Princesse Camellia des carpettes

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_ Pierre, tes parents viennent à la réunion parents-profs ?

_ Pourquoi ? Vous voulez les voir ?

_ Oui, s'il te plait. Tu me donnes ton carnet ? S'ils ne peuvent pas venir vendredi, on prendra rendez-vous. Mais il faut que je les voie.

Il me donne son carnet de correspondance à contre cœur et soupire. Je ne le fais pas pour l'embêter, mais pour qu'il réagisse. Il était bon élève l'an passé, je ne sais pas ce qu'il lui arrive. Depuis quelques semaines il semble toujours triste et ne participe plus.

L'adolescence est un passage tellement difficile. Je ne veux pas le laisser dans son coin, et attendre ... non, je préfère agir et voir ce qui ne va pas. Même si quand je le questionne, il m'assure que tout va bien, que c'est l'anglais qui le saoule. J'ai du mal à le croire, c'est lui qui a choisi de faire Section Euro, je ne suis pas allée le chercher ! Il y a forcément quelque chose car en faisant le tour des autres profs, j'ai constaté que c'était général. Tous ont remarqué qu'il y avait un malaise, j'suis pas la seule. Il faut que que je sache !

Je n'avais pas rêvé. Les parents de Pierre divorcent, voilà le souci ! Le couperet est tombé cet été. Pierre le vit très mal et le fait payer cher à ses parents.

Il se montre insolent, il a de mauvaises fréquentations hors du collège, et il profite du chaos général à la maison, pour ne plus faire ses devoirs. Il est à cran, il en veut à la terre entière : dixit sa mère. Que faire pour aider ce môme ? Est-ce mon rôle, d'abord ? Je suis sa prof, c'est tout ! Mm, quoique, son manque de travail est mon problème et à ce titre, même si je ne peux pas faire grand-chose, disons que j'ai quand même envie d'essayer. J'ai besoin de courir et de réfléchir. Il pleut mais tant pis, il faut que j'y aille !

Il fait sombre, je ne vais pas m'aventurer le long du canal. Mes muscles se décontractent et ma foulée se fait plus souple. J'inspire et j'expire. Je vais tout de suite mieux. Je trouve ma cadence. J'évite des passants qui se protègent sous un parapluie, je traverse et passe entre les voitures mal garées. En apnée, Pouah ! Respirer l'odeur des pots d'échappement, ce n'est pas top. Il faut que je m'éloigne un peu du centre. J'allonge ma foulée.

Début Novembre, les agents de la ville ont installé les illuminations de Noël. Plus je m'éloigne, moins elles sont présentes, et plus je me trouve dans l'obscurité. C'est d'un glauque. La pluie cingle mon visage.

Quand j'y pense, chaque année, c'est comme ça, nous sommes toujours projetés vers le futur : en Novembre, on anticipe les décors et les cadeaux de Noël et en Juin, les fournitures scolaires et les cartables. Et ça me fait toujours un drôle d'effet, même si j'y suis habituée. Les saisons défilent trop vite à force de les devancer.

En fait, il n'y a que le futur qui dure, inlassablement, j'ai l'impression que l'on court après. Tient ! Il faudra que je lui sorte cette réplique, s'il me demande encore pourquoi je cours, ou après qui.

Alors Pierre, que faire pour t'aider ?

Je n'ai malheureusement pas les compétences d'un pédopsy ... Heu, et si je demandais à Aurélien, son copain ? Ou, je peux aussi l'obliger à venir apprendre ses leçons après la cantine ? Mm ... un peu risqué, il va peut être encore plus se braquer. L'anglais est loin d'être sa priorité du moment, je le comprends ! Il doit être dévasté le pauvre ! Sa famille éclate en morceaux, et moi je viens l'embêter avec mon anglais. Il doit se sentir tellement impuissant, c'est juste une victime collatérale de la fin d'une histoire amoureuse. Difficile de ne pas avoir le choix, pas plus que son mot à dire dans cette histoire de couple ... sauf que c'est aussi une histoire de famille, donc ... il est forcément impliqué. C'est compliqué ! Mm, je fais quoi ? Il faut que je trouve une idée, c'est plus fort que moi !

Monsieur G, Mister Freeze et ColégramOù les histoires vivent. Découvrez maintenant