We'll Meet Again | Eruri

Chapitre 12

          Le navire, accompagné de ses trois autres, naviguait sur l'océan pour rentrer au pays. Levi dormait toujours, mais Isabel était réveillée depuis bien longtemps. Il était épuisé par sa dernière nuit. La nuit était passée, à présent le soleil commençait à se lever.

          Levi ouvrit ses yeux peu à peu. Une douleur atroce lui assaillait le crâne. Il se redresse en gémissant à cause de ce mal. La journée commençait bien. . . Levi se frotta les yeux, puis regarda à ses côtés pour voir son ami.

          Son dos se heurta soudainement contre le mur. Il haleta de façon irrégulière et très rapide, tant il était choqué par son apparence. Ses yeux écarquillés fixaient ceux de Furlan, qui était pâle comme la mort, et qui regardait le plafond sans cligner des yeux. Son bandage était ensanglanté au point qu'une flaque s'était formée sur le sol, tâchant au passage la tenue de Levi durant son sommeil. Il ne respirait plus.

" — Furlan ?"

          Aucune réponse ne vint de sa part. Au fond, il savait qu'il était mort. Mais il ne voulait pas l'admettre.

" — Furlan, dit-il d'une voix autoritaire. Arrête tes conneries et réponds-moi."

          Un silence pareil n'avait jamais hanté jusqu'à ce jour Levi. Il aurait tant aimé que son ami lui fasse une mauvaise blague, qu'il allait se redresser avec le sourire aux lèvres. La veille, Levi était heureux de le voir en vie et de savoir qu'ils pourraient fêter la victoire des français ensemble. Hélas, tous ses espoirs furent anéantis en un claquement de doigts.

          Petra descendit les escaliers pour réveiller les soldats rétablis de la bataille, mais vit Levi, adossé contre le mur, en train de fixer son ami défunt. Elle se crispa de surprise, ne sachant quoi faire.

" — Mon dieu. . .," murmura-t-elle.

         La femme vint vers lui, et posa une main sur son bras. Sa délicatesse fit sursauter Levi, qui était encore en état de choc.

" — Je suis désolée, commença-t-elle. C'était un brave et gentil homme. Paix à son âme.

— Petra, il faut que tu m'aides à le jeter par-dessus bord sans qu'Isabel ne le sache.

— Je pense que ce n'est pas la meilleure solution. Vous devez lui accorder quelques minutes entre Furlan et elle.

— Tu as raison. . ."

          Petra proposa de l'aide à Levi pour qu'il se lève, mais il refusa, préférant le faire par soi-même. Bientôt, Auruo arriva lui-aussi sur les lieux. À l'horrible odeur du cadavre, il se pinçait le nez avec ses doigts.

" — Merde ! pesta Auruo. Furlan. . ."

          L'américain ne s'était même pas rendu compte de l'odeur de putréfaction du cadavre. Levi essuya son front mouillé de gouttes de sueur, puis s'adressa aux deux arrivés.

" — Allons chercher un drap pour le couvrir."

          Il partit le premier, le menton haut. Son chagrin est remplacé par le vide. Son corps était dénué de tous sentiments. À tel point, que son cerveau commençait à enfermer dans un coffre tous les souvenirs, heureux ou tristes, en compagnie de Furlan. La clé ? Jetée dans les abisses de son bonheur, disparu pour toujours. Plus rien ni personne ne lui fera du mal. Ce dictons, qu'il avait oublié quand il avait rencontré Erwin, le revenait en mémoire.

           Quand il commença à monter les marches, une ombre domina sa silhouette. Il releva son regard inexpressif sur Isabel qui l'examinait d'une manière intriguée.

" — Ça ne va pas ? ( Elle descendit quelques marches pour l'atteindre.) J'allais justement te réveiller.

— Arrête, répondit Levi en levant la main. Je te rejoins sur le pont, on doit faire un peu de ménage.

— Cette odeur ! se plaigna-t-elle. Est-ce un mort ? Je dois le déclarer au capitaine, dans ce cas."

          Elle commença à descendre, mais Levi la stoppa fermement en plaçant sa main contre sa clavicule. Isabel le regarda, dubitative.

" — Pourquoi tu ne me laisses pas descendre ?

— Il ne vaut mieux pas que tu le saches," dit-il d'un ton glacial.

          La jeune femme écarquilla des yeux, puis poussa Levi sur le côté. Pris au dépourvu, il tendit sa main vers son bras pour l'attraper, mais celle-ci l'échappa de justesse et courut jusqu'à l'intérieur.

" — Isabel ! Viens ici !" ordonna le brun.

           Petra et Auruo regardèrent la médecin entrer dans la pièce, ne sachant que faire. Et quand elle arriva jusqu'à Furlan, suivie de Levi, la jeune femme se figea. Écœurée par l'apparence de son ami d'enfance, elle hurla de désespoir sans retenu. L'américain se précipita vers elle pour la forcer à se retourner.

" — Isabel, regarde-moi !

— Mon dieu, qu'est-ce que j'ai fait ? pleura-t-elle. Je ne comprends pas ! Je l'ai soigné comme il le fallait ! Il avait toutes ses chances de survivre ! Pitié, Levi, dis-moi que ce n'est qu'un cauchemar.

— Isabel, ressaisis-toi. Ce n'est en aucun cas de ta faute.

— Il ne peut pas nous quitter comme ça. Furlan est bien plus fort qu'il ne paraît l'être ! ( Elle nicha son visage contre son torse, les points serrés contre ses épaules.) Par pitié, pas lui. . ."

          C'était une erreur de trop pour Levi. Montrer son affection envers quelqu'un augmentait ses chances de la perdre. En tout cas, c'est ce qu'il avait constaté, d'après son vécu.
          Petra et Auruo partirent chercher un drap, tandis qu'Isabel pleura la perte d'un de ses amis les plus précieux. Cette pauvre femme se sentait si seule sans lui, et c'était tout à fait normal. Quand on a vécu plusieurs années aux côtés d'une personne qu'on aime, et qui disparait en un clin d'œil, le monde semble s'écrouler en-dessous de nos pieds. Et aucune corde ne nous ait tendue pour nous accrocher.

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        Quelques soldats posèrent le cadavre enveloppé d'un drap blanc sur le bord du bateau. Levi et Isabel les laissèrent faire. La jeune femme vit Furlan être éjecté du navire, suivi d'un bruit émanant de l'eau qui confirmait bien que le corps était arrivé dans ce magnifique et immense océan. Pourtant, elle ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer Furlan, encore souriant, appuyé contre la barrière de là où son cadavre avait été jeté.

" — Pourquoi n'as-tu pas demandé à ce qu'il reste à bord ? demanda Isabel.

— L'odeur aurait été insupportable. Et il aurait pu créer des maladies et contaminer les personnes à bord de ce navire.

— . . .Tu es d'une infâme cruauté."