Chapitre 1

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Depuis six heures déjà, Arya tentait d'avancer dans la tapisserie que lui avait commandé Jean le fils du duc d'Aquitaine. A force de tisser, ses doigts étaient devenus bleus et ses yeux étaient exténués. Sa vue se troublait. Elle ne s'était même pas arrêtée pour manger.

Elle estimait trop Jean que pour ne pas lui remettre à temps la tapisserie qu'il allait offrir à sa future épouse, Marguerite d'Anjou.

Arya le considérait comme son frère, ils avaient été élevés ensembles car la mère de celle-ci était la gouvernante des enfants de la duchesse d'Aquitaine. Alors quand il s'était adressé à elle pour fabriquer une tapisserie digne de sa future femme, elle avait été ravie et s'était empressée d'accepter.

Voilà quatre longs mois qu'elle enroulait les fils, qu'elle les tissait, qu'elle choisissait soigneusement les meilleures couleurs, les meilleurs fils de toute l'Europe pour contenter la future duchesse d'Aquitaine. Elle avait tissé les futurs mariés accompagnés d'un Lion, emblème de l'Aquitaine et une biche, emblème de l'Anjou. Elle avait magnifiquement représenté les longs cheveux d'or de Marguerite qui flottaient comme un étendard au gré du vent. Elle avait su capturer dans sa tapisserie la lueur d'intelligence et de douceur qui brillait perpétuellement dans les yeux de Jean.

Elle regardait son travail avec fierté. "Si je travaille cette nuit et si Aziliz vient me prêter main forte, la tapisserie sera prête pour après demain."pensa-t-elle. Elle aurait deux semaines d'avance par rapport à la date pour laquelle elle était attendue, Jean serait ravi. Elle toucha l'étoffe de l'un des pans de son œuvre en l'imaginant déjà exhibée dans la salle de réception du château.

L'atelier de madame Alix était renommé dans toute l'Europe pour son travail minutieux et la qualité de ses travaux.

Quand on avait annoncé à Arya qu'elle allait devoir quitter sa vie au château pour protéger son identité, elle était déçue. "Je ne pourrais jamais exercer un métier dans lequel de longues heures de travail assise sont nécessaires."se disait-elle avant d'arriver à l'atelier. Cela faisait deux ans qu'elle travaillait en compagnie de madame Alix et de Aziliz dans l'atelier de la ville et elle s'y était faite.

Elle allait bientôt avoir 17 ans. Il lui arrivait parfois de retourner au château pour s'entraîner en compagnie du vieux maître d'arme en prenant soin de s'habiller en écuyer pour que personne ne la reconnaisse. En effet, Arya, dès toute petite, avait démontré de grandes aptitudes en matière de tir à l'arc et en stratégie.

Le maître d'arme, qui l'avait vu tuer un oiseau de proie d'une seule flèche alors que celui-ci se trouvait à une centaine de mètres au dessus d'elle, avait supplié la duchesse de la laisser participer aux cours de maniement d'arme, d'équitation et autres cours plus scolaires que suivait Jean. Bien qu'elle fut fortement réticente de prime abord, dès qu'elle y vu une chance d'avoir dans sa garde une guerrière hors pair, elle changea d'avis et ne se fit plus prier pour envoyer Arya suivre les cours destinés aux princes et aux hommes en général.

Hélène d'Aquitaine n'avait jamais apprécié la petite Arya, mais par sympathie pour Ariane, la gouvernante qu'elle estimait beaucoup, elle la tolérait. La raison première de l'aversion quelle montrait envers elle était le fait que c'était une petite fille bien trop intelligente à son goût, bien trop jolie que pour ne pas qu'elle soit jalouse.

Elle avait de longs cheveux de la couleur de l'automne qui tombaient en une cascade ondulée le long de son dos. Ses grands yeux aussi bleu que le ciel un jour d'été lui semblaient trop profonds et trop doux et les cils qui les bordaient étaient trop longs et trop ourlés à son goût. Son visage aux traits fins et délicats, l'éclat d'ivoire de sa peau, ses joues rosies par l'entraînement, son sourire espiègle et son rire cristallin, ses longes et fines mains habiles, gracieuses et précises aussi bien dans le maniement de l'épée que dans l'écriture, sa silhouette élancée et athlétique, son maintient, sa manière de s'exprimer, ses manières soignées et ses longues jambes faisaient monter en elle une jalousie sans pareil. Elle l'enviait jusqu'à son prénom qui rappelait la légèreté de l'air.

King's DayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant