanda-t-il encore,
se penchant un peu sans s’en rendre compte vers son sombre interlocuteur. L’autre eut un petit rire grave, faisant remuer les épaules de Del.
« Il va faire ce que nous appelons le Sanska. Il va venir se blottir contre toi, et mordiller ta jugulaire, pour dire qu’il ne te fera aucun mal malgré son régime alimentaire te désignant comme repas… Si tu acceptes, tu devras le laisser faire et répondre simplement par oui ou non… simple, entre autre. »
Azazel s’efforça de tout retenir, mais il finit par se lever et aller tout noter dans un de ses petits carnets. Là, il reprit la parole.
« Et après ? C’est comme si nous étions mariés ? C’est de l’amour ? Et si je ne suis pas amoureux moi ? Je vais devoir coucher avec lui ? » s’inquiéta fortement le pauvre brun,
se mettant à trembler comme une feuille. Le Monstre se mit à rire plus fort, se tenant le torse.
« Hahaha ! Rien de tout ça Poupée ! Il te protégera, te nourrira, te baisera s’il le faut, mais tu ne lui doit rien du tout et vous n’êtes pas mariés ! Dis toi que vous êtes… De très bons amis, qui partagent vraiment tout ! Il te sera plus fidèle que n’importe qui… Et sera prêt à mourir pour toi. D’ailleurs, s’il meurt, toi aussi, si tu acceptes le lien… » répondit-il.
Azazel réfléchit un bon moment, songeant à toutes les choses qui s’offraient à lui et celles qui s’enfuyaient. Il repensa alors à Lina. La reverrait-il un jour ? C’était d’elle qu’il était amoureux… Il secoua fermement la tête, et soupira. Il avait besoin de Del pour l’instant, et lui avait bien besoins de lui. Il en avait presque oublié la mission que lui avait donné la Bête. Ils étaient à Paris, il avait remplie sa part du contrat. Comme s’il lisait ses pensées, le Monstre reprit son air sérieux et sombre.
« Il te reste à trouver du travail, Del aussi, et nous verrons alors si j’ai encore besoin de toi.. »
Azazel hocha faiblement la tête, et ferma les yeux un court instant. Cela suffit à la Bête pour s’en aller, et rendre à Del les pleines possessions de ses moyens. Le pauvre garçon aux cheveux gris semblait suffoquer, tremblant légèrement.
« Zazel...sens...pas bien… » chouina-t-il.
Le petit brun se secoua un instant et vint le prendre contre lui, malgré la belle différence de taille entre eux, embrassant sa tempe en fixant le vide.
« Shhhhh… Détend toi, je suis là, tout ira bien, je te le promets… » murmura-t-il,
d’une voix des plus douces. Del se calma rapidement, blottissant sa tête contre celle du médecin. Il poussa un grand soupir chargé de sanglots, et enroula sa queue à eux. Azazel papillonna des yeux, se demandant dans quoi encore allait-il se fourrer jusqu’au cou. Le voilà Maître d’une Chimère de compagnie, un adorable petit chiot de presque 100 kilos, aux crocs énormes, et en pleine croissance…
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Le balafré
FantastiqueL'histoire de la rencontre entre Azazel, et Del, en Sibérie, il y a presque 20 ans.