Retour en voiture

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Finalement, la réaction ne fut pas si horrible que ça.

J'ai cru que mon grand-père allait faire une crise cardiaque, mais non. Il a juste transplané chez lui.

Ma grand-mère, fidèle à elle-même, m'a donné un paquet de bonbons et a pesté contre mon grand-père tout en promettant de rester jusqu'à la fin des vacances.

Relativement heureux et soulagé, je mange mes bonbons tranquillement, tout en évitant le regard d'incompréhension et teinté de déception de mon père. Je sais qu'il ne saisit pas du tout ce que je peux trouver à Lily, il ne comprend pas "comment j'ai pu tomber dans le panneau aussi facilement".

Ma mère, quant à elle, a un sourire discret (étonnant ? Je ne crois pas) qui me fait comprendre qu'elle se doutait de quelque chose depuis un petit moment déjà.

Je la trouve d'ailleurs plus fatiguée que d'habitude. Elle a des petites poches sous les yeux (c'est très rare qu'elle en aie) et je devine des cernes sous tout le maquillage qu'elle s'est mis aujourd'hui. J'espère que ce n'est pas de ma faute...

Nous nous installons donc dans la voiture. Ma grand-mère et moi sur les sièges arrière, mon père et mère sur les sièges avant, Draco au volant de la Posche Macan, voiture faite pour passer inaperçus au milieu des moldus.

- Arrête de te goinfrer, Scorpius, me dit mon père avec un regard désapprobateur en regardant dans le rétroviseur. Tu n'as pas besoin de tout ce sucre.

Avec un coup de baguette magique, il ferme le sachet de bonbons et le met sur mes genoux, plié en deux.

- Mais si, le contredit ma grand-mère, regarde, Draco, il n'a que la peau sur les os ! Laisse-le manger.

Elle récupère le petit paquet, le rouvre puis me le remet dans mes mains. Mon père lui jette un regard assassin, qu'elle soutient avec mépris.

- Scorpius, dit sèchement mon père. Range ce sachet. Je ne le répèterai pas.

Je déglutis. Il est très énervé. Comme d'habitude, sa colère est très froide mais je saisis tout de même le sens de ses pensées. Je ne dois pas manger entre les repas, comme le bon Malfoy que je suis...

- Enfin, fait ma grand-mère, tu fais comme tu veux, mon petit scorpion. Papa dragon est en colère et ce n'est pas ta faute, alors je ne comprends pas pourquoi il s'acharne sur toi.

Qu'est-ce qui pourrait énerver mon père ?

Draco se tend d'avantage. Ellen Greengass et lui passent leur temps à se disputer, depuis toujours. Ma grand-mère se fiche royalement des coutumes des sang purs (c'est aussi ce qui fait son charme), au total opposé de mon père (pour qui les coutumes dictent les règles de vie, les règles à suivre ou non).

Il arrive souvent à Ellen de m'appeler Hypérion, elle a toujours refusé de m'appeler Scorpius. "Ce n'est pas un prénom pour un petit garçon !" dit-elle souvent.

Lorsque ma grand-mère et mon père commençaient à se crier dessus, quand j'étais petit, ma mère m'emmenait souvent ailleurs et elle me lisait des histoires de Quidditch et de potions.

Mon grand-père, lui, soutenait mon père et maudissait le ciel d'avoir une pareille femme.

Mon père serre les dents, puis répond à ma grand-mère :

- Ce n'est pas à vous de vous occuper de l'éducation de mon fils, Ellen. Vous avez élevé deux filles, jamais de garçon. Mêlez-vous de ce qui vous concerne.

- Scorpius me concerne, réplique ma grand-mère. C'est mon petit-fils.

- Petit-fils. Pas fils. Alors, je vous en prie, taisez-vous.

Ellen pinça les lèvres de manière désapprobatrice, puis dit à nouveau :

- Je trouve que vous prenez bien vos aises, Draco. Ce n'est pas parce que vous avez un fils formidable que vous devez croire qu'il vous est possible de me manquer de respect !

- Mamie ! dis-je, cramoisi.

- De plus, poursuivit-elle, je trouve ma fille bien courageuse de vous supporter toute la journée, de cette manière... Vous vous comportez si mal. Si j'étais à ta place, ma chère Astoria, je serais déjà partie !

- Maman ! s'exclame ma mère à son tour.

- Voyons, ne prends pas cet air scandalisé ! Tu as toujours été comme ça, à apporter ta joie et ta bonne humeur à des gens qui ne la méritaient pas. Je ne nierai pas que Draco en fait partie, bien sûr.

- Ellen, intervint mon père, les joues rougies, je vous demanderai une seule chose. Vous êtes notre invitée, alors faites au moins semblant d'être heureuse d'être là.

Ma grand-mère pousse un soupir exaspéré, avant de répondre :

- Je veux bien. Ne me forcez juste pas à vous appeler "Prince de Serpentard".

Mon père semble surpris qu'Ellen lui ressorte ce vieux surnom, mais pas fâché.

- Hé bien, poursuivit-elle, c'est bien comme ça que l'on vous appelait à l'époque, non ?

Draco hoche la tête, et je vois ses yeux briller un peu plus que tout à l'heure, sans vraiment saisir pourquoi. Regrette t-il ce temps, lors duquel crevait celui qui ne marchait pas avec lui ? Je ne sais pas.

Je croise son regard, et, dedans, lis de la fierté.

C'est vrai. Maintenant, c'est moi le Prince de Serpentard. C'est à moi de faire régner la maison de ma famille, à moi de trouver des gens pour marcher avec moi. Des gens pour m'accepter au quotidien, moi et mon insupportable caractère. Moi et mon mépris, moi et mon arrogance, moi et mon antipathie, moi et mon nom. Moi, Malfoy, moi, Serpentard, moi, moqueur et méchant.

Moi et mon autre moi.

L'autre moi... Celui qui peut se montrer généreux. Celui qui peut se faire des amis, qui peut montrer ses fragilités, se confier, se révolter, penser par lui-même et désapprouver les idées de sa famille, rejeter les amitiés foireuses et en construire des solides, avec des bonnes bases et qui jamais ne s'effondreront.

Au fond, j'ai, moi aussi, ma part d'humanité.

Au fond, il y a Scorpius. Celui qui n'est pas Malfoy.

Les deux moi qui se battent en permanence. Alors, si tu veux espérer devenir mon ami, un vrai ami, pas un stupide sbire ou un homme de main, alors...

C'est à prendre ou à laisser.

Car je ne te le proposerai pas deux fois.

Journal d'un serpent, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant