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16. Somnambule - IV

QUATRIEME ANNEE, juin 1974

Bien évidemment, deux mois plus tard, Emmeline n'avait pu se résigner à quitter Angèle pour avouer ses sentiments à Tallius Oregon. Il ne cessait de la rabaisser entre deux jeux de regards, il ne cessait de pointer ses défauts entre deux sourires rougissants. Emmeline et Tallius semblaient faire une chorégraphie dont ils ne connaissaient pas la fin, faisant un pas en avant tandis que l'autre reculait, jouant de leur proximité physique, se lançant tantôt des regards perçants, tantôt des regards affectueux. Emmeline ne savait où se positionner, se levant chaque jour avec la ferme envie de larguer Angèle et de fendre la foule pour se pendre au cou du Serpentard. Or, les réflexions de Sirius et James le concernant, doublé des remarques du principal concerné qui la mettaient plus en rogne que ne la séduisaient, rendaient la situation très compliquée. Contrairement à sa relation avec Peter, celle avec Angèle était plutôt fluide. Elle l'appréciait beaucoup et, mis à part quelques nés-moldus qui vivaient dans une société bien différente de celle des sorciers et voyaient d'un mauvais oeil les relations entre personnes du même sexe, tout le monde adulait leur couple. En effet, Emmeline et Angèle allaient bien ensemble ; même Peter était de cet avis. James, pour qui personne n'égalait Emmeline, rechignait toujours quand on parlait d'elle, mais depuis que Lily avait relevé sa jalousie et laissé entendre qu'il était amoureux de la jeune Vance, il se retenait de commenter. 

Occupée à griffonner sur son parchemin, Emmeline n'entendit pas le portrait de la grosse dame pivoter. Il était six heures du matin et elle avait profité de son insomnie pour descendre dans la salle commune et continuer la carte de Poudlard qu'elle avait bientôt terminé. James devait encore ajouter quelques passages secrets et finaliser le premier étage et le rez-de-chaussée, mais leur carte complète du château avançait grandement. Bientôt, ils auraient retranscrit toutes leurs découvertes sur ce grand parchemin. 

Un bruit sourd retentit et tira la jeune fille de sa concentration. Elle balaya la pièce du regard, éclairée par les faibles rayons du soleil levant, puis tomba enfin sur une silhouette à terre. Quelqu'un de pâle était tombé sur le sol, visiblement épuisé. Emmeline délaissa ses affaires, tapota la carte pour que les écritures disparussent - au cas où elles tomberaient entre de mauvaises mains - et se leva pour venir en aide au pauvre Gryffondor. Elle fronça les sourcils et son ventre se tordit violemment. Elle reconnaissait cette masse de cheveux châtain et ces longs doigts frêles qui se crispaient sur le sol. Quand il releva la tête sur elle, son coeur manqua un battement et elle s'agenouilla près de lui.

— Remus, murmura-t-elle, horrifiée. Ça va ?

Il se contenta d'acquiescer et chercha de l'aide dans l'air. Emmeline attrapa la main de son ami et le hissa sur ses jambes tremblantes. Elle le voyait maintenant parfaitement. Ses vêtements étaient déchirés et son visage, couvert d'égratignures. 

— Qu'est-ce qui t'est arrivé ?

Remus n'avait pas la force de répondre. Il s'effondra une nouvelle fois et Emmeline eut juste le temps de le rattraper pour le déposer sur le canapé, devant le feu. 

— Je vais chercher madame Pomfresh, je re...

— Non, Emy.

La voix rauque de Remus lui souleva de nouveau le coeur. Il était si faible. Il avait attrapé son poignet pour l'empêcher de partir. Emmeline déglutit et enroula ses doigts autour de ceux de Remus avant de s'installer à ses côtés.

— Il faut te soigner, dit-elle. Tu es mal en point. 

— Il y a une... une trousse de soins. Sous mon lit.

Emmeline arqua un sourcil, surprise par cette révélation. Elle s'apprêtait à demander des explications, mais les paupières de Remus se faisaient lourdes et elle ne voulait pas qu'il tournât de l'oeil.

— Accio trousse de soins, chuchota Emmeline en pointant sa baguette sur les escaliers qui menaient au dortoir.

Quelques secondes plus tard, une sacoche noire se déposait sur ses genoux. Elle s'empressa de l'ouvrir pour fouiller à l'intérieur. Elle dénicha de l'essence de dictame en très petite quantité, et elle força Remus à ouvrir la bouche pour en verser dedans. Il accepta sans rechigner.

— Je te fais confiance, dit-il alors. Je sais que tu peux m'aider. 

Emmeline garda la tête froide, comme elle savait le faire lors de situations alarmantes, et sortit le nécessaire pour aider au mieux son meilleur ami. Des gazes, de l'antiseptique et des pansements. Sa mère avait toujours mis un point d'honneur à ce qu'elle sût se soigner sans magie, si bien qu'elle se sentit familière avec les produits moldus. Dans un silence de cathédrale, elle nettoya les plaies du jeune Lupin, épongea le sang et aida sa pommette à désenfler. Entre temps, elle fit apparaître de l'eau dans son encrier vide pour désaltérer Remus. Elle lui demanda plusieurs fois comment il allait et chaque réponse était un peu plus réjouissante. Finalement, quand Remus fut à peu près rafistolé et qu'il eût terminé son verre d'eau, Emmeline replia ses jambes en tailleur et se tourna vers lui. Il avait pris une position plus confortable sur le canapé et avait meilleure mine.

— Tu vas me dire ce qui t'est arrivé ?

Remus hésita un instant. Emmeline pensa que c'était encore un des nombreux mystères qu'il faisait, mais en réalité, son ami était sur le point de lui dire la vérité. Il lui faisait confiance, il savait qu'il pourrait compter sur elle et puis, Emmeline était intelligente et une maîtresse en potions, elle pourrait certainement les aider dans leur entreprise. Cela faisait des mois que James et Sirius travaillaient dessus sans succès. Soudain, Emmeline posa une main sur sa joue et sécha une trace de sang qu'elle avait oublié du bout du pouce. Remus sentit un frisson lui remonter le long de la colonne vertébrale. Il ne pouvait pas lui infliger son secret. C'était déjà un fardeau pour lui, maintenant un pour ses amis et il risquait de se faire démasquer à tout moment - Rogue l'avait d'ailleurs surpris quelques semaines auparavant et les relations entre James et lui étaient pires qu'auparavant. Si Emmeline l'apprenait, elle s'inquiéterait pour lui, tenterait de prendre des risques pour lui venir en aide et son secret serait encore plus mis en péril. À contrecœur, il répondit enfin :

— Je suis somnambule. Je me suis réveillé comme ça en pleine forêt. J'ai dû tomber sur le terrier d'une goule et elle m'aura fait la misère.

Emmeline fut sceptique. Était-ce un énième mensonge de sa part ? Combien en avait-il dit d'autres ? Préférant préserver sa santé mentale et leur amitié, elle ne réagit pas et se contenta d'acquiescer. Remus n'était pas du genre à mentir, il était généreux et loyal. Un gentil garçon qui ne ferait de mal à personne et encore moins à Emmeline. 

Elle aurait aimé discuter plus en profondeur de cette histoire de somnambulisme, mais les premiers pas précipités dévalaient les escaliers. C'était l'heure du petit-déjeuner. 

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Et voilà un chapitre tranquillou sur Remus et Emmeline, j'aime beaucoup trop leur relation ! On va bientôt passer à la cinquième année et elle sera chargée en rebondissements, je vous le garantis ! 

Ecrit le 13 Août 2021, corrigé le 24 Novembre 2021 et publié le 9 Mars 2022.