Chapitre 1.2

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 ‒ Gigi, qu'est-ce que je dois faire de ça ? Le signer ?

La tête de l'adolescente émerge du canapé. Sa mère se tient devant le mot que le proviseur destine aux parents d'élèves pour faire état de la situation et en parler lors de la réunion de fin d'année.

‒ Non, je ne crois pas.

‒ Qu'est-ce que tu marmonnes ? Parle plus fort, Gigi !

‒ NON, c'est juste pour info !

Virginie dore les légumes dans la poêle tout en lisant la note. Elle est dans sa phase « légumes du soleil », sans viande et sans sauce, au grand désespoir de Gigi et de son père. Elle connaît par cœur sa mère qui n'a en tête que son futur maillot de bain des vacances d'été.

‒ Y'a vraiment des cinglés... Eh ben ! Il conseille carrément l'adresse d'une colonie spéciale « désintoxication numérique »... Il n'exagère pas un peu, hein ?

Elle repose la feuille que sa fille lui a imprimé.

‒ Gigi, tu veux bien sortir la poubelle ? Et appelle ton père au passage ! Le dîner est prêt dans dix minutes ! Ah, et ce vélo qui traîne, merci de bien vouloir le ranger ! Sinon je roule dessus la prochaine fois !

L'humour pince-sans-rire de sa mère ne lui fait plus vraiment d'effet.

‒ Oui.

‒ Oh, mais, un peu de joie de vivre, Gigi ! J'en peux plus de vous, jeunes ados tout le temps blasés !

‒ T'es une caricature, maman ! Tu sais ?

‒ C'est pas comme ça que tu vas te trouver un petit copain !

Gigi serre les dents. Deux sujets l'énervent au plus haut point :

1. sa mère qui veut à tout prix la caser.

2. sa mère qui veut à tout prix la caser.

Virginie ne fait pas les choses au hasard. Elle est du genre à rechercher sur Google quels aliments sont les moins susceptibles de faire fausse route lorsque Papé vient manger. Aussi Gigi s'étonne-t-elle que sa mère soit si peu subtile avec elle, ni même attentive à ses désirs.

Comme souvent, elle bougonne sans s'éterniser. De toute façon, elle a mieux à faire : sortir les ordures est le programme le plus fun de ce début de soirée. Quelques minutes de répit et le bon moyen de clore la discussion. Elle prend le sac et fourre machinalement la note du proviseur dans la poche de son sweat-shirt aux couleurs de son groupe préféré : QUEEN.

Dans la douceur de cette soirée de printemps, elle déambule jusqu'au bout de la cour. De l'autre côté de la clôture, son voisin, Bryan, en pleine séance de yoga, la salue du pied. Ça l'amuse.

Elle jette le sac dans la poubelle qu'elle dépose sur le trottoir. Bryan s'est relevé :

‒ Tu vas bien, Géraldine ?

‒ Je n'aurais jamais dû te dire mon vrai prénom, lui répond-elle. Je le déteste !

‒ Je m'appelle Bryan, tu es battue !

‒ Ce n'est pas si moche.

Elle ne le pense pas vraiment. Mais Bryan ne ressemble pas à l'idée qu'on se fait d'un Bryan. Elle l'a déjà dit à sa mère : parce qu'il lit, fait du yoga, jardine, est poli et son look s'approche plus du dandy que de l'acteur de soap américain ou du voyou des cours d'école. Ce à quoi sa mère à juger bon de rétorquer : « Dommage qu'il soit plus vieux, pour une fois qu'un gars te plaît ! »

Démente NarcisseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant