Chapitre 10 (Ethan)

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Un rayon de soleil filtre à travers le rideau pour venir timidement caresser mon visage, me forçant à émerger. Je cligne plusieurs fois des yeux, tente de remettre de l'ordre dans mes idées, de me souvenir de ce qu'il s'est passé la veille.

Brusquement, je me redresse sur le lit et scanne la chambre. Aucune trace d'Anya dans les parages, mais la pièce est dans un état lamentable. Mon regard se pose sur le miroir contre lequel je l'ai plaqué, ou plutôt sur ce qu'il en reste. Il est bel et bien en mille morceaux et des gouttelettes noires ont séché dessus. Son sang.

Peu à peu, je me remémore les mots qui ont résonné à mes oreilles juste avant de sombrer : je suis une daeva. Impossible de savoir ce que signifie ce terme. Malheureusement, mes recherches attendront. Je suis en retard pour le travail.

Le pas pressé, je longe les bureaux de la société familiale d'un air distrait. Si mon corps est présent, mon esprit est toujours à mon appartement. Du bout des doigts, j'effleure un morceau du miroir brisé que j'ai emporté avec moi, enfoui dans la poche de ma veste.

Je m'apprête à rejoindre l'office de mon frère, quand j'aperçois ce dernier patienter devant le mien, visiblement agacé.

— Te voilà enfin ! peste-t-il de l'autre côté du couloir en approchant.

Premier jour où j'arrive en retard et il trouve le moyen de me le reprocher, c'est bien ma veine.

— J'ai quelque chose à te montrer, lui réponds-je en ignorant ses remontrances et en commençant à sortir la main de mon manteau. Il faut que tu me dises si tu vois...

— Plus tard, m'interrompt Hayden. Les Irlandais nous attendent dans le bureau de Clint. Qu'est-ce que tu as fabriqué pendant tout ce temps ? Je n'ai pas arrêté d'essayer de te joindre !

— J'étais... indisposé.

Coupé dans mon élan, je replonge la main dans ma veste et décide de remettre le problème « Anya » à plus tard. Hors de question de la faire passer avant le business familial. Les Irlandais représentent une menace bien plus importante.

— Allons-y, conclus-je.

— Es-tu sûr d'être en état de les recevoir ?

— Tant qu'ils restent courtois, je le serai aussi.

J'entends mon frère déglutir, mais il devra faire avec ses craintes et le risque que les choses dérapent. Je ne les laisserais pas gérer cette affaire sans avoir mon mot à dire, surtout quand on sait pourquoi ces hommes sont présents.

Sûr de moi, je pousse la porte du bureau de Clint et croise d'abord le regard inquiet de mon beau-frère, avant de jeter un bref coup d'œil vers les cinq mâles qui lui font face. Ils sont tous imposants et bien apprêtés, à la fois souriants et menaçants. Je connais parfaitement ce genre d'hommes, j'en ai confronté plus d'un comme eux durant la guerre.

— Messieurs, désirez-vous un verre de whiskey ?

— D'aussi bonne heure ? Non merci. Nous sommes venus parler affaires, monsieur Rice. Nous espérions que ce cher Clint Williams soit en mesure de satisfaire notre demande, mais visiblement il n'est pas seul à prendre les décisions.

Mes yeux scrutent celui qui s'exprime, installé au milieu du petit comité. Probablement leur chef. Ses cheveux bruns sont rasés sur les côtés, mais plus longs en leur centre, et ses iris sont presque aussi noirs que sa moustache. Il est sans nul doute le plus impressionnant des cinq, mais je me méfie davantage des autres.

— Vous êtes à la Rice Company Limited, lui indiqué-je en me grattant légèrement la barbe. Il en va donc de soi qu'il faille un Rice pour conclure certaines affaires.

Envers et contre tout [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant