Chapitre Seize

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            Novembre
            Soobin émergea de sa sieste improvisée, encore complètement habillé dans le lit de sa chambre d'hôtel.

Depuis que Yeonjun et lui étaient arrivés en France, il se retrouvait complètement exténué en fin de journée. Certes, ils avaient pu se reposer le jour de leur arrivée avant de commencer à travailler avec la compagnie française, mais sans qu'il ne sache trop pourquoi, son quotidien en France le fatiguait beaucoup. Sûrement que, malgré les quelques jours qui s'étaient écoulés, il n'avait pas encore très bien digéré le décalage horaire.

Comme à son habitude – enfin, ce qui en était devenue une par la force des choses – il se leva, passa une main dans ses cheveux et les recoiffa sommairement avant de s'installer à son bureau. Ses petites siestes d'un peu moins d'une heure lui permettaient de regagner le strict minimum d'énergie dont il avait besoin pour véritablement finir sa journée. Car si de huit heures à dix-huit heures, il suivait Yeonjun dans tout Paris pour faire des rencontres, discuter des plans de l'établissement, délibérer entre telle et telle option pour la façade ou encore la confection des pièces maîtresses, sa journée n'était jamais vraiment terminée pour autant. Le reste de la soirée, il devait – tout comme il savait pertinemment que Yeonjun était lui aussi occupé de son côté – écrire des communiqués, envoyer des mails, prévoir des réunions...

En clair, faire son métier ne s'était jamais avéré aussi laborieux que lors de ces derniers jours.

Et tandis que lui peinait à suivre comme un amateur – si ce n'était pas ce qu'il était, finalement – il observait avec effarement que, son patron de son côté, ne vivait visiblement pas leur séjour en France de la même façon. Bien sûr, Soobin était ravis de cette occasion en or qu'il avait de découvrir la France, même si pour l'instant, il n'avait fait qu'apercevoir la tour Eiffel de loin et prendre le métro. Mais le plus vieux semblait... différent. Changé. Et cela ne lui avait pas échappé. Oh bien sûr, il ne comptait pas sur le principal concerné pour lui parler de quoique ce soit, d'ailleurs, il ne lui venait même pas à l'esprit de lui parler de la moindre de ses pensées sur le sujet. Non, Soobin observait, tout simplement. Il notait dans un coin de sa tête ce sourire presque constant qui flottait sur les lèvres de Yeonjun, alors même qu'il était de très loin l'être le moins souriant qu'il lui avait été donné de côtoyer. Il notait ce français presque parfait avec lequel il s'exprimait avec leurs collaborateurs et autres autochtones par moment, comme s'il avait travaillé cette langue des années durant. Il notait cette petite habitude qu'il avait pris de dîner sur la terrasse de l'hôtel, chaque soir dans un costume toujours plus raffiné et avec un plaisir évident, alors même que les soirées devenaient de plus en plus sombres et froides. Rien ne semblait pouvoir le faire venir à bout de cette sorte de bonne humeur constante, même s'il se gardait bien de la partager.

Et cela intriguait Soobin. Un peu plus que de raison, mais il ne se l'avouerait jamais. Il avait beau ne pas trop porter Yeonjun dans son cœur – si tenté que cela soit encore d'actualité –, il était d'une curiosité maladive, d'autant plus lorsqu'il s'agissait de l'homme à qui il devait faire confiance. À qui il faisait confiance, à vrai dire. Il avait juste encore un tout petit peu de mal à l'accepter. On aurait pu croire de lui qu'il espionnait son patron à des fins douteuses. Pourtant, il n'en n'était rien. Enfin, presque. Remarquer toutes ces petites choses aidait Soobin à relativiser. C'était curieux, mais plus il ajoutait d'éléments à la liste des « choses qui rendent Choi Yeonjun plus humain » – un dossier bien caché dans le fin fond de son portable   – plus il avait l'impression que leur nouvelle relation était juste, équitable. Puisque le brun savait pour sa phobie et qu'il lui faisait désormais confiance, il était pour lui tout naturel d'en apprendre un peu plus sur le personnage. Puisqu'ils n'étaient définitivement plus qu'un simple patron et son assistant, il se devait de conserver leur relation un temps soit peu équilibrée. Et pour Soobin, une relation équilibrée qui n'était pas amicale, une relation aussi étrange et particulière que la leur, cela revenait à avoir autant d'information sur l'un que sur l'autre. Il considérait sa phobie comme une information de la plus haute importance, qui valait bien quelques petites remarques dans ses notes de téléphone.

╺╸MENACEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant