Chapitre Vingt-quatre

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            Novembre
            — Dites-moi Soobin, est-ce que je vous ai blessé ?

Yeonjun vit le châtain écarquiller les yeux quelques secondes avant de se mettre à tousser.

Il lui tendit son verre d'eau d'une main hésitante, ne sachant trop que faire pour l'aider.
Il se fit la réflexion que sa question avait peut-être été trop abrupte, mais il avait trop pensé à la poser pour réfléchir à comment il le ferait. Depuis hier, il avait remarqué quelque chose d'étrange chez le plus jeune : une sorte de froideur qui ne lui allait pas. Soobin avait certes été un peu réticent au commencement de leurs sorties touristiques, mais il s'était rapidement dévoilé souriant, curieux, et surtout bavard. Cela restait occasionnel, et il voyait parfois comme un voile d'hésitation dans son regard lorsqu'il s'apprêtait à parler. Mais la plupart du temps, cela était vite balayé et il se mettait à s'exprimer sur telle œuvre d'art, à raconter des anecdotes ou encore de simples pensées vagabondes. Et Yeonjun l'écoutait toujours, parce qu'il avait trouvé une sorte de confort dans ce dialogue qui allait presque à sens unique. Il lui arrivait de lui répondre de temps en temps, et cela créait une véritable discussion qui – il devait se l'admettre – le changeait agréablement de son quotidien professionnel.

Seulement depuis hier soir, Soobin n'était plus le même. Et sans savoir à partir de quand exactement ce changement s'était établit, il avait fini par se rendre compte de quelque chose. Il avait essayé de ne pas trop y penser pendant la nuit, mais leur rencontre le lendemain matin avait confirmé ses hypothèses. Soobin parlait moins, voire peu, il n'avait rien proposé en opposition à ses plans pour cette après-midi, souriait moins, le regardait moins... Et à vrai dire, cela ne l'aurait pas dérangé quelques mois plus tôt. Seulement là, il avait dû faire face à un drôle de sentiment. Sans véritablement savoir s'il s'agissait de déception, de curiosité ou d'un semblant de tristesse – bien que l'idée lui déplaise fortement –, c'était quelque chose de suffisamment prononcé pour qu'il se remette en question. Qu'avait-il pu dire ou faire qui aurait blessé Soobin ? Parce que c'était bien de ça dont il avait l'air : d'un pauvre lapin que l'on aurait abandonné sur la route. Et bien que l'image lui brisât bien plus le cœur que la situation actuelle, il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir concerné.

Ce qui était loin d'être dans ses habitudes.

— Blessé ? demanda le châtain. Comment ça ?

Il soupira. Voilà qu'il allait devoir s'expliquer en plus.

— Pour faire simple, commença-t-il avec un ton sérieux, j'ai observé que vous avez changé de comportement.

Il observa son vis-à-vis hausser un sourcil et froncer l'autre, visiblement déjà perturbé par le début de son discours.

— Vous semblez plus... fermé, réticent, presque ennuyé. Je me demandais donc si j'avais pu faire ou dire quoique ce soit qui vous aurait blessé d'une quelconque façon...

Yeonjun s'était mis à triturer les pans de son pantalon bleu marine. Il avait décidé de le porter ce matin en pensant au béret que Soobin lui avait encouragé d'acheter. Il avait toujours aimé le bleu, peut-être pas autant que le vert ou le bordeaux, mais cette couleur avait toujours fait partie de ses favorites. Alors quand il lui avait posé le couvre-chef sur la tête et l'avait complimenté, il n'avait pas su refuser. Cette idée continuait de le déranger, pourtant il devait bien s'avouer qu'il commençait à se faire à cet étrange sentiment que lui procuraient les rares compliments de son assistant. Peut-être était-ce parce qu'il n'avait pas l'habitude qu'il le complimente, ni qu'on le complimente tout court d'ailleurs, en tous cas pas sur sa potentielle beauté. Cela lui aurait presque plu, s'il ne devait pas à présent faire face à un Soobin aussi étrangement taciturne.

╺╸MENACEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant