Chapitre 7 (Ethan)

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Cinquante-neuf... Cinquante-huit... Cinquante-sept...

Perdu au cœur de l'enfer, j'adresse un regard lourd de sens à mon frère. Notre plan va fonctionner. Il doit marcher.

Trente-cinq... Trente-quatre... Trente-trois...

Dans quelques secondes, nos destins vont basculer. Si la fortune se trouve de notre côté, nous l'emporterons sur nos adversaires. Autrement, c'est la totalité de notre groupe qui se fera décimer. Finalement, y a-t-il vraiment un gagnant sur un champ de bataille ? Perdre la vie ou bien son âme. Dans tous les cas, personne n'en ressort indemne. L'humanité disparaît. Il le faut, sinon les chances sont truquées.

Quinze... Quatorze... Treize...

Couvert de terre et de suie, Hayden glisse une main derrière ma nuque et me murmure notre promesse à l'oreille : Envers et contre tout. Il dépose un baiser sur le sommet de mon crâne, tandis que je termine de compter les secondes.

Trois... Deux... Un...

Trois coups secs retentissent contre le battant de la porte et m'arrachent à ce mauvais rêve. Je secoue la tête, complètement dans les vapes. Plusieurs secondes me sont nécessaires pour réaliser l'endroit dans lequel je me trouve, ou plutôt à quelle époque nous sommes. Je suis chez moi, vivant, et la guerre est terminée. Nous l'avons remporté il y a huit ans.

Face à mon manque de réactivité, la personne venue me rendre visite insiste en toquant à nouveau.

— Une minute !

Le corps lourd, je me lève du canapé et remets rapidement ma chemise à l'intérieur de mon pantalon avant d'aller ouvrir. Je ne dois pas sentir la rose, après m'être endormi alcoolisé et habillé devant l'une de mes toiles. Une de plus qui finira au même endroit que les précédentes : la déchetterie.

— Tu as une sale mine, lâche Hayden à peine après avoir croisé mon regard.

— Bonsoir, mon frère. Comment vas-tu ? Une journée comme une autre, et toi ? Oh, je passais simplement dans le coin et avais envie de venir t'importuner !

Hayden sourit, visiblement amusé par mes reproches. Même s'il ne le mérite pas, j'ouvre grand la porte pour l'inviter à entrer et retourne au salon.

— Je savais que tu oublierais, prononce-t-il cette fois d'un ton réprobateur, comme si j'étais censé comprendre de quoi il voulait parler.

— Je suis sûr que tu te feras un plaisir d'évoquer ce qui échappe à ma mémoire.

— Dîner de famille ce soir, et puisqu'il est hors de question que je te laisse te présenter dans cet état, je suppose que nous arriverons avec du retard.

La mine crispée, je réalise avoir effectivement oublié ce rendez-vous et j'aurais préféré que mon frère ne vienne pas me rappeler à l'ordre.

Une semaine s'est écoulée depuis la visite d'Anya et je n'ai eu de cesse de me demander quand est-ce qu'elle me tomberait dessus à nouveau, négligeant le reste. Cette dernière n'est jamais revenue et j'ai fini par me convaincre qu'elle n'existait que dans mon subconscient. Tant mieux, je ne souhaite pas la revoir.

— Dis-leur que je suis malade.

— Pas cette fois. Tu as donné ta parole et les Rice...

— Respectent toujours leur promesse, terminé-je à sa place, sachant parfaitement qu'il déteste cela. Je connais le dicton.

Un soupir s'échappe de mes lèvres. Je ne suis pas d'humeur à dîner tranquillement autour d'une table avec ma famille. J'ai trop de choses à faire et à penser. Mon frère n'a certainement pas manqué de constater à quel point j'ai des difficultés à faire des efforts ces derniers jours. Même mon appartement qui, habituellement plutôt bien rangé, se trouve dans un état déplorable. De la peinture est renversée au sol, des cadavres de bouteilles traînent par-ci et là et le cendrier est tellement rempli que plusieurs mégots ont fini éparpillés sur les meubles avec des restes de nourriture. À force de fumer et de ne pas aérer, l'odeur ne doit pas être plus agréable que la vue.

Envers et contre tout [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant