Chapitre 6 : Lumière noire et croc d'acier.

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Tes yeux rivés sur la statuette de chouette posée à côté des armes de Livaï, tu t'imagines à qui elle pourrait bien appartenir, tout en cherchant le sommeil. Ses yeux de rapace te fixe dans la pénombre, lançant entre vous un duel de regard sans fin. Te tournant finalement à l'autre bout de ton lit pour ne plus avoir à supporter ses yeux d'ambre, Livaï se réveille en sursaut. Les lattes craquent comme de vieux os, impossible de rester assoupi avec lui

" Hé ! J'aimerai dormir ! - Le garçon te réprimande de son lit au bout de la pièce - Tch... "

" Désolé... - Tu t'excuses à voix basse - J'évitais son regard. "

Livai lève la tête, curieux, sondant la pièce assombrit à la recherche d'une quelconque personne en plus :

" Tu parles de qui ? - Il se tourne vers la fenêtre barricadée - Moi j'vois personne. " 

T'étouffant sous un maigre coussin à peine rembourré, tu lui réponds, un peu honteuse d'avoir des propos si juvéniles :

" J'parle de la chouette, sur le bureau. - Tu attends qu'il dirige ses yeux vers celle-ci - Je me demande à qui elle a bien pu appartenir... " 

Le garçon, bien entendu, ne peux en aucun cas répondre avec certitude à ta question, alors il lance :

" Certainement à la personne qui était avant toi, à l'orphelinat. Mais de ce que j'ai entendu, tout les autres n'ont pas l'air de s'en être bien sorti. Tch... Les Hommes peuvent être répugnants. " 

Suite à ça, tu souffles sous ta couette en guise de réponse, et te laisse bercer par la nuit  jusqu'à ce que tu t'endormes. Enfin, la nuit, personne ne sait vraiment quelle heure il est sous la terre...

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- Trois ans plus tard, Livaï et T/p entre dans l'adolescence - 

Le mouvement de l'arme de Livaï dans le vent, ses gestes gracieux et colériques, le courroux sous sa lame ; comment fait-il pour mettre autant de rage dans un si petit objet ? 

Tu observes le brun donner des coups dans le vide avec son couteau, tranchant l'invisible et fendant l'air brutalement ; son aura est animale, ses gestes imprévisibles et ses yeux...

" Touché ! - Le garçon dépose la pointe de son couteau sur ton menton, te regardant fixement - Tu es morte, encore ! " 

...ses yeux sont absorbants. Absorbants et profonds comme le ciel à la surface, lorsque la nuit est venue. Mais pourtant ici, tu as l'impression que les nuages tapissent encore le firmament, les étoiles sont cachées sous un épais mélange d'eau salée et de lamentation. 

Reprenant tes esprits et baissant les yeux vers sa lame près de ta gorge, tu recules et cours vers lui pour le prendre en assaut, multiplie les feintes et lui fait regarder de tous les côtés en criant pour essayer de le déstabiliser, au bout d'un moment, ton arme lui déchire la manche. Livaï, les yeux exorbités, en profite pour te prendre à la gorge et te mettre à terre. Tu cherches à le faire tomber entre deux coups de pieds, et ta tactique fonctionne à merveille lorsque tu le vois s'écraser dans la poussière après un "merde" et une expression de dégout face à toute cette saleté.

Essoufflée, tu lèves les yeux vers Kenny qui vous regarde du coin de l'œil, adossé à un mur ; lançant quelques instructions presque aléatoires parfois :

" Bon, euh, les gosses, vous semblez bien vous défendre quand même.  " 

Il sort de sa cachette pour jauger votre niveau actuel, vous regardant de toute sa hauteur. Arrivant, Kenny place sa main devant Livaï pour l'aider à se relever mais celui-ci refuse, déclinant son offre d'un grognement. Alors l'homme tourne des yeux et sort nonchalamment :

"  Bah, de ce que je vois; votre entraînement ne va pas avoir beaucoup à s'éterniser, vous semblez avoir atteint votre apogée. " 

Tu tressautes face à son annonce, fermant les yeux et priant de toutes tes forces pour avoir réussi. Soudain, Kenny vient et te tapote la tête :

" Petite, tu as encore quelques petits trucs à peaufiner. - Il se tourne vers Livaï - Et toi, je ne sais pas encore... " 

Sur-ce, il se retire vers l'entrée et annonce qu'il va au bar, comme chaque jour depuis votre rencontre. Livaï le suit en rétorquant qu'il avait un truc à y faire et disparait avec son tuteur dans le dédale des rues en moins de temps qu'il n'en faut. 

Tu te retrouves seule, à contempler le plafond haut qui t'emprisonne depuis maintenant trois ans, depuis le temps, ton quotidien ne s'est rythmé seulement que par les entraînements et les propos parfois désobligeant de Livaï, et pourtant il reste toujours un modèle pour toi. Un exemple de perfection à atteindre...

Tu restes sur le sol à regarder les rares oiseaux passer entre les creux dans les parois lointaines, comme des nomades prit au piège dans un lieu propice à la mort. Est-ce qu'un jour tu sortiras d'ici ? Ou alors y mourras-tu, dans la négligence la plus totale ? 

Soudain, après un moment, Kenny se montre sur le pas de la porte menant à la cour, seul. Tu accours vers lui et t'accroches à ses manches :

" Kenny ?! Où est Livaï ? " 

L'homme soulève le bord de son chapeau et te regarde en haussant les épaules :

" Livaï ? Son apprentissage est terminé, je l'ai laissé. Allez, viens. - Il te tire par le bras - On remballe. " 

Tu t'offusques, mais le suivant tout de même jusqu'à ta chambre :

" Comment ça ?! Et où ? " 

" Le 'tit va se rendre compte que j'lai semé, si on reste ici il sera jamais indépendant. - Il se tortille les doigts en soufflant - On va autre part, ch'ai pas encore où, mais loin d'ici. J'veux qu'il puisse apprendre à vivre sans être materné comme un gosse. " 

Tu attrapes quelques unes de tes affaires en râlant :

" Et moi alors dans cette histoire ?! " 

Kenny, qui s'arrangeait pour faire tenir dans une calebasse quelques bouteilles de rhum, fait un geste de la main qui signifiait " C'est pas important " avant de continuer :

" Toi, je termine ton apprentissage. Après ça, tu seras libre. Et tu auras tout ton temps pour retrouver ton chéri. " 

Et c'est comme ça qu'il te donne violemment ta statuette de chouette avant de prendre la porte et échanger quelques mots avec le type gardant l'entrée.  

C'est comme ça, te dis-tu. Si tu veux pouvoir retrouver ton ami et modèle, il faudra avoir une puissance égale à la sienne. "Tch..." te prends-tu à souffler inconsciemment, comme Livaï l'aurai fait en ta présence. 

Et c'est comme ça que tu continuas ton entraînement encore deux ans, toujours sous l'aile de celui qu'on appelait dans l'ombre Kenny l'égorgeur. Alors qu'il s'efforçait à te donner des cours de combat, tu le retrouvais toujours en tête d'affiche à chaque fois qu'une calamité se produisait. Année après année, il te faisait encore le même effet malgré un léger attachement à lui tout de même, un lien presque fraternel ; minuscule mais incassable. 

* * * * * 

Ton poing cognait une nouvelle fois contre l'adversaire, le rembourrait de coups et lui refaisait le portrait. Franchement, tu n'aimais pas tant que ça cette violence, mais si c'était le prix pour retrouver Livaï, tu étais prête à tout.

Alors que ton agresseur se remettait à peine de ton dernier coup du droit, au loin, une ancienne silhouette s'éloignait dans un premier adieu. Kenny partait, sa tâche était accomplie. 



Livaï X Reader " Dans les ténèbres ".Où les histoires vivent. Découvrez maintenant