Chapitre 9 : Les ailes qui libéraient le ciel.

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L'air fouettait ton corps entier, tourbillonnant comme du bouillon dans un bol. Repas chaud que tu avais quitté depuis ton arrivée dans les bas-fonds...

Ton sang  rugissait dans tes veines, ta peau fourmillait sous ce sentiment...Celui d'être au creux des cieux au lieu de six pieds sous terre. 

Tu ne t'en rendais pas compte mais tu étais un oiseau. Que ce soit un rêve ou un souvenir, les sensations étaient bien réelles. Ton bec fusait vers l'horizon, les ailes dépliées avec légèreté, un sentiment d'espoir battait sous tes plumes blanches. 

Tu remontais le long des nuages, qui ressemblaient de plus en plus à des mers de laine, et explorais chaque parcelle du monde. 

Tout en haut, bien plus loin que la cupidité des Hommes et à l'abri des tempêtes, se trouvaient des boules de lumières. Elles coulaient, se décomposaient de chagrin, personne n'osait les admirer. Ou du moins, plus personne ne le pouvait. Alors, de ton bec et ton menu corps d'oiseau, tu découpais les nuages qui continuaient de s'amasser en hameaux. 

Quelques heures plus tard, les nuages étaient dissipés et les Hommes purent observer la voûte céleste. Les étoiles, pourtant, continuaient de se lamenter. Alors, de ton bec, tu fonçais sur la terre, le plus vivement que possible. Dans la descente, des souvenirs jonchaient ton crâne, et absorbaient le reste. Lorsque ton corps toucha le sol, la mort s'empara de toi, mais les cavernes qui emprisonnaient les sous-sols et enfermaient les Hommes s'ouvrèrent. Des éboulis formèrent des escaliers et des oiseaux pénétrèrent entre les maisons. 

Tous les Hommes purent voir les étoiles.


Tu te réveilles...

Tes yeux dérivent devant toi ; Livaï est toujours attablé sur son bureau, il ne s'est même pas rendu compte que tu t'es réveillée. 

- " Tu n'as pas dormi de la nuit, je présume ? " 

C'est vrai que du temps où Kenny vous hébergait, le garçon dormait toujours moins que toi. En plus de ça, il t'arrivait de te réveiller en plein milieu de la nuit et de l'entendre s'entraîner au couteau contre l'énorme buche qui vous servait de mannequin, dans la cour. 

Livaï lève les yeux vers toi, tout en sirotant son thé noir :

- " Non, c'est inutile pour moi. Par contre...j'ai rien trouvé. Il semblerait...que ça ne soit pas crypté, en outre, le message est l'plus clair qu'possible. " 

Tu t'appuies contre le rebord de la table devant toi, et t'avance pour prendre le papier qu'il a laissé trainé. Même en relisant, tu y vois flou. Peut-être que ces mots ont un rapport avec le passé d'Anehta ? 

- " Livaï...Tu peux m'en dire plus sur l'affaire dont tu m'avais parlée ? "

Il tourne piteusement la tête et bois une gorgée de plus, le nectar coulant dans sa gorge, lui donnant l'ivresse de se montrer collaborateur. 

- " La fille que j' recherche est l'héritière d'une grande fortune et d'un bon lot de bijoux. J'ai trouvé un homme qui la recherche et qui m'a promis d'partager le butin avec moi. Donc, elle est devenue orpheline et... " 

- " MAIS BIEN SUR !  "

Tu te lèves d'un bon, ta cheville grognant un peu sous la douleur faiblissante. Tout devient plus clair en un instant. Livaï, lui, reste dans l'inconscience totale. Il te lance un regard interrogateur :

- " Quoi ? T'as trouvé ? " 

Tu attrapes le papier pour le relire une fois de plus, des images te reviennent en torrent : La fenêtre de l'orphelinat, la statue, les toits, ses ailes. 

- " Vite, il faut aller vers l'orphelinat ! Je sais où se cache l'argent ! "  

Le garçon, sans tarder, attrape sa veste et ouvre en grand la porte. Tu pars devant tout en expliquant :

- " De la fenêtre de ma chambre, là-bas, on voyait une statue ailée ! C'est certainement à l'intérieur que se trouve ce que nous cherchons ! " 

Tu cours vers les quartiers de ton enfance, talonnée à l'arrière par Livaï qui semble lui aussi voir de quelle statue tu parles. Vous tournez dans une ruelle où quelques mendiants rendent leurs derniers soupirs, escaladez le pont qui couvre le sol dallé d'ombre, et la voyez. 

Livaï s'accroche à toi pour monter correctement et ouvre grand les yeux ; c'est bien ça ! Ses deux ailes de pierre déployées, son corps pourtant décapité et manchot gardant une finesse inégalable. Elle semble surplomber les bas-fonds entiers, comme une divinité protectrice. 

- " C'est une déesse. " Souffles-tu en efflorant ses ailes blanches. 

Livaï te reprends, surpris :

- " D'quoi tu parles ? " 

Puisant dans tes souvenirs d'enfance, bien avant que les bas-fonds soit ton foyer, tu te rappelles des livres que ta gouvernante te lisait. C'était des récits anciens, qui semblaient avoir vécus même avant que les murs existent. Tu affectionnais particulièrement les récits des Déesses et des Nymphes qui, selon les pages jaunis, veillaient sur les Hommes il y a des centaines d'années dans les croyances... Celle-ci, tu la connais, c'est Niké, la déesse de la victoire.

- " On me lisait des livres, petite, et cette statue était représentée dedans. C'est la déesse de la victoire. " 

- " Victoire...victoire... - répète Livai en se mettant la main au visage - Oui ! C'est bien c'qu'y est écrit sur l'papier ! "

Sur ses paroles, tu t'approches de son aile droite et l'examine en profondeur. D'un seul coup, alors que les lumières dans les rues s'éteignent petit à petit, assombrissant le monde, tu perçois une craquelure dans la pierre. Ton doigt se posent dessus, et sur le bas de l'aile, une partie se découpe et s'ouvre. Quelque chose brille à l'intérieur. 

- " J'ai trouvé ! " 

Les bas-fonds se font obscur, Livaï plisse les yeux pour bien voir ce que tu désignes. Alors que tu mets ta main à l'intérieur de la statue, quelque chose glisse entre tes doigts. Lorsque tu retires ta main, un faisceau de lumière illumine celle-ci, en son creux se tient une plume de chouette. 


Livaï X Reader " Dans les ténèbres ".Où les histoires vivent. Découvrez maintenant