Chapitre 02 - The lie becomes the truth

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La pizza de Roxan en main, Catalena discutait avec Aaron au téléphone à coup de « tu me manques » et d'étranges surnoms qui me décrochaient des rires de temps en temps. Quant à moi je pianotais quelques messages sur mon téléphone avec Marie, elle me réclamait la recette des pancakes que j'avais l'habitude de lui faire, et ma foi je trouvais qu'elle s'en sortait plutôt bien sans moi. Même si ça n'enlevait pas ce sentiment de culpabilité qui pesait sur mes épaules.

Depuis que j'étais partie, je n'ai cessé de penser à elles. J'avais l'impression de les avoir trahies. Les laisser affronter cette dure épreuve seules sans les guider vers la lumière c'était tellement égoïste. Elle ne le méritait pas.

Moi j'ai été sacrifiée, moi j'ai dû marcher seule et pieds nus dans cette obscurité, sur ce sol épineux et venimeux, mais si je l'ai fait c'était pour un jour pouvoir les guider. Les guider à travers leurs ténèbres les porter sur mes épaules, pour que jamais elles ne sombrent comme j'ai sombré.
Le pire dans tout ce que je ressentais, c'est que je n'ai pas eu une seule seconde l'envie de dire à Roxan de rebrousser chemins. Parce que je suis une trouillarde qui ne voulait surtout pas affronter cette ville, l'antre du diable. Je ne voulais plus être un simple sacrifice, qu'on brûle pour satisfaire les traditions archaïques et les rumeurs. Alors je leurs parlais par messages pour satisfaire ma conscience.

La nuit tombait petit à petit, mais on continuait de rouler. Roxan ne dormait presque jamais, contrairement à Catalena qui ne faisait que ça, alors on avançait considérablement dans notre itinéraire. Je veillais souvent avec lui, mais de loin. Parce que moi non plus Morphée ne voulait pas me rendre visite. Je suis sûr que c'est mes fantômes qui le faisait fuir, mais lui qu'est-ce qui l'en empêchaut. Quel sont tes fantômes Roxan ?
Puis comme s'il avait entendu mes pensées, il pivota la tête vers l'arrière du camion. Il s'assura que Catalena dormait, puis moi, et ne fut pas étonné en voyant mes yeux bien écarquillés. Pendant une fraction de seconde nos regards se croisèrent et je lu quelque chose de brûlant dans ses iris, que je n'eus pas le temps d'interpréter.

_ Tu me passes une pizza, me dit-il brisant le silence qui s'est installé depuis que Cat' dort.

Je pris le carton de pizza, qui n'en contenait plus que trois tranches et le lui tendit. Il tapota le siège à côté de lui, et mes sourcils se forcèrent. Moi ou la pizza ? Je crois qu'il a vu l'hésitation dans mon regard parce que je lu un rictus amusé sur son visage en levant la tête vers le rétroviseur. Il me prit la boîte des mains et la mit sur la boîte à gant libérant le siège prêt de lui. Est-ce que c'est une invitation ? Bordel pourquoi il ne prenait juste pas la boite et me laissait en paix dans mon petit coin, et moi pourquoi j'hésitais bordel. C'est pourtant évident que retourner à mon lit était la meilleure décision. D'abord pour mon sommeil, mais aussi pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté dans nos relations cordiales.

Mais c'est la meilleure option. Alors réticente je m'avançai et déposai mon fessier sur le siège passager. Je ne m'engageais à rien, et puis ce siège était bien plus confortable et rugueux que mon matelas moelleux et velouté (notez l'ironie).
Il me jeta un regard surpris par mon initiative inhabituelle, mais reprit aussitôt son expression blasée. J'ouvris le carreau et le vent de la nuit me fouetta le visage, me libérant de ma grosse touffe de cheveux ondulés. Ça restait tout de même agréable, et puis la camionnette commençait à empester le renfermé et la sueur avec toutes ces poubelles et ce linge sale par terre, un peu d'air frais me ferait un grand bien. Je pris une grande inspiration et tentai de relâcher mes muscles tendus, mais c'était peine perdu, je restai accrochée à l'accoudoir comme si l'on s'apprêtait à faire un accident de voiture à tout moment.

Ce n'était pas tant l'accident qui m'angoissait, que la présence trop silencieuse de cet homme. Je fouillai dans la boîte à gant, et prit le paquet de clope. Je pinçai la cigarette éteinte entre mes lèvres et lui proposai une cigarette qu'il refusa.

Nos Cœurs CendrésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant