Chapitre Douze

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            Novembre
            — « Je fais et essayerai de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que cela ne soit pas trop difficile de travailler pour vous », mimait Soobin en se tenant raide comme un piquet, la voix exagérément aigue et nasale. « Ce n'est pas pour que vous vous veniez enquêter par la suite, pour constamment chercher à savoir ce que j'ai pu faire ou ne pas faire », et bla bla bla..., finit-il en soupirant avant de prendre une bouchée de son poulet frit.

En face de lui, Beomgyu le regardait d'un air à la fois consterné et amusé. Choi Soobin, vingt-six ans, imitait encore son patron à la façon d'un adolescent et une partie de lui demeurait amusée par cela. Quelques fois, il se demandait comment ils avaient bien pu faire pour survivre dans la vie active avec une telle mentalité cachée en eux.

— Je vois, fit le blond cendré pour marquer sa compréhension de la petite mascarade de son meilleur ami. Du coup, il t'a bien aidé en fait.

Il avait appris, avec le temps, à déchiffrer les discours de Soobin. À repérer les informations importantes camouflées par une couche de bêtise et de spectacle non négligeable. Soobin se confiait facilement à lui, mais il avait toujours eu cette habitude de constamment tourner autour du pot, d'avouer les choses d'une façon détournée, d'en faire des caisses. Comme s'il cherchait à faire penser que tout ce qu'il disait n'était qu'à prendre à la légère et que cela ne le touchait pas réellement. Heureusement qu'après environ quatorze ans d'amitié, il savait déceler tous les messages – plus ou moins subtils – que cette perche têtue qui lui servait d'ami essayait de lui envoyer.

Suite à sa remarque, le châtain s'arrêta de manger pour le regarder dans les yeux. Tout en mâchant sa bouchée de riz, il répondit à son regard par un sourire, continuant de le fixer dans le blanc des yeux. Il compta. Un, deux, trois...

— Mouais, avoua enfin le plus grand en baissant les yeux vers son plat et Beomgyu eut un soupir de contentement. On peut dire ça comme ça.

— Et bien c'est très gentil de sa part, il vit Soobin le fusiller du regard. J'veux dire, pour le monsieur me myself and Regard que tu m'avais décrit, c'est franchement cool, non ? fit-il en ne pouvant réprimer un rictus sur le coin de ses lèvres à l'énonciation de l'expression qu'ils avaient inventée.

Cela fit également son petit effet sur le plus vieux qui eut grand mal à cacher son amusement derrière une mine faussement contrariée.

— Ouais, on peut dire ça. Mais y'a un truc qui cloche...

Il but une gorgée de son soda avant de confortablement s'installer sur le banc du fast-food dans lequel ils mangeaient, prêt à écouter son meilleur ami comme il l'avait toujours fait.

Il lui arrivait souvent de revoir des bribes de leurs jeunes années, lorsque les deux adolescents qu'ils étaient se retrouvaient dans un parc pour enfant abandonné dans le coin le plus reculé de leur quartier. Il avait toujours été là pour écouter Soobin, pour lui proposer une épaule sur laquelle pleurer ou rire aux larmes, des étreintes réconfortantes et, lorsqu'il le pouvait, des conseils avisés. Soobin l'écoutait lui aussi, mais ce n'était pas pareil. Ils le savaient tous les deux très bien et ils avaient appris à vivre avec.

— Développe.

— J'ai l'impression que... qu'il veut que je lui fasse confiance. Je veux dire, avec toute cette histoire de le laisser faire sans m'en mêler, de ne pas chercher à m'assurer qu'il ait gardé le secret, ça sonnait vraiment comme s'il voulait que je croie en lui.

— Et alors ?

Soobin l'affubla de ses grands yeux ronds, ceux qu'il lui sortait chaque fois qu'il lui disait une aberration. Enfin, ce qui était une aberration à ses oreilles.

╺╸MENACEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant