XXII- Pardon...

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Aline


Je reviens à la réalité dans un cri de douleur et de désespoir mêlés alors que Fenris et moi terminons notre chute en bas des escaliers. Le démon m'évite de me fracasser le crâne contre le sol en me protégeant lors de l'impact, atterrissant lui-même le dos contre le sol dans un grognement.

- Aline ! Tout va bien ? s'inquiète Gabriel en haut des marches.

Je ne lui réponds pas, trop sonnée par ce que je viens de vivre alors que je remarque les quelques gouttes d'eau perlant sur le visage du démon. Mais il ne pleure pas. Son regard est plus terrifiant que jamais. Il sait ce que j'ai vu. Mais il ne peut rien faire pour effacer ces sensations de mon esprit ni de mon âme.

L'eau sur son visage, ce sont mes propres larmes, qui dévalent sur son visage figé dans une expression à faire frémir de terreur n'importe qui alors qu'il tremble d'une rage depuis trop longtemps contenue.

Il se relève brusquement, m'envoyant valser sur le côté, puis quitte la maison en claquant la porte sans dire un mot.

- Pardon... murmuré-je du bout des lèvres, choquée, déboussolée, atterrée par ce qui m'a été donné de voir. Pardon...

Je le suis du regard tant que je le peux alors que Gabriel arrive à ma hauteur.

- Pardon...

Le souvenir bien vivace de cette vision me hante encore. Je me sens seule, vide, blessée dans ma chair et dans mon âme, déchirée entre l'envie de mourir et le désir de faire revivre.

- Pardon...

Vidée, je me laisse aller aux larmes entre les bras de Gabriel qui, en silence, se contente d'être là, présent, à mes côtés, seul force stable dans ce monde qui s'écroule autour de moi.

- Pardon...

Mais toutes les excuses du monde ne suffiront jamais à pardonner l'ampleur des fautes commises.

Mais toutes les excuses du monde ne suffiront jamais à pardonner l'ampleur des fautes commises

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Il me semble m'être endormie lors de ma crise de larmes. C'est du moins ma conclusion lorsque je réalise que je suis allongée sur mon lit, ma couette sagement ramenée sur mon cou et encore engourdie par le sommeil, les yeux toujours gonflés par mes pleurs.

A mon réveille, je pousse un profond soupire et passe une main lasse sur mon visage.

Rien n'a encore commencé, et pourtant, je me sens déjà à bout moralement. Comment espérer vaincre l'être à l'origine de toute vie sur Terre, et même à l'origine de la Terre Elle-même, lorsque l'on décide de suivre aveuglément une créature aussi anéantie que l'est Fenris ? Son désir de vaincre sera-t-il plus puissant que sa volonté de mourir ? Le doute est permis.

Et c'est ce qui me terrifie.

Comment être certains qu'il ne nous mène pas tout droit au massacre ? J'ai vu ses plans, j'ai même participé à leur élaboration, et pourtant, je sens le souffle glacé de l'incertitude se glisser en moi, sinueux tel un serpent.

Ex Nihilo -3- Alea jacta estOù les histoires vivent. Découvrez maintenant