Chapitre 1 - En chute Libre

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Il fallait bien que ça arrive.

Je ne vais pas me plaindre étant donné que je me suis mise toute seule dans cette situation mais bon, à force de répéter autour de moi que j'allais quitter ce travail merdique.... mon patron a bizarrement anticipé ma requête. Je devrais vraiment apprendre à me contrôler, surtout au travail. Et puis non, je n'en ai pas envie. Ça ne me ressemble pas d'être ce que je ne suis pas.

En tout cas, en attendant de trouver de nouveau un vrai travail, l'intérim fera l'affaire. Pour la ponctualité c'est gagné mais alors pour l'orientation je crois que je vais devoir repasser. Pourtant la fille de l'accueil m'a bien dit de longer le couloir du 3ème étage en sortant de l'ascenseur. Je déteste cette fichue manie de parquer les gens dans ces grands espaces. Chacun occupe sa petite boite, constamment à l'affût du regard indiscret qui les prendrait en flagrant délit de glandouille au travail.

Tout le monde le fait, tout le monde le sait mais non... chut ! Ah, tiens ! je crois que je ne suis pas la seule perdue dans ces couloirs en verre.

– Excusez-moi. Bonjour. Vous aussi vous cherchez Mr Castellanos ?
– Oh non pas du tout mais je peux sûrement vous aider. Vous êtes ?
– Perdue ça c'est sûre. Laurène Vignaud enchantée.
– Franck Castellanos.
– Ah. Pardonnez-moi. Je pensais vous trouver plutôt dans un bureau. Je ne m'attendais pas à vous croiser dans un couloir.
– C'est sans importance ne vous inquiétez pas. Je n'ai pas de bureau ici. Je ne viens que très rarement. Juste pour accueillir les nouveaux arrivants. Suivez-moi.
– Mais. Et l'entretien ?
– C'est fait. Vous avez une tête, des mains ça devrait suffire.

Mais, mais... Quel connard prétentieux ! On se calme, on se calme. Dans le genre motivant, c'est sûr y'a mieux, mais je vais déjà voir si je peux tenir quelques semaines. Au moins le temps de rassurer mon banquier qui fait grise mine depuis quelques mois.

– Voilà. Vous pouvez vous installer ici. Votre nom d'utilisateur c'est « Lvignaud » et votre mot de passe c'est la même chose. Vous le changerez plus tard. Pour le reste tout est là dans ce classeur. Si vous avez des questions relisez ce même classeur et si vous ne trouvez toujours pas la réponse rentrez chez vous. Tout est clair Madame Vignaud ?
– On ne peut plus clair Monsieur Castellanos.
– Alors c'est parfait. Au travail.

Mais quel connard vraiment ce mec ! Évitons de nous recroiser ou ton classeur tu vas te le prendre où je pense et bien profond. Mais franchement comment peut- on être si présomptueux ? Ouvrons ce fichu classeur. Être experte dans la gestion financière et finir à faire de simples bilans comptables pour des micros entreprises, on a vu mieux comme plan de carrière. Regardons ça...

Cette journée est longue... tellement longue...

Trop longue...

Ce midi j'ai quand même pu faire la connaissance de trois autres personnes qui bossent à proximité de moi. Carlos, qui galère à combler les quelques mois qui lui restent avant sa retraite, Eric qui alterne cure de désintox et petits boulots et enfin Carole qui va je pense devenir ma soupape de décompression. Je me pensais folle mais je suis une sainte à côté d'elle. De ce que j'en ai compris elle fait partie d'une sorte de tendance appelée « Suicide Girl ». Des filles tatouées et/ou piercées au look assez gothique si je m'en réfère à sa garde-robe du moment. C'est une jeune femme plantureuse qui sait mettre sa plastique en valeur pour le plus grand bonheur de tous les hommes ici. Mais pour autant, personne n'ose s'y frotter. Elle fascine. Bref, du coup mes journées paraissent beaucoup moins longues désormais mais pas au point d'être plus intéressantes.

Aujourd'hui ma petite routine va se retrouver perturbée pour toujours par un bruit étrange. Une sorte de craquement sec venant de ma gauche me fait sursauter et tomber de ma chaise.

– Ouch !
– Oh désolé. Ça va ?
– Oui, non c'est bon j'ai rien. Juste mon ego qui en a pris un coup mais ça va.
– Désolé.

Et ce con ne se bouge même pas pour m'aider à me relever ? Mais je vais le... oh... mais ce mec est à tomber par terre ! Oui... euh, bon ça c'est déjà fait. Mais cette gueule d'ange, ce regard noir profond ! Comment j'ai fait pour ne pas le voir en arrivant ce matin ? Aller hop, la moquette est certes bien confortable mais il est temps de se remettre au travail. Alors donc j'en étais où ?

Ne le regarde pas Laurène concentre toi, concentre toi !

...
..
.

...Fichu. Je tourne légèrement la tête dans sa direction et comprends enfin d'où est provenu ce fichu bruit de craquement. Le beau gosse tente en vain d'écrire péniblement sur son carnet à l'aide d'un misérable demi-crayon de bois. Il ne m'a pas l'air si nerveux pourtant. Il est temps de réunir la troupe pour y voir plus clair ! Comme en réponse à cette pensée, mon ventre claironne vigoureusement dans ce silence de messe. Pas très glamour tout ça. Je m'enfuis d'un bond avant que le concerto stomacal ne commence.

Le biscuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant