Chapitre 4 (Abigaël)

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Au cœur d'une ruelle sordide du Sud de Londres, les talons hauts d'Abigaël Rice claquent contre le bitume, annonçant sa présence à qui veut bien tendre l'oreille. Cette dernière atteint un bâtiment décrépit qui fait peine à voir de l'extérieur. Les murs abîmés s'effritent et semblent à deux doigts de s'écrouler. La peinture jaune délavé donne l'impression de pleurer sa triste condition. Même l'odeur est détestable, un mélange de bois calciné et de pourriture.

Aucune femme digne de ce nom ne viendrait mettre les pieds ici, mais Abigaël n'oublie pas ses racines.

— Julian Sheipard ! J'espère que tu es chez toi parce que tu as des comptes à me rendre ! hurle-t-elle depuis le dessous de sa fenêtre.

Si les Londoniens ne la connaissaient pas de réputation, une bonne femme l'aurait certainement insulté de se donner ainsi en spectacle et d'ennuyer tout le quartier. Abigaël n'attend aucune réaction de la part de celui qu'elle interpelle. Elle pénètre dans l'immeuble et grimpe les marches deux par deux, prête à en découvre.

Au moment où elle s'apprête à tambouriner contre une porte, la voilà qui s'ouvre juste sous son nez.

— Salut beauté !

Légèrement penché face à elle, Julian affiche son éternel sourire arrogant, celui qui étire ses lèvres d'un bout à l'autre de son visage. Quelques mèches de ses cheveux bruns retombent devant ses yeux, lui donnant un air d'autant plus dédaigneux.

Julian est âgé d'à peine deux ans de plus qu'elle, même s'il paraît plus vieux que vingt-quatre ans avec sa barbe de trois jours. Sans la moindre retenue, il exhibe son torse nu, fier de montrer sa musculature qu'Abigaël connaît déjà, ce qui ne l'empêche pas de l'admirer secrètement.

Quel arnaqueur ! S'il croit l'amadouer de cette façon.

Cette dernière préfère croiser ses yeux marron pour rester concentrée et reprend d'un ton contrarié.

— Dis-moi que ce n'est pas toi.

— Tout dépend de quoi on parle, répond l'impertinent.

Abigaël le bouscule pour entrer dans son appartement. À peine entend-elle la porte se refermer qu'elle fait volte-face.

— Le crétin qui m'a abordé hier soir, dis-moi que tu n'es pas allé le trouver quand je suis partie de chez toi.

Sa seule réaction est de croiser les bras sur son torse, conservant le silence. Julian a tendance à aimer jouer de mystères, mais en l'occurrence, cette façon de faire n'est vraiment pas la bienvenue. Devant ce comportement puéril, Abigaël commence à regretter de lui avoir relaté ce qu'il s'est passé au Ruby Bar.

— Julian, tu as intérêt de dire quelque chose !

— Que t'a-t-on raconté au juste ?

Ce qu'il peut l'exaspérer à répondre à ses questions par d'autres questions ! La jeune femme roule des yeux et se dirige vers le salon dans lequel elle se laisse choir sur le canapé.

De son côté, Julian se contente de rester debout, appuyé dans l'encadrement de la pièce.

— Un massacre a eu lieu cette nuit dans le Nord. Lui et ses hommes se sont fait assassiner, on ignore encore comment. Ce qu'on a appris en revanche, c'est qu'il était le fils du Duc York.

— Et ?

Elle relève un regard furieux dans sa direction. Comment peut-il être aussi insouciant ? À moins qu'il ne cherche à jouer avec ses nerfs, mais il y a des sujets avec lesquels il ne faut pas plaisanter. Celui-là en fait partie. Pourtant, il reste dans ce rôle malavisé. Julian a tendance à l'exaspérer de bien des façons.

Envers et contre tout [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant