Une journée de plus s'écoulait, sans que je ne puisse arranger les événements incontrôlables qui s'enchaînaient dans ma vie.
Je m'asseyais seulement. Neuf heures sur vingt-quatre, cinq jour sur sept, sur ce même banc de classe, à écouter, ou faire semblant, ce même prof parler de ces même choses. Alors que je pouvais être autre part, loin, très loin. M'évader sans retour en arrière. Respirer un autre oxygène. Découvrir toutes les nuances que l'air du monde peut comporter.
Mes parents l'avaient annoncé à mes sœurs, il y avait de là trois jours, autour d'un dîner familial, le premier depuis presque un mois ou deux.
Ils avaient servi le poulet, la salade, le riz. J'avais passé la salière à mon père et ma sœur m'avait remis le saladier.
Et alors que tout se passait pour le mieux et que tout le monde se comportait comme si l'on était une famille soudée, prête à écouter la petite Maëlle parler des heures et des heures de ses anecdotes d'école, et les remarques positives et bienveillantes que l'enseignante avait fait à Marie.
Mon père, qui pour la première fois avait décidé d'être "courageux" et de prendre cette responsabilité, a profité d'un petit moment de silence pour interrompre tout le monde dans son élan.J'avais eu l'espoir que ce dîner n'était pas destiné à ce que je pensais.
J'avais espéré que c'était un dîner de réconciliation ou au moins d'adieu silencieux, mais pas de destruction.
J'avais même mangé ce riz au goût amer des adieux. Alors que la seule chose que je voulais faire, c'était fondre en larme et leur vomir leur dîner, leur hypocrisie et leur égoïsme à la gueule.
Le désespoir total s'est alors emparé de moi, quand mon père a prit la parole.
À chaque mot qu'il prononçait, j'avais l'impression qu'une lame de plus s'enfonçait dans ma chair, et mon esprit quittait de plus en plus mon corps pour n'avoir plus à subir cette douleur, cette hypocrisie maladive.
À chaque mot faussement bienveillant, mon regard s'orienter vers mes sœurs afin de vérifier si elles gobaient ses paroles.
Maëlle semblait perdue ne comprenant guère ce qui se passait. Pourquoi son père lui avouait qu'il l'aimait et que ce n'était pas de sa faute? Pourquoi je pleurais? Pourquoi sa triste mère lui caressait la main ? Et pourquoi tout le monde semblait si dévasté par la simple évocation de cet étrange mot «divorce»?
Quant à Marie, comme je le craignais tant et comme Jessica m'avait prévenu, elle en était consciente. Consciente de chaque mot, chaque regard, chaque ton employé. Consciente du sens de ce mot, consciente que désormais plus rien ne sera comme avant.
J'avais remarqué également cette fraction de seconde, entre la voix insupportable de mon père, les chuchotements de ma mère et mes reniflements. Marie, stoïque presque insensible tant elle n'était plus présente, qui repoussa la main de ma mère d'une délicatesse remplie de rancœur.
Mon père, comme pour montrer l'exemple ou seulement parce qu'il avait faim, avait reprit une bouchée de son plat, après avoir fini son discours. Comme si tout ce qu'il venait de dire n'était que des formalités et que ça ne devait surtout pas nous impacter. Il s'était arrêté net lorsqu'il s'aperçut que personne ne le suivit.
Quel idée de faire ça autour d'un dîner !Je n'avais pas osé me lever table la première, même si l'envie me tenait. J'avais eu envie de m'enfermer dans ma chambre et pleurer toutes les larmes de mon corps. Ce que je fis, mais seulement après que Marie se soit sacrifiée pour s'en aller en premier.
Sans claquer les portes, sans larmes de crocodiles, surtout sans reproches. Elle s'était contentée de tirer sa chaise, sauter par-dessus et marcher doucement vers sa chambre dans un silence pesant et des regards incessants.
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Nos Cœurs Cendrés
Fiksi Remaja« Un coup de soleil sur la tranche, la brise dans mes cheveux, de la musique qui remplit l'habitacle, et une autoroute infinie. Voilà ce à quoi j'aspirais. Voila ce à quoi se résumait mon bonheur. » Lyra est une jeune fille pleine d'espoir, d'ambit...