— Shiyomi, tu comprends cette phrase en anglais ?
Assise sur le lit de Maki, je relève la tête vers elle. Désormais, quand je la raccompagne, ou qu'elle me raccompagne, nous restons dans la chambre de l'une ou de l'autre un certain temps plutôt que de partir tout de suite. Nous sommes loin d'être voisines et ça nous permet de nous enlever une bonne dose de travail avant de rentrer dans nos logements respectifs. Et puis, c'est plus agréable de ne plus être toute seule dans sa chambre pour étudier.
Le gros point positif de cette petite habitude qui se met en place entre nous, c'est que ça nous permet de nous améliorer. Quand j'ai besoin d'aide ou qu'elle n'a pas compris quelque chose, nous n'hésitons pas à en informer l'autre afin de lui demander des explications et de dépasser nos difficultés. J'aime beaucoup ces fins d'après-midi passées à réviser avec Maki.
— Fais voir, dis-je en me levant.
Je laisse mon cahier sur son lit et la rejoins à son bureau. C'est une compréhension de texte, et visiblement, Maki a du mal avec la dernière phrase. Grâce à mes nombreux efforts pour progresser en anglais et enrichir mon vocabulaire, je suis fière de pouvoir lui donner une réponse sans avoir besoin de réfléchir trop longtemps. Elle me remercie, je retourne sur son lit pour reprendre la lecture de mes cours de sciences sociales.
— Bon allez, ça fait deux heures qu'on bosse, je propose une petite pause ! Mon père a ramené des donuts ce matin, t'en veux ?
J'allais refuser par politesse, mais au moment même où j'ai ouvert la bouche, j'ai senti mon ventre émettre un grognement de mécontentement.
— Je veux bien.
J'ai faim, au diable les bonnes manières. Elle me sourit et quitte sa chambre pour aller chercher la fameuse boite de donuts. Elle a l'air d'en saliver d'avance. Mais elle est toujours comme ça avec la malbouffe, c'est ce qu'elle préfère. S'il y avait eu un fast-food dans les environs du lycée, sans doute aurait-elle passé toutes ces pauses déjeuner là-bas.
— Je te conseille celui avec le glaçage rose, il est délicieux. Quoique, celui au chocolat est vachement bon aussi.
J'en prends un au hasard et suis amusée de la surprendre en train de fixer la boite sans savoir lequel choisir. Finalement, elle hausse les épaules et finit par en prendre un de chaque saveur différente.
— Au fait, tu ne te plains plus d'Inumaki ces derniers temps. Il a arrêté de t'embêter ?
Il est vrai qu'en début d'année, je n'en manquais pas une pour lui raconter ce qu'avait encore fait Toge Inumaki pour me déconcentrer en cours. Je m'en veux un peu d'avoir été aussi médisante. Je secoue la tête par la négative et croque un bout de mon donut.
— Je ne sais pas trop comment l'expliquer... Même s'il continue à me montrer ses dessins en classe et qu'il s'entête à m'appeler Sashimi Yakisoba, j'ai l'impression que ce n'est plus aussi problématique... Avant, quand il le faisait, je le grondais et lui intimais d'être plus sérieux. Maintenant, je me surprends parfois à attendre avec impatience qu'il me murmure « œuf de saumon » et qu'il me montre sa nouvelle esquisse.
— Hm.
J'ignore comment je dois interpréter son regard alors je hausse les épaules et continue de manger mon donut. Quant à Maki, elle vient de terminer celui au chocolat et entame désormais celui qui est recouvert du mystérieux glaçage blanc.
— Tu sais, depuis que tu m'en as parlé, j'ai toujours trouvé ça un peu étrange. D'après ce que tu me dis, tu es la seule qu'il embête, je me trompe ? Il a d'autres voisins, alors pourquoi es-tu la seule avec qui il cherche à entrer en contact ?
Cette réflexion ne m'a jamais traversé l'esprit, sans doute parce que j'étais trop exaspérée par ses manœuvres pour avoir l'envie d'y réfléchir sérieusement. Je la regarde bouche-bée, sans savoir quoi répondre.
— Tu ne crois pas qu'il cherche à attirer ton attention ?
— Je ne vois pas pourquoi il ferait ça... Avant, à chaque fois que je lui répondais, c'était pour le rappeler à l'ordre. Rien de sympathique là-dedans. En fait, maintenant que j'y pense, je me demande pourquoi il a continué de m'appeler en cours malgré mes regards noirs et mes envies de meurtre que je cachais à peine...
Elle secoue la tête avec un sourire, l'air de dire que je suis à côté de la plaque. Je fronce les sourcils et finis mon donut, curieuse.
— Shiyomi, il n'y a qu'une seule raison pour laquelle un garçon voudrait attirer ton attention.
— Pour me soutirer mes devoirs ?
J'ai répondu ça le plus sérieusement du monde. J'ai tellement pris l'habitude au collège qu'on m'aborde dans ce seul but que je ne peux pas imaginer qu'on puisse venir me parler avec un dessein plus amical. Elle glousse contre sa main.
— Mais non ! Tu lui plais, c'est évident !
Je la dévisage.
— Tu es sûre que ce n'est pas plutôt pour mes devoirs ?
— Oui, souffle-t-elle. De toute façon, tu me l'as dit toi même après qu'il t'ait raccompagnée chez toi : c'est un garçon gentil sans mauvaises intentions. Et puis, vu ce qu'il fait en cours, ça m'étonnerait qu'il en ait grande-chose à faire, de tes devoirs.
Elle finit son dernier donut et s'essuie la bouche avec une serviette en papier — je n'ai même pas vu qu'elle en avait ramenées. J'ai toujours les sourcils froncés, ne sachant comment interpréter sa révélation.
— Je te laisse méditer dessus, je vais reprendre mes révisions.
Je hoche à peine la tête. Je papillonne des yeux pour me reprendre, mais lorsque je me saisis de mon cahier de sciences sociales, impossible de me concentrer, je ne fais que penser à Toge Inumaki. Je soupire, comprenant que mes efforts pour continuer à réviser seraient vains.
— Je pense que je vais rentrer, il commence à se faire tard.
— Dacc, je te laisse y aller, tu connais le chemin. A demain.
— A demain.
Et alors que je quitte sa maison et m'engage sur le trottoir, je presse mon uniforme au niveau de la poitrine, sentant mon coeur se serrer pour une raison qui m'échappe...
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Sashimi Yakisoba pour les intimes
FanfictionMoi, c'est Shiyomi Yoshida. Ce n'est pourtant pas un nom très compliqué, non ? Les sonorités s'enchaînent sans mal, et mon prénom est répandu, il est loin d'être surprenant. Pourtant, Toge Inumaki, mon voisin de classe, semble incapable de le pronon...