Voyage au pays imaginaire

Chapitre 9

« Être libre, ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres » - Nelson Mandela

Cette nuit, Peter se sent pousser des ailes. Littéralement, puisqu'il est actuellement en train de voler dans le ciel de Londres, zigzaguant entre les cheminées. Depuis quelques semaines, un enfant de la capitale anglaise souffrait de cauchemars récurrents et Peter était soulagé de voir que ses efforts avaient payé. Aujourd'hui, quand il s'était posté devant le bâtiment du petit garçon tantôt, attendant de voir si l'enfant allait à nouveau se réveiller à cause de mauvais rêves, la fenêtre était restée sombre. L'enfant dormait comme une marmotte, aucun cauchemar ne pointant le bout de son nez. Peter avait terminé son travail auprès de lui avec succès. Chaque réussite rend Peter euphorique et celle-ci ne fait pas exception.

C'est pourquoi il s'autorise quelques figures et acrobaties sur le chemin menant à l'appartement de Cassandria. Voir qu'il ne bâcle pas son travail malgré ses visites quotidiennes à la brune incitera peut-être Clochette à le laisser tranquille. Connaissant la fée, il peut toujours rêver.

Quand il arrive sur son point de vue habituel, il remarque immédiatement que quelque chose cloche chez la lectrice. Ordinairement assidue et concentrée sur rien d'autre que son livre, elle semble plongée dans ses pensées et son visage demeure neutre tandis qu'elle tourne page après page. Peter n'est pas tout à fait sûr qu'elle lise réellement et il est aussitôt inquiet. Qu'est-ce qui a pu se passer entre sa visite à la bibliothèque et maintenant qui soit suffisamment grave pour tirer Cassandria de son livre ? A-t-elle reçu une mauvaise nouvelle ? Est-elle malade ? Son livre n'est-il pas à son goût ?

Il l'observe atteindre la dernière page, regarder la quatrième de couverture comme si elle ne la voyait pas vraiment et soupirer. Oh oui, il y a définitivement quelque chose qui ne va pas. Fronçant les sourcils, soudain pressé d'être demain pour la questionner, Peter prend son mal en patience pendant que la jeune femme se prépare à se coucher. Il est plus tôt que d'habitude. Ce n'est pas plus mal, elle dormira plus et sera peut-être de meilleure humeur demain.

Perché dans l'ombre d'une cheminée, Peter attend le temps habituel avant de franchir la rue d'un bond pour atterrir sur le rebord de la fenêtre de Cassandria. La jolie brune est allongée sur son lit, dos à la fenêtre comme d'habitude et respire lentement. Parfait.

Avec le même soin que tous les soirs, le rouquin ouvre la fenêtre et vole à l'intérieur de la chambre. Les cauchemars n'ont pas encore commencé et il se dirige vers la pile de livres la plus proche du lit, donc la plus récente, pour s'emparer du dernier ouvrage acheté. Le dragon bleu en couverture et le titre en lettres d'or lui indiquent un livre fantastique. Il feuillette rapidement les premières pages d'Eragon, essayant de voir ce qui a pu déplaire à ce point à Cassandria. La solution de l'énigme n'a pas l'air de se trouver dans le premier chapitre. Cassandria n'a pas commencé à remuer aussi croise-t-il les jambes pour s'asseoir, ses ailes ciselées s'agitant pour le maintenir en l'air. Ses yeux plus sensibles à la lumière s'adaptent sans peine à la pénombre et il commence tranquillement à lire le tome d'une épaisseur impressionnante. Comment Cassandria peut-elle lire des livres pareils en une seule journée le dépasse.

Il prend garde de ne pas trop plonger dans l'histoire afin d'entendre l'endormie quand les cauchemars l'attaqueront. Il a déjà lu une bonne dizaine de chapitres, captivé par le jeune Eragon et sa découverte de l'œuf de dragon, quand Peter interrompt sa lecture pour vérifier l'horloge. Cela va bientôt faire une heure qu'il lit et Cassandria n'a toujours pas remué un cheveu.

Surpris et inquiet, le roi des fées virevolte vers la demoiselle et s'arrête net. Son livre lui tombe des mains et il fige complètement.

Parce que ses yeux ne se posent pas sur deux paupières fermées et un visage serein. Non, son regard émeraude se fixe immédiatement sur les deux iris presque noirs et la bouche entrouverte de Cassandria qui ne dort pas du tout.

- Peter ?