Chapitre 7

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À écouter durant la lecture "With No Mercy" de Sécession Studios

La tête posée sur son épaule, en pleurs, Ladybug tenait la main de son coéquipier qui ne bougeait plus. La jeune fille était emprise au désespoir et à la compassion ; elle essayait d'imaginer ce qu'être à la place d'Adrien pouvait être et ses sanglots s'intensifiaient. Elle devait trouver la force de s'enfuir d'ici, elle devait le sauver, l'éloigner le plus loin de ce cauchemar. Le Papillon avait ravivé en lui l'espoir de revoir sa mère. Et Ladybug ne doutait pas quant à son choix, il lui avait montrée maintes fois que ses désirs passaient bien après la survie de l'humanité et l'équilibre naturel. Non, Ladybug avait peur du sacrifice qu'il pouvait faire pour sceller la défaite de Papillon et, par la même occasion, y laisser sa vie. Elle était terrifiée par le comportement du jeune homme quand une mission nécessitait de gagner du temps ; Chat Noir faisait des choix s'apparentant au suicide ; heureusement que le miraculous de la création lui permettait de tout remettre en ordre. Alors, quand elle le sentit se raidir, elle releva les yeux, pétrifiée qu'une de ses idées lui avait traversé l'esprit. Pourtant, elle découvrit le jeune garçon sous un tout nouveau jour.

Adrien avait toujours été un rayon de soleil ; aussi loin qu'elle puisse s'en souvenir depuis leur rencontre, elle ne se rappelait pas l'avoir déjà vu en colère. Bien sûr, il avait déjà été agacé par le comportement de Chloé ou celui de Lila mais au grand jamais, elle ne l'avait vu ou entendu hausser la voix ou attaquer quelqu'un verbalement, dans le but de le blesser. Chat Noir avait, lui aussi, exprimé de l'agacement ; cependant, les seules autres émotions négatives qui l'avaient animé en la présence de Ladybug était de la douleur, de la déception et peut-être même du dégoût. En résumé, Ladybug ne connaissait pas son coéquipier lorsqu'il était énervé -et même l'aperçu qu'elle avait eu avec Chat Blanc n'était rien comparé à ce qu'il l'attendait.

Son visage, qu'elle avait passé des heures à admirer quand elle en avait l'occasion -en vrai ou en photo ; en classe ou en patrouille même si elle n'osait se l'avouer- lui était dorénavant inconnu. Même le visage plus sérieux et concentré qu'il revêtait lorsqu'ils combattaient n'était qu'une piètre comparaison maintenant. Ses traits étaient marqués par une colère qui grondait à l'intérieur de lui et qui ne demandait qu'à exploser. Les sourcils froncés, la mâchoire serrés, les lèvres si pincées que sa bouche n'était plus qu'une fine ligne, les yeux fixés sur son objectif, droit devant lui. Son regard émeraude dans lequel Ladybug aimait se perdre n'avaient jamais été aussi sombre que maintenant. Une veine ressortait sous sa peau tant il prenait sur lui-même pour ne pas attaquer ici même, à cet instant. La bague sur son doigt était pressée si fort contre sa peau que Ladybug en vint à se demander si son objectif était de la faire fusionner avec son corps. Sa prise sur son poignet se relâcha, jusqu'à ce qu'elle se détache. Adrien était un inconnu à ce moment-là ; elle n'avait pas une seule petite idée de ce qu'il pouvait bien pouvoir penser. La seule chose qu'elle réussit à lire fut sa détermination. Ladybug recula d'un pas.

Adrien connaissait la froideur. Dès qu'il rentrait chez lui, elle l'envahissait tel une malédiction jetée sur lui. Au delà de la connaître dans sa maison, à travers la décoration, il la reconnaissait tout particulièrement chez son père ou chez Nathalie ou le Gorille. Ces deux derniers remarquaient toujours plus sa présence, mais professionnalisme oblige, ils maintenaient toujours une certaine distance entre eux et lui. Son père, quant à lui, dégoulinait de froideur à chaque mot prononcé, chaque regard échangé, chaque geste exécuté. Adrien était presque devenu anesthésié à cette froideur tant elle était présente dans son cocon familial, sans que cela le soulage ne serait-ce qu'un peu de la souffrance qu'elle provoquait chez lui. Se remettre en question à chaque décision, à chaque repas manqué, à chaque occasion annulée ; c'était son quotidien. Et Adrien avait l'impression que la froideur régnant chez lui augmentait plus le temps passé. Alors, lorsqu'il sentit la rage envahir tout son corps, ce fut comme si la lave se déchaînait à torrent dans ses veines. Et, n'étant pas habitué, le jeune garçon ne la supportait pas. Il avait l'impression d'avoir été jeté dans un brasier, enchaîné, sans aucun moyen de s'en sortir si ce n'est que d'anéantir le responsable de ce dernier. Il sentait sa force se décuplait de seconde en seconde, prenant source en son cœur, brûlant de rage pour un père qui avait toujours été absent, préférant se raccrocher au passé à défaut de s'occuper de son fils. Son père, cet égoïste, se servait du malheur des autres pour pouvoir accéder à son bonheur. Gabriel Agreste n'en avait rien à faire de son fils, maintenant Adrien en était certain. Et cette difficile réalisation, aussi douloureuse qu'elle soit, fut tout ce qu'il suffit à Adrien pour pouvoir se détacher de son père. Gabriel, en voulant sauver sa famille, avait creusé une tombe si profonde que la rédemption elle-même ne pourrait tolérer. Et Adrien la recouvrirait définitivement ce soir, faisant le deuil d'un idéal irréalisable.

Avant que tout imploseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant