╺╸MENACE

Chapitre Vingt-huit

            Décembre
            Soobin était nerveux, au point de s'en mordre les doigts.

Voilà un tic qu'il pensait avoir perdu et ce, depuis son arrivée chez Regard. Son travail d'assistant de direction était le premier emploi véritablement stable qu'il avait connu et sans vraiment s'en rendre compte, il n'avait plus eu l'occasion d'autant angoisser depuis. Enfin, il ne comptait pas ses quelques crises de paniques qui lui avaient parfois fait plus de mal que cela, mais c'était particulier. D'ailleurs, depuis qu'il avait décidé de faire confiance à Yeonjun, rien de tel ne lui était arrivé. Il ne savait si cela avait un réel rapport avec son patron, mais à aucun moment de leur séjour il n'avait été dérangé comme il avait pu l'être autrefois. Peut-être était-ce l'air de la France, peut-être était-ce le travail qui lui prenait plus de temps, peut-être était-ce Yeonjun, mais cette hypothèse lui paraissait étrange. Oui, il se sentait mieux en présence de son supérieur et peut-être bien que oui, depuis qu'ils s'étaient rapprochés, son esprit avait tendance à s'alléger. Il n'en restait pas moins phobique. Phobique et anxieux.

Se mordre les doigts, cela ne lui arrivait pas souvent, mais il faisait face à une situation d'urgence. Il imaginait parfaitement Beomgyu rouler des yeux en le traitant de drama queen, mais à son grand dam, il ne pouvait même pas appeler son meilleur ami. Il était dix-huit heures quarante-cinq à Paris, aux alentours de quatre heures du matin à Séoul, et que le blond soit en train de danser ou de dormir il ne comptait pas le déranger.

Soobin devait se rendre à l'évidence : il allait devoir se préparer seul.

En l'honneur de l'inauguration approchant de la salle de spectacle, l'équipe de la compagnie Arthur organisait une soirée privée pour féliciter toute l'équipe et leurs collaborateurs : Regard.

C'est une simple soirée, rien de bien méchant, voilà ce qu'il n'arrêtait pas de se répéter. Mais sans trop savoir pourquoi, toute l'angoisse qu'il avait étrangement réussie à éviter jusqu'ici semblait revenir au galop. Peut-être était-ce le stress du discours en l'honneur de l'entreprise – impossible, son rôle n'était que de rester derrière Yeonjun pendant qu'il parlerait –, peut-être était-ce son apparence – quoique, ce n'était pas comme si l'avis de tous ces gens comptait réellement –, peut-être était-ce autre chose encore...

Peut-être était-ce l'appréhension d'un voyage en voiture seul à seul avec Yeonjun, la peur de rentrer tard avec lui, la peur de ce qui pourrait potentiellement se passer ce soir-là...

Un goût amer se déposa sur sa langue et il se rendit qu'il allait trop loin. Il prit une grande inspiration et alla chercher de quoi soigner ses doigts. Tout allait bien se passer, il avait l'habitude de côtoyer ce genre de milieu. Bien sûr, il allait assister à sa première soirée mondaine, la vente aux enchères à laquelle il avait assisté étant ce qui se rapprochait le plus de ce qu'il allait vivre ce soir. Sûrement allait-il être un peu stressé au début, mais tout allait bien se passer.

N'est-ce pas ?

Il essaya de se distraire en attendant dix-neuf heures, jouant sur son téléphone, vérifiant sa coiffure et son costume sobre de nombreuses fois. Quand l'écran de son cellulaire lui afficha dix-huit heures cinquante-neuf, il eut un long soupir et sorti de sa chambre d'hôtel. Sans surprise, Yeonjun se tenait déjà dans le couloir, habillé dans ce qui semblait être la plus belle de ses tenues. Il mit un peu de temps avant de se rendre compte qu'il s'agissait en réalité du costume qu'il avait acheté la veille. Sans le savoir, il avait évoqué une réalité ; n'importe quel costume lui allait à merveille. Et cette pensée, cette simple constatation de la beauté de son supérieur, lui provoqua un frisson qui parcouru son échine.