Pas le temps de ranger. J'avais pourtant tout fait pour partir tôt du taff. Mais bon... c'est toujours quand on est pressé qu'un truc vous tombe dessus. De toute façon rien ni personne ne pourra gâcher cette soirée. La Laurène de ce soir est invincible ! Le monde m'appartient. Antoine m'appartient... (ou pas !). Bon, c'est vrai que s'il me surprenait maintenant, me trémoussant sur du Cyndi Lauper « Girls Just want to have fun », je passerai pour une ado surexcitée.
Allez, c'est l'heure de faire le point.
Cheveux Lissés : Check ! ... Avec cette pluie, j'imagine que l'effort sera très éphémère.
Maquillage : Check ! ... Première et dernière fois que je mets du Gloss. Je vais finir par en avoir plus sur les dents que sur les lèvres.
Bijoux : Check ! ... En même temps, c'est vite vu sachant que le seul bijou que je possède, je me le suis moi-même offert.
Épilation : Check ! ...
Lingerie : Check ! ... Comme toujours, ma conscience m'enquiquine sur ce genre de détail. Selon elle, la culote en coton suffirait amplement. Toute autre suggestion serait une incitation volontaire à la débauche. Et alors ?
Robe : Check !
Chaussures : Check ! Merci Chifoumi pour cette brillante idée. Oh merde !
Nourrir Chifoumi : Pas check !– Chifou. T'es où mon choux ? Ah... te voilà. Maman est vilaine. Elle allait presque oublier de te laisser à manger.
Je me fige sur place. Les pupilles des yeux de Chifoumi sont presque entièrement dilatées. Signe d'excitation extrême. Ceux qui possèdent un chat le savent, dans ce genre de situation, il vaut mieux rester prudent. Un pas en avant... Aussitôt je vois sa petite tête rentrer entre ses épaules et ses pattes arrières se crisper.
Trop tard !
D'un seul bon, la bête féroce plonge sur moi. Plus particulièrement sur cette paire de lacet qu'il affectionne tant. Je tente désespérément de me débarrasser du fauve en secouant maladroitement ma jambe. L'effet est contraire à mon souhait. Le voilà suspendu à mon pied, décidé d'en finir avec ma chaussure. Abdiquer. Ne plus bouger d'un poil (ce qui est forcément plus simple après l'hécatombe épilatoire). L'objet si excitant quelques secondes avant devient très vite une vulgaire paire de GUCCI soldés.
On frappe à la porte. Non mais non ! je suis même pas certaine de pouvoir ouvrir la porte tellement c'est le bordel ici. Qui ose me déranger alors qu'il est...
– Mademoiselle Vignaud, je présume ?
– Euh, oui. Il est pas déjà...
– J'ai bien peur que si. Je vous attends en bas. La route est glissante alors j'aimerai ne pas trop tarder si vous permettez.
– Bien sûr. Pardonnez-moi, j'enfile une veste et je descends.C'est l'heure. La soirée n'est même pas commencée que je sens déjà le rouge me monter aux joues. Le chauffeur conduit prudemment avalant des kilomètres et des kilomètres de bitumes gorgés d'eau. A croire que tout est fait pour m'empêcher de voir la direction vers laquelle nous roulons. Nuit noire, pluie battante, vitre teintée...
A. : Dois-je m'inquiéter de ton retard ?
L. : J'aime me faire désirer.
A. : Alors prend ton temps. Prudence sur la route.
L. : Je ne prendrais pas le risque de louper mon premier rendez-vous.
A. : Rendez-vous ?
L. : Cette soirée... Pardon.
A. : :DDécidément. Antoine ou l'art de faire retomber le soufflé. Vous savez ? Ce moment si cruel où l'on ouvre trop tôt le four pour voir tristement ce gâteau généreux se transformer en une crêpe épaisse et difforme. Je suis perdue. Même si je suis persuadée qu'il le fait exprès, c'est la première fois qu'un homme me déstabilise autant.
La voiture ralentie finalement pour rouler au pas dans une allée recouverte de gravier blanc. Un long virage bordé de platanes nous guide vers ce qui semble être une immense cour. Les lumières du bâtiment se reflètent joyeusement sur les gouttes d'eau perlées de ma fenêtre. Peu habitué à tant d'attention envers moi, je suis d'abord décontenancé lorsque le chauffeur accoure m'ouvrir la porte. Puis, cette fois ci avec grand plaisir, j'accepte le parapluie qu'il soutient au-dessus de moi. Mes yeux s'acclimatant à cette lumière un peu trop vive, je découvre ce lieu tenu secret.
Ce que j'avais pris pour un bâtiment quelconque est en fait un joli petit manoir surplombant un escalier presque aussi large que ce dernier. Deux vieilles caméras sur pied ont été disposées de part et d'autre de la bâtisse pour éclairer les marches couvertes d'un tapis noir et blanc. Une fois passé la première porte vitrée, je me retrouve dans une sorte de dressing aménagée pour l'occasion. Aussitôt, l'une des deux hôtesses se précipite à ma rencontre pour me débarrasser de mon épais manteau. Avec un petit sourire, je prends plaisir à regarder son visage trahir sa surprise. Le ton est donné !
– Madame. Vous... Vous êtes certaine d'avoir été conviée à cette soirée ?
– En effet.
– Qui dois-je annoncer ?
– Vignaud. Laurène Vignaud.
– C'est bien vous qu'Antoine attendait. Patientez un instant, je vais le chercher.
– Epargnez-vous cette peine.Un épais rideau noir sépare l'entrée du reste de la pièce. La différence entre les deux endroits me donne presque le vertige. Tout est surdimensionné dans un style très épuré, mais en ayant gardé tous le cachet que procurent les moulures et les peintures de l'époque. Comme je l'avais aisément deviné, le thème de la soirée était associé à un évènement beaucoup plus mondain. Le septième art à ses débuts. J'ose doucement quelques pas vers le centre de la pièce, m'apercevant trop tard, que le brouhaha si rassurant s'estompe bien trop rapidement. C'est le silence complet. Tous les visages sont désormais tournés vers moi. J'imaginais bien que je ne passerais pas inaperçue mais la...
Comme un écho à ma détresse la voix rassurante et troublé d'Antoine déchire ce silence interminable.
– Laurène ?
Les mêmes yeux de merlan frit que la réceptionniste. Que répondre ? Nonchalamment j'hausse les épaules, souriant exagérément pour accompagner ce geste idiot.
Je vous jure. Je n'ai jamais entendu un homme rire avec autant de puissance. Lui, si mesuré, si nuancé, se délecte du moment en riant aux éclats. Je savais que cette robe en mousseline rouge passion ferait son effet ici.
Pendant que chaque convive tente difficilement de reprendre leur conversation, Antoine me rejoint d'un pas précipité. Le sourire dessiné sur son visage de dieu grec me fait fondre littéralement...
– Laurène ! Tu es ...
– Rouge ?
– Incroyable. Tu avais peut-être raison finalement.
– Ah. De quoi ?
– Tu sais te rendre désirable.
– Mon dieu me dis pas ça... je sais déjà pas où me mettre.
– Reste près de moi pour commencer et suit moi. Tu m'as donné chaud. Allons boire une petite coupe.
– Je dis pas non.Juste à temps. Le serveur vient tout juste de finir cette incroyable pyramide de verre de champagne. Les applaudissements retentissent à son égard me donnant l'espace d'un instant l'impression d'avoir été oubliée. Perdu ! Deux gorilles accompagnés de celui qui semble être le propriétaire des lieux s'approche prestement.
– Antoine. J'ai pris soin de rappeler ton chauffeur. Je te laisse le soin de raccompagner ton amie jusqu'à lui ?
– Vous plaisantez ?
– J'ai l'air de plaisanter ?Un nouveau sourire se dessine sur le visage d'Antoine. Mais je connais que trop bien ce sourire. Doucement, son visage s'approche du mien comme pour me faire la bise. Au lieu d'un baiser, je l'entends me murmurer cette question pleine de malice... « Tu peux courir avec ces talons ? ». Amusée par ce nouvel Antoine, je me risque à lui prendre la main pour réponse.
Sa main plonge alors à la base de la pyramide pour y prendre deux coupes normalement inaccessibles.
– Santé !
La surprise est telle que personne ne réagit pendant les premières secondes. Une gorgé et je sens déjà mon bras tiré vers l'avant m'entrainant dans une course folle. La fraicheur du soir nous accueille d'un air vivifiant, la pluie n'arrangeant rien. Comme deux voleurs, nous plongeons dans la voiture dans un état d'euphorie enfantine.
– A la maison Sylvain ! Fonce !
Vu le sourire de nôtre chauffeur, j'imagine qu'Antoine et lui se connaissent bien.
– C'est parti.
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Le biscuit
HumorLaurène, une jeune femme pleine de vie et de fougue tombe sous le charme d'un homme mystérieusement inaccessible. Elle décide de mener son enquête. Une histoire passionnée un brin humoristique. Laissez-vous séduire.