Chapitre 08- Every little thing

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       Je m'étais réveillé avant tout le monde. Les deux filles dormaient encore, et je m'étais assoupi à côté de Lyra, malheureusement nous portions tous les deux nos habits respectifs.

 Après quelques secondes à essayer de me rappeler la soirée de la veille, j'ai réussi à avoir quelques flashback. Suite à la petite chorégraphie improvisée de Lyra, je n'ai pas pu m'empêcher de lancer une pique du genre « eh bah c'est sûr que sa change de ta danse du canard de la dernière ». Elle n'a évidemment pas compris la vanne, puisqu'elle était bourrée ce jour là, et m'a expliqué qu'elle dansait depuis toute petite. Elle a ensuite délaissé mes bras pour se blottir contre le vulgaire matelas au sol et on a continué de parler. Du style « blabla mes parents m'ont inscrit aux cours de danse, mais j'ai finit par arrêter parce que j'étais complexer à cause de mon corps et blabla harcèlement et blabla poids »  enfin un tas d'événements triste qui ne me touchaient guère. 

Le mystère élucidé, je me suis relevé illico du matelas et j'ai sorti mon paquet de cigarette. J'ai jeté un dernier coup d'œil à son corps de rêve qu'elle avait qualifié de «boulet», je ne l'ai pas démenti alors que tout ce que je voulais faire c'était arracher mes yeux et les lui donner, pour qu'elle puisse voir comment moi je la percevais. Sa robe était remontée jusqu'à son ventre et elle divulguait au monde entier sa culotte rose, que j'aurais voulu arracher si cette pensée n'était pas immorale et illégale. J'ai allumé ma cigarette et me suis faufilé à l'extérieur pour fumer en paix la cigarette du bonheur. Malgré l'air pure de l'Aube, je préférais de loin l'odeur répugnante de tabac, qui repoussait les anges et les saintes vierges. Une sorte de Warning qui hurlait un « n'approche pas, je risque de te détruire comme je le fait avec ma santé ». 

J'ai tiré ma première taffe et c'était comme de l'esprit-de-sel qui brûlait toutes les parois de ma gorge, mais ça n'en restait pas moins agréable. Mon esprit s'est échappé de mon corps, comme cette fumée de ma bouche, et il est allé rejoindre un autre monde, un autre espace-temps où je serais à ce moment affalé sur mon lit en caleçon, complètement défoncé en attendant qu'un miracle se déroule et que toutes les merdes de ma vie rentrent dans l'ordre. À vrai dire rien n'avait changé, j'étais toujours bloqué dans ce même "stade zéro", zéro envie, zéro plaisir, zéro motivation.
L'ennui. Voilà ce qui m'empêchait d'être en vie. Voilà ce qui me rendait si froid si inerte. L'ennui m'ennuyait et c'était tout. Rien ne traversait mon esprit. Je ne procrastinais même plus, je n'étais pas un flemmard seulement je m'ennuyais. Rien ne m'animait, et j'en reviens à regretter de ne pas l'avoir embrassé plus longtemps. J'aurai dû la blottir contre mon torse et l'emprisonner de mes bras pour que jamais cet instant ne se termine, parce que étrangement c'était le seul moment qui m'a fait ressentir quelque chose depuis des mois. J'ai beau faire l'amour à des catégories totalement différentes de filles, embrasser cette petite brune aux yeux bleues a été le contact charnel le plus excitant et drainant que j'aie jamais vécu. J'aurais du l'embrasser plus longtemps, plus intensément, savourer le seul instant d'idylle qui m'aie été donné. Je voulais l'embrasser à nouveau, mais il valait mieux pour elle que je ne le fasse pas. Je me suis égaré la première fois et j'ai laissé mes pulsions agir à ma place, mais je tacherai de les contrôler à l'avenir.

Un bruit attira mon attention et en relevant la tête, je vis des cheveux en bataille et une tête de cadavre déterré sortir du Van. C'est sûr que ce n'est pas Lyra.
 
_ Alors les zombies ça existe vraiment, m'exclamai-je d'un ton faussement surpris.
 
Catalena grimaça d'un air de «c'est ça ferme-la » et me leva son troisième doigt.
Elle s'aligna à mes côtés sur le petit muret en pierre et se mit à sourire bêtement. Ça m'avait certes intrigué, mais je n'ai pas cherché à aller plus loin et j'ai tiré une énième taffe sur ma cigarette.
 
_ Je savais pas que tu dansais aussi bien.
 
J'ai tourné d'un coup la tête, comme si elle venait de confirmer l'existence des extraterrestres, et l'ai interrogé du regard, mais elle a continué de sourire comme une vraie aliénée.
 
_ J'ai un tas de talents que tu ignores, dis-je d'un air indifférent, et puis t'étais censée dormir.
 
Elle a jeté ses cheveux en arrière d'un air dédaigneux et a grimacé.
 
_ Tu crois que j'oserais rater ça, laisse moi rire.
 
J'ai tiré à nouveau sur ma cigarette qui commençais à rendre l'âme, mais n'ai pas répondu profitant du silence que m'offrait cette jolie matinée. Le soleil commençait à peine à se lever, les premières lueurs du jour apparaissaient à peine, et ça emplissait le monde d'une paix et d'une sérénité qui manquait beaucoup à mon esprit. Alors si je ne pouvais la trouver en moi, je me lève le plus tôt possible (en général c'est mon corps qui en décide ainsi) et tente de la trouver dans l'univers.
Catalena n'a rien ajouté profitant du lever du soleil, qu'elle n'a probablement jamais vu puisque madame dort la plus part du temps. Sans même entrer dans son esprit je savais à quoi elle pensait, Catalena parle beaucoup et je n'ai souvent rien à faire d'autres que d'écouter. J'ai, avec le temps, apprit à différencier ses fantômes à l'intensité de son regard. Aujourd'hui elle a le regard loin, trop loin, tellement loin que je pense qu'il a rejoint quelqu'un d'autre. J'ai apprit à connaître ce quelqu'un, à la manière dont son regard se perdait et son iris s'humidifie d'une fine couche d'eau, à la manière dont son corps s'immobilise, à la manière dont tout l'univers lui rappelle cette personne. À la manière dont son regard criait « tu me manques, mais je te hais ». Je n'ai rien dit, je sais qu'une personne censée aurait tenté de la secouer pour la sauver du monde obscur et démoniaque dans lequel elle s'enfonçait, mais j'ai persisté dans mon mutisme, préférant la laisser affronter le fantôme de son géniteur. Aujourd'hui est l'anniversaire de son père et comme chaque année Catalena passe la journée à faire semblant de ne pas y penser alors même qu'elle ne fait que ça. On se comprend sur certains points, elle hait son père pour tout ce qu'il n'a pas fait et je hais le mien pour tout ce qu'il a fait.

Nos Cœurs CendrésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant