III- Pour une promesse

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Eyna


Dès que je reçois la convocation de la Fille de la Terre, j'abandonne toutes mes obligations et file à sa rencontre. Je ne me rappelle pas avoir croisé qui que ce soit en sortant comme une furie des Enfers, mais si c'est le cas, il n'a dû voir de moi qu'une ombre passagère.

Enfin.

Nous allons enfin le libérer. Je vais enfin pouvoir effleurer les prémices de mon destin.

En quelques minutes, je me retrouve devant la gare de cette petite ville tranquille, berceau des Filles de la Terre depuis des générations. Ce lieu si anodin, composé de quelques vieilles bâtisses, une église branlante, une boulangerie qui a elle seule réalise les trois quart du chiffre d'affaire produit ici, un salon de thé miteux, et une gare, qui, le Père sait comment, a réussi à résister aux assauts du temps et au besoin pressant qu'ont les mortels de rattraper le temps perdu, privilégiant habituellement les grandes lignes droites aux petites courbes charmantes de la Terre. Tout ici sent la décadence et l'espoir de jours meilleurs. Même la maison des Filles de la Terre mériterait un sérieux coup de peinture qui dissimulerait les cicatrices et les rides de ce vieux bâtiment qui a dû être plein de charme il y a quelques décennies.

Je dévisage la vieille gare décrépite sur les murs de laquelle courent quelques lianes de lierre, prenant de la hauteur, souhaitant sans doute admirer de haut les herbes folles qui habillent les pavés usés de la rue piétonne. Cet endroit sens la poussière et la gloire passée. Un peu comme ce monde.

Je suis perdue dans mes pensées quand j'entends finalement le pas pressé de la Fille de la Terre. Aline débarque, ses longs cheveux sombres fouettant l'air et s'enroulant autour de son corps. Elle aurait fait une magnifique succube. Sa peau pâle comme un matin de printemps tranche avec ses yeux couleur de nuit. Sa silhouette effilée doit faire tourner bien des têtes. Mais pour le moment, ce n'est pas une succube qui se rapproche à grands pas.

C'est une guerrière.

Le pas décidé, les poings serrés, le regard dur, elle respire la détermination et la force. A cet instant, je sais que rien ne l'empêchera de libérer le Prince.

- Tu as prit ton temps, Fille de la Terre. Je commençais à me demander si tu allais venir.

Elle me salue rapidement avant de prendre les devants. Il y a quelques temps, elle a découvert que les principales figures infernales étaient capable de téléportation, et depuis, impossible de passer plus d'une semaine sans qu'elle ne me harcèle pour aller à tel ou tel endroit, souvent des lieux importants où de grandes Filles de la Terre ont accompli des exploits. Mais à chaque fois, elle oublie le principal.

En effet, si la téléportation a de nombreux avantages, les inconvénients sont encore les plus frustrants. Il lui est impossible de se téléporter sans l'aide d'un immortel,  sans compter la dépense d'énergie considérable selon la distance à parcourir, la fatigue physique se mêlant à la fatigue mentale pour qui n'a jamais tenté l'expérience, ou trop peu souvent. Ajouté à cela l'inaccessibilité de certains endroits protégés par des boucliers magiques et le rêve devient rapidement un calvaire.

Dans les premiers mois durant lesquels l'archange et moi nous relayions pour son entrainement, il n'était pas rare que la pauvre jeune femme soit au bord du malaise après un petit saut spatial d'une centaine de mètres. Mais son besoin de se vider l'esprit conjugué à son désir d'atteindre son but lui ont permit d'accomplir de grands progrès en très peu de temps, si bien qu'elle ne ressent plus qu'un léger malaise à chaque téléportation désormais

Elle tente d'attraper ma main pour me traîner avec elle dans la téléportation, mais je m'écarte rapidement, évitant sa prise de justesse.

- Attend, Aline, avant de partir, je dois être sûre d'une chose.

Ex Nihilo -3- Alea jacta estOù les histoires vivent. Découvrez maintenant