Chapitre 3 (Ethan)

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Le business n'attend pas. Voilà une chose que les Rice savent bien désormais.

Hayden et moi avons rendez-vous à neuf heures avec Clint, notre beau-frère qui est aussi vicomte. Grâce à ses fonds, notre famille a pu racheter la société dans laquelle nous travaillons d'arrache-pied avant la guerre. Une petite revanche que la vie nous a accordée.

À huit heures tapantes, je me trouve devant les portes de la compagnie. J'ai tendance à arriver en avance quand je suis celui qui réclame une réunion. Cela me permet de songer à ce qui va découler de notre conversation en fumant une cigarette ou deux. C'est aussi l'occasion de m'occuper l'esprit avec quelques dossiers rapides à régler, en plus d'être une bonne excuse pour écourter mon temps aux côtés de Joyce.

Ce matin, les choses sont différentes. Une nouvelle présence m'empêche d'accomplir mon rituel. Tandis que je marche le long du couloir qui mène à mon bureau, je toise l'intrus qui patiente devant. Mes yeux d'un bleu perçant l'analysent de la tête aux pieds. Un grand brun aux iris de la même couleur que les miens, légèrement plus clairs. Il est costaud, se tient droit et dégage une allure imposante.

Loin de me laisser impressionner, je reste fidèle à moi-même lorsque j'arrive à sa hauteur, adoptant une attitude froide et distante.

— Vous êtes ?

— Dante Barilla, voyez-moi comme le bras droit de la famille Keegan. On m'envoie régler une affaire.

Perplexe, j'arque un sourcil en l'observant. Je connais les Keegan de réputation, ces derniers dirigent le Nord de Londres à main de maître. Leur entreprise dans le secteur de la sécurité fonctionne à merveille et aide le pays à ne pas complètement sombrer dans l'endettement. Il s'agit d'une famille respectable, bien plus que la mienne, et il est préférable d'éviter les ennuis avec eux. Ce n'est pas ce que je fais, alors que me vaut sa présence ?

Sans broncher, j'ouvre la porte et l'invite à entrer.

— Il ne me semble pas entretenir une quelconque affaire avec les Keegan, dis-je en me dirigeant vers mon bureau.

— Un massacre a eu lieu au cours de la nuit dans les quartiers Nord.

Le calme ambiant est pesant, à tel point que je distingue sans mal le bruit du tic-tac de la pendule. Je sens que ce cher Barilla cherche à épier mes réactions. Il risque d'être déçu.

— J'attends la suite.

— D'après mes sources, une querelle aurait éclaté entre vous et ses hommes au Ruby Bar, au point d'en arriver aux armes.

Le mutisme est ma première réponse face à ces accusations. Je sors tranquillement de ma veste un paquet de cigarettes et en propose une à mon interlocuteur qui refuse d'un simple geste. Je reste impassible même si deux choses me dérangent : à quel point cette histoire risque-t-elle de menacer ma famille ? Et est-ce qu'elle fait partie des victimes de ce massacre ?

— J'ai effectivement désiré la mort de ces hommes, un en particulier, admets-je sans remords. Mais si son meurtre s'avérait de mon fait, il n'aurait tout bonnement jamais quitté ce bar vivant.

À quoi bon le laisser repartir alors que j'avais le dessus ? Il n'y a aucun intérêt à le retrouver plus tard dans la soirée pour l'assassiner. Joyce pourra plaider ma cause si besoin, elle se trouvait en ma compagnie au moment du crime. C'est une chance que je ne l'ai pas repoussé, tout compte fait.

— Sachez, monsieur Rice, que l'une des personnes décédées était le fils du Duc York, qui est lui-même un fiable associé de la famille Keegan.

J'ai toujours eu horreur des sous-entendus. Me menace-t-il ? Autant le faire clairement. La peur n'est pas un sentiment qui risque de me dominer. Je ne redoute personne en ce bas monde depuis la guerre, je ne crains plus Dieu également, au grand damne de ma sœur aînée devenue religieuse.

Envers et contre tout [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant