Chapitre Vingt-trois

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            Novembre
            Kai n'avait jamais oublié son premier amour.

D'ailleurs, il ne l'oublierait certainement jamais. D'aussi loin qu'il s'en souvenait, l'art avait toujours fait partie de lui. Qu'il s'agît de sa famille ou de son environnement ; tout avait été écrit pour les lier. Et si aujourd'hui il s'épanouissait plus que jamais dans l'art plastique et graphique, il n'oublierait jamais l'origine de sa passion : la musique. Plus précisément, ce qu'il s'amusait à appeler son « premier amour » avec beaucoup de tendresse, c'était ce petit ukulélé qu'on lui avait mis dans les mains dès qu'il avait pu tenir debout. Oh bien sûr, il n'aurait jamais la prétention d'affirmer avoir su s'en servir tout de suite – et, de toute évidence, Kai n'était pas quelqu'un de prétentieux. Jeune enfant, il s'était simplement amusé à gratter et pincer les cordes de toutes les façons possibles, simplement amusé des divers sons que ces mouvements pouvaient créer.

Par la suite, son père l'avait encouragé. Encouragé à faire plus de bruit, mais surtout à être attentif à toutes ces notes qui pouvaient être créées de ses doigts, même les plus désastreuses. Alors petit à petit, il s'était fait soucieux, avait prêté attention à toutes les nuances sonores que créait sont petit instrument lorsqu'il pressait telle ou telle corde d'une façon ou d'une autre. Et la musique s'était mise à couler sous ses doigts, doucement mais sûrement. Sa grande sœur aimait chanter, il s'était mis à l'accompagner avec son ukulélé qu'il avait dû remplacer avec le temps par un nouveau plus neuf, plus adapté à sa taille, plus professionnel aussi. Puis étaient passés entre ses mains de nombreux autres instruments, jusqu'à ce qu'il ne découvre l'art du dessin.

Les années passèrent et même s'il gardait toujours au fond de lui un lien indescriptible avec la musique, Kai trouvait désormais son bonheur dans la peinture, le dessin et la sculpture. Néanmoins, il puisait encore une partie non négligeable de son inspiration dans la musique. Voir Kai Kamal Huening sans écouteurs dans un lieu public, c'était frôler une boule de nerf à fleur de peau. Kai n'était pas grand-chose sans sa dose de musique quotidienne. Pourtant, il avait réussi à trouver un substitut à sa drogue. Et à vrai dire, il ne savait si cela était plus sain ou non, car il avait surtout l'impression que Kang Taehyun était devenu sa nouvelle addiction.

Kai avait toujours été un peu fleur bleue aussi. Entouré de deux sœurs, il avait plus entendu de contes de fée que de récits héroïques – bien que les deux pouvaient parfois se confondre, il le reconnaissait. Si bien qu'après de longues années, il s'était lui-même mis à attendre son prince charmant, ou sa princesse charmante. En fait, il avait attendu. Attendu n'importe quel individu qui aurait su faire battre son cœur plus vite qu'à la normale, qui lui aurait fait oublier la gravité, lui aurait chuchoté en un regard qu'il s'agissait de la bonne personne. Il ne s'était pas interdit quelques aventures plus ou moins sérieuses lorsque l'occasion s'était présentée, mais elles s'étaient faites rares et peu convaincantes. Jusqu'à ce qu'il ne doive momentanément déménager en Corée pour y finir son lycée, et qu'il ne croise son regard le jour des portes ouvertes aux entreprises.

À cet instant précis, il l'avait ressenti pour de vrai. Ce qu'on appelait le coup de foudre, l'amour au premier regard, le destin. Son prince charmant avait une chevelure flamboyante, était plus petit que lui et sensiblement plus âgé. Mais il était son prince charmant, alors il avait tout donné pour ne pas le laisser s'échapper. Il avait été rassuré de comprendre que ses sentiments étaient réciproques, et cela n'avait fait que nourrir cette idée qu'ils étaient comme faits l'un pour l'autre. Même s'il s'agissait là de mots qui n'avaient jamais été prononcés, il savait. Taehyun était l'amour de sa vie. Peut-être n'était-il pas le sien, mais il savait à la façon dont le plus vieux le regardait, le gâtait et prenait soin de lui au quotidien qu'au fond, il était amoureux. Et c'est tout ce dont il avait besoin.

╺╸MENACEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant