Tout s'est passé très vite, et pour une fois dans ma vie, j'ai agi avant de penser. De toute façon, la situation ne m'a pas laissé le temps de réfléchir. Sukuna s'est élancé vers moi, son couteau à bout de bras. J'ai lâché mon sac de cours, lui ai attrapé le poignet et me suis servie de son élan pour le faire basculer en avant. Il est tombé à plat ventre dans un bruit sourd et a laissé tomber son couteau dans sa chute.
— Putain mais t'es violente ! geint-il en se frottant le menton.
— Tu vas voir sale pute !
Mahito semble sur le point d'attaquer à la suite de Sukuna. Instinctivement, je reprends ma posture de défense enseignée par mon club. Mais mon agresseur a à peine le temps de faire un pas que Toge Inumaki passe devant moi pour me protéger, tandis que monsieur Gojo apparaît devant lui — il est allé si vite que je ne l'ai même pas vu courir — et lui attrape son poignet si fort qu'il en lâche son canif.
— Moutarde rouge ?
Je n'ai pas besoin de réfléchir longtemps avant de comprendre qu'il me demande comment je vais. Je lui souris pour le rassurer et lève mon pouce en l'air. Bien qu'un peu sous le choc de l'initiative de Sukuna et Mahito — je ne pensais vraiment pas qu'ils attaqueraient —, il y a eu plus de peur que de mal.
— C'est pas malin ce que vous avez fait les gars, juste sous les caméras du lycée en plus... Je vais devoir appeler la police alors que j'avais prévu de regarder un film avec mes élèves préférés, vous faites chier quand même.
Monsieur Gojo a récupéré les couteaux des deux anciens lycéens et les a maîtrisé si rapidement que je ne saurais décrire la façon dont il s'y est pris. Il est assis sur le dos de Mahito qui se débat en jurant tandis que Sukuna s'est fait encercler par Yuji et Megumi Fushiguro. Nobara Kugisaki se contente de se limer les ongles dans son coin, ne se sentant pas impliquée dans la situation.
— Shiyomi, qu'est-ce qui s'est passé ?! me demande Maki qui revient vers moi en courant.
Elle accourt avec Panda, sans doute alertés par les bruits et l'agitation. Je les rassure pendant que Maki m'inspecte pour être certaine que je ne sois pas blessée et que Panda me noie sous ses questions qui témoignent de son inquiétude.
— Et toi Inumaki, rien de cassé ?
— Bonite séchée ! s'exclame-t-il en gonflant son biceps.
Nous rions de bon coeur en sentant l'atmosphère se détendre peu à peu. Quand Mahito et Sukuna sont arrivés, la tension était telle que je n'ai plus fait attention aux alentours. J'étais tellement concentrée sur eux, sur le moindre de leurs gestes qui auraient pu trahir un passage à l'acte que ma tête s'était mise à bourdonner. Maintenant que le danger est passé, j'ai l'impression d'entendre le vent à nouveau et de retrouver le parfum des cerisiers qui longent la rue.
— Il sont complètement malades ! s'emporte Yuji, visiblement choqué.
Mahito et Sukuna continuent de se débattre et d'éructer, mais nous les ignorons.
— Tu es sûre que tout va bien, Yoshida-senpai ? me demande Megumi Fushiguro. Ta maîtrise de l'aïkido m'a impressionné.
Je le remercie. Toge Inumaki est toujours à mes côtés et semble réticent pour s'éloigner de ne serait-ce que quelques pas, comme s'il redoutait un nouvel assaut. Monsieur Gojo passe un appel à la police, ce doit être une femme vu comment il roucoule au téléphone. Quant à Maki, elle s'est rapprochée de Nobara Kugisaki et râle après elle pour une balle facile qu'elle aurait apparemment loupée au dernier entraînement.
— Puisque l'affaire est réglée, je vais y aller, dis-je. Je vous souhaite une bonne soirée.
— Reviens salope, on en a pas fini avec toi !
— J'espère que tu t'étoufferas avec la bite de Gojo !
Je les ignore et salue tout le monde. Alors que je pensais rentrer seule — j'ai complètement oublié qu'à la base, je sortais pour parler sentiments — je suis vite rejointe par Toge Inumaki qui a l'air déterminé à faire le chemin avec moi. Je lui souris, et alors que je continue d'entendre l'engueulade de Maki et Nobara Kugisaki, nous nous éloignons petit à petit pour nous enfoncer dans la ville.
Nous marchons en silence, comme souvent lorsque nous nous trouvons tous les deux. Je profite de cet instant calme avant de prendre la parole. Je profite des derniers rayons du soleil qui commence à disparaître derrière les immeubles, du parfum des fleurs plantées dans des parterres et de la légère brise qui me chatouille les joues, puis ouvre la bouche :
— Je crois que tu me plais aussi, Inumaki-san.
Je n'aime pas tourner autour du pot, je préfère aller droit au but. C'est simple à dire, ce ne sont que quelques mots, mais je comprends désormais pourquoi si peu de monde ose les prononcer. Il faut beaucoup de courage pour se déclarer, mais je suis contente de m'être lancée. Mon coeur tambourine dans ma poitrine, je me demande s'il a déjà battu aussi vite. J'ai avoué mes sentiments, pourtant, je me sens incroyablement légère. Je n'ai pas peur de sa réponse.
Toge Inumaki a cessé de marcher, je me tourne vers lui pour l'interroger du regard. Si mon coeur n'a jamais battu aussi vite, je me demande si ses joues ont déjà été aussi rouges.
— Sa, Sashimi, thon, thon mayonnaise ?
Il me pointe du doigt, puis se pointe lui-même, à plusieurs reprises. Devant mon froncement de sourcil, il finit par former un coeur avec ses mains fébriles. J'écarquille les yeux en comprenant ce qu'il veut dire, et souris sincèrement.
— Oui, ça veut dire que je veux bien sortir avec toi.
Je reprends ma marche. Je ne suis pas tout de suite rejointe pas Toge Inumaki, sans doute sous le choc de ma réponse. Mais lorsque j'entends enfin des bruits de pas pressés derrière moi, je n'ai pas le temps de me retourner que je sens une agréable chaleur se faufiler entre mes doigts. Je fixe nos mains entrelacées, surprise, mais me contente de serrer la sienne un peu plus fort.
Toge Inumaki, ou comment mon quotidien paisible et harmonieux a été chamboulé par l'arrivée tempétueuse d'un garçon incapable de s'exprimer sans utiliser les mots « œuf de saumon » ou « thon mayonnaise » et qui est pourtant parvenu à décrocher mon coeur.
On se retrouve lundi pour l'épilogue :)
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Sashimi Yakisoba pour les intimes
FanficMoi, c'est Shiyomi Yoshida. Ce n'est pourtant pas un nom très compliqué, non ? Les sonorités s'enchaînent sans mal, et mon prénom est répandu, il est loin d'être surprenant. Pourtant, Toge Inumaki, mon voisin de classe, semble incapable de le pronon...