Chapitre 9 (Ethan)

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Une fois la crise familiale passée, mon frère et moi sommes remontés, prétextant qu'Abigaël et Julian étaient trop fatigués pour rester davantage. Je me suis excusé auprès de ma mère de m'être emporté ainsi, constatant que cela l'avait beaucoup peiné. J'ai également fait l'effort de lui tenir la conversation jusqu'à ce que tout le monde décide de rentrer. Quant à mon père, il n'a pas prononcé un mot de toute la soirée et je n'ai pas tenté d'engager une quelconque discussion avec lui. Je comprends son silence et aurais préféré pouvoir en faire autant.

Épuisé par cette soirée, je jette les clefs d'appartement dans un coin de l'entrée et me dirige vers ma chambre. Un courant d'air frais me caresse la nuque et mon instinct se met aussitôt en alerte. Je m'arrête au milieu du couloir, dégaine mon revolver et braque la personne qui se trouve dans mon dos. Sur le point de tirer, j'immobilise mon geste à temps, reconnaissant les traits de la femme qui se tient debout, tapis dans l'ombre.

— Il est imprudent de s'aventurer dans la demeure d'un homme armé sans y avoir été invité, annoncé-je en toisant Anya.

Je pourrais baisser mon revolver maintenant que je l'ai identifié, mais je n'en fais rien.

— J'aime le danger.

Sourire aux lèvres, la belle brune se rapproche de moi, se moquant éperdument de la menace de la balle capable de lui faire exploser la cervelle. Elle ne s'arrête qu'une fois arrivée à ma hauteur et continue de me fixer sans ciller.

— Comptes-tu tirer ou ranger ton arme ? Il va falloir te décider.

Que peuvent-ils tous bien avoir ce soir, à rester insouciant face au danger et me mettre au défi de les achever ? Cette ville est en train de mal tourner. Peut-être sont-ils tous devenus fous ? À moins que ce ne soit juste moi. L'espace d'un instant, je souhaite presser la détente pour vérifier. Va-t-elle disparaître comme l'autre fois ? Ou est-ce que son sang viendra peindre les murs ?

Tic... Tac...

Il me faut cinq bonnes secondes pour abandonner cette idée saugrenue et ranger mon revolver.

— Je ne suis pas d'humeur à jouer aujourd'hui.

Prenant le risque de lui tourner le dos, je me dirige vers ma chambre, exactement comme j'avais prévu de le faire avant de constater sa présence.

— Dommage, la nuit ne fait que commencer et je me sens en pleine forme ! Je vais devoir trouver un moyen de te maintenir éveillé.

Anya me suit dans la pièce voisine et je n'éprouve pas la moindre gêne à déboutonner ma chemise devant elle. Ses yeux de fauve ne me lâchent pas d'une semelle lorsqu'elle se rapproche pour m'interrompre. Elle souhaite retirer elle-même les derniers boutons.

Sans la quitter du regard, je la laisse faire. Je remarque que son attention s'arrête parfois sur mes cicatrices de guerre, ou sur l'unique tatouage qui orne ma peau. Une plume est dessinée sur mon épaule droite, de laquelle se détachent plusieurs oiseaux qui prennent leur envol vers mon pectoral. L'encre noire ancrée sur mon épiderme est à jamais présebte pour me rappeler un fait important. Seul mon frère en connaît la signification.

— Que souhaites-tu, Anya ? demandé-je pour briser la glace.

Tout compte fait, moi aussi j'ai décidé de mettre le vouvoiement de côté. Celle-ci fait glisser la deuxième manche de ma chemise le long de mon bras et ne se contente plus d'observer de ses yeux jade. Du bout des doigts, elle caresse mes muscles et certaines cicatrices, s'attardant sur l'impact de balle à quelques centimètres de mon cœur. Je ne frissonne pas à son contact malgré la froideur de sa peau, semblable à la dépouille d'un condamné.

Envers et contre tout [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant