Chapitre Trente-cinq

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Février 
Pour Soobin et Yeonjun, l'hiver était passé à une vitesse folle.

Au-delà d'une impression de rapidité, le temps semblait s'être écoulé d'une façon tout à fait particulière. Comme si en un peu plus d'un mois, ils avaient eu le temps de passer l'équivalent d'une année ensemble ; une année de quelques minutes. Ils étaient quelque fois ressorti en compagnie de Taehyun et Kai mais plus que tout, ils avaient passé du temps à deux. Beaucoup de temps. 

Au fil des jours et des semaines s'était comme tissé un lien tacite entre les deux hommes. Cela avait commencé par des propositions timides, des échanges par messages de plus en plus faciles et agréables jusqu'à se retrouver dans de simples regards échangés et des sourires qui voulaient tout dire. Ils étaient retournés au cinéma, s'étaient quelques fois baladés dans les plus beaux parcs de la ville et s'étaient vu pour célébrer les fêtes de fin d'année. Chacun avait passé du temps avec sa famille respective, mais Yeonjun avait de nouveau tenu à inviter Soobin à l'une de ses adresses favorites et ce dernier avait été ravi d'enfin pouvoir lui offrir cette broche achetée à Paris.

À quoi est-ce que tu pensais quand tu l'as acheté ? 

À toi, c'est tout.

Elle les avait tous les deux surpris, cette facilité presque déconcertante qui accompagnait ces sentiments nouveaux, ceux qui les avaient si longtemps effrayé. Chaque seconde passée ensemble avait été un nouveau soupir de soulagement, une preuve nouvelle que tout était possible, qu'ils étaient possibles. Ils avaient laissé tomber les « C'est trop beau pour être vrai » et toutes ces inquiétudes aussi inutiles qu'anxiogènes. Désormais, ce n'était plus qu'eux deux et leurs souhaits les plus tendres, les plus futiles et les plus simples. De quoi envoyer valser leurs incertitudes passées et toutes ces ronces qui les avaient si longtemps tenu éloignés de la simplicité du bonheur. 

Jour après jour, ils se redécouvraient et apprenaient à se connaître. La surprise enrobée d'affection qui les prenait, chaque fois qu'ils découvraient une nouvelle facette de l'autre, avait l'agréable goût du rêve qu'ils effleuraient enfin du bout des doigt. C'est beau, ce que vous faites ensemble : Beomgyu lui-même lui avait dit ces mots un jour qu'il l'avait aperçu avec Yeonjun à ces côtés. Et il n'avait pas su le contredire, incapable de ne pas s'extasier devant ce rêve qu'ils confectionnaient tout doucement à chaque regard qu'ils échangeaient et à chaque tendresse qu'ils s'adressaient. Cela avait quelque chose de grisant, pour eux comme pour leur entourage. C'était quelque chose pour tous les employés de Regard d'observer leur patron arriver avec le sourire aux lèvres. Pour sûr, personne en dehors de Taehyun n'était au courant pour sa relation avec Soobin : il n'était en revanche pas difficile de relever cet agréable changement d'attitude entre ces deux-là.

Ah, Paris ! s'était écrié Hyunjin. Il faut croire que ça change les gens. 

C'est vrai que ça fait du bien de les voir aussi bien s'entendre, avait ajouté Yeji. 

Faudrait quand même pas qu'monsieur Choi nous vole notre compagnon d'buvette ! avait râlé Donghyuk, à moitié sincère. 

Yeonjun et Soobin demeuraient prudents. Cela dessinait toujours un sourire sur les lèvres de Soobin lorsque ses collègues et amis lui reprochaient gentiment de les délaisser au profit de celui qui, des mois auparavant, avait été la cible de ses quelques plaintes.  Au fond, personne ne semblait dérangé par ce qui n'était à leurs yeux qu'un étonnant retournement de situation. Cela leur avait laissé tout le temps dont ils avaient besoin pour travailler efficacement et s'aimer dans l'intimité.  

— Toujours disponible pour ce soir ? demanda Yeonjun à Soobin en caressant furtivement son coude. 

Ce dernier esquissa un sourire en terminant de ranger ses affaires dans sa sacoche. Il n'avait encore jamais dit à Yeonjun à quel point il aimait la douceur des attentions qu'il lui portait dès lors que la salle de réunion se vidait complètement. Un jour, se dit-il. Parce que ce qu'il aimait peut-être encore plus, c'était de savoir que rien ne pressait. Que ce soir, demain et les jours d'après encore, Yeonjun serait là. 

╺╸MENACEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant