Chapitre 4 - Les petits secrets

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Je pense avoir épuisé mon stock d'excuses pour m'éclipser au moment des repas. On est vendredi et c'est la dernière occasion que j'ai d'observer Antoine avant le retour de Carole. Je suis carrément folle et devenue obsessionnelle avec cette histoire. Je suis même à la limite de l'érotomanie. Pour le coup ma conscience a pris des vacances pour un bon moment.

– Salut Laurène ! Tu viens avec nous ce midi ou tu vas une fois de plus nous faire faux bond ?
– Salut Eric. Si si je viens. Carlos est pas avec toi ?
– Il attend en bas. Il m'a parié mon repas que tu descendrais pas déjeuner avec nous. Si tu pouvais éviter qu'il ait raison ça m'arrangerait tu vois?
– Je clôture ce dossier et je descends. Tu me remercieras plus tard pour le repas gratos.
– Ok. Je descends fumer une clope en bas. On t'attend.
– Yes. A tout de suite.

C'est pas plus mal. Au moins ça va me changer les idées et me forcer à stopper cette filature stupide. Il est beau mec c'est sûr mais dans le genre plus ennuyeux tu meures. Tant pis pour lui, j'abandonne... au moins le temps du déjeuner ! Il m'aime déjà secrètement j'en suis sûre (ou pas) Chuttt !!! laisse-moi rêver. T'es censée être en vacances vilaine conscience opportuniste !!!

Direction le préau. Je vois mes deux acolytes tous deux collés à leur téléphone.

– Ah ! Princesse Laurène a daigné lever son royal popotin de sa chaise à ce que je vois. Bravo Eric, je sais pas ce que tu lui as dit pour la convaincre mais je tiendrai parole.
– Messire Carlos, mes plus sincères salutations.
– Bon les deux troubadours, on avance ou on mange nos mégots?
– T'es jaloux mec. Déjà que je te paye ton repas.
– C'est ça. Ta carte bleu va chauffer. J'ai grave faim.
– On verra ça. Laurène tu veux aller quelque part en particulier?
– Non, juste pas trop loin.
– Bon ba c'est simple, y'a la brasserie juste en bas de rue. C'est bon pour toi Eric?
– Parfait. En avant vers la brasserie des troubadours.
– Arrête boulet !

Pas un pour rattraper l'autre. Ils ont beau avoir plus de 30 ans d'écart, on dirait deux adolescents constamment à se chercher. Ils sont touchants. Leur relation ressemblerait presque à celle d'un père et son fils.

– Terrasse ?
– Oui, avec ce beau temps y'a pas moyen de s'enfermer à l'intérieur.
– Tiens, Laurène. Ça serait pas ton mystérieux voisin de bureau assis là-bas?

Merde! bon ba cette fois c'est pas d'ma faute. Vite, vite les toilettes. Toujours être présentable on sait jamais.

– Je reviens les mecs. Pause technique. Commandez-moi juste une salade. Je reviens.
– Ok. On te prend ça.

Vivement que Carole revienne. Je suis en train de m'imaginer tellement de truc. J'en dors plus et si j'en crois ce qu'elle dis je me fatigue pour rien. Comme on dit "le cœur a ses raisons que la raison ignore". J'ai parfois honte de mon comportement puéril dans ce genre de situation. Mais d'un autre coté à quoi bon vivre les choses à moitié, il faut vivre sa vie avec passion.

– On t'a pas attendu Laurène. T'abuse, presque 20 minutes que c'est déjà servi. On a presque fini nous. Tu faisais quoi la dedans?
– Si tu savais Eric. Les femmes ont leurs petits secrets.
– Mange ta salade au lieu de nous en raconter.
– Oh oh ! Monsieur fait de l'esprit. Joli !
– On commande les cafés le temps que tu manges ta verdure?
– Allez-y mais pas pour moi. J'ai déjà mon café.
– Hein? T'es vraiment étrange en ce moment Laurène.
– Tu trouves? fais-moi confiance. Prenez vos café tu verras.
– Si tu l'dis.

La suite se déroule comme prévu. Le serveur apporte les cafés au moment même où mon bel Antoine quitte la terrasse pour retourner travailler. Rapidement je me lève et fonce à sa table récupérer sa tasse encore tiède mais bel et bien pleine. Les garçons me regardent d'un air étonné de retour à notre table.

– Euh... Laurène, tu nous expliques là?
– Vous gardez ça pour vous les gars. En fait, j'ai croisé plusieurs fois Antoine cette semaine et j'ai remarqué qu'à la fin de tous ses repas, il commande un café sans jamais le boire.
– Flippant ton gars.
– Ouais je sais, mais j'ai toujours pas compris pourquoi.
– En fait, tu nous as laissés en plan toute la semaine pour surveiller ce gars?
– Je vous l'ai dit tout à l'heure... Les femmes ont leurs petits secrets.
– N'importe quoi !

Pour le coup ce café prend une saveur toute particulière. Je prends plaisir à boire ce breuvage qui ne m'appartient pas. C'est un peu comme s'il me l'avait offert. Si seulement il avait pu au moins tremper ses lèvres dedans.

– Bon tu le bois ton café au lieu de rêvassez ! y'a des gens qui bossent la miss.
– Oui, c'est bon.

Triste retour à la réalité. La fin de journée me parait si longue... très longue... Trop longue. Et ce week-end qui s'annonce interminable. Je n'ai jamais autant souhaité être lundi.

Le biscuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant