IX

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*J*

C'est fou ce que l'horizon peut être aussi apaisant. On y trace une ligne pleine de mystère. Entre ciel et mer. N'importe quel dessin se forge dans mon esprit. Je peux imaginer, des navires, des avions, en surgir. Et mesurer la distance qui nous joue des tours. Nous rendant aveugle. Je respire une longue bouffée d'air, au moment où le vent s'élève à mon avantage. Dix heures et la chaleur tape aussitôt. J'entends quelqu'un derrière moi. Alors je bois une gorgée de mon café, juste pour éviter de dire bonjour la première.

Les pieds enfoncés dans le sable, c'est comme être sur un nuage. À une autre époque, il m'aurait été plaisant d'associer ça à l'étreinte de mon mari. Mais non merci.

C'était une crise très violente hier soir. Je l'ai dans le travers de la gorge, et je sais aussi qu'il a déjà oublié. Ou juste un petit peu. Surtout quand il est persuadé de n'avoir rien à se reprocher. On a eu tort tous les deux, de se lâcher. Je suis sûre que c'est déjà arrivée sur cette île surpeuplée. L'ennui c'est qu'il cherche un coupable, hélas, ça tombe sur moi. Parce que c'est si facile...

Ses mains sur mes hanches, me tendent. Son propre souffle dans ma nuque. Je suis sensé faire quoi ? Après hier.

-       Ça va mieux ?

NON !

-       Oui.

-       Tant mieux.

Parfois, les disputes sont tellement violentes que j'ai besoin de distance. Seulement, jamais je n'aurais cru que ça irait aussi vite. Il m'a tellement manqué pendant sa tournée. Je ne vivais que pour son retour. Pendant que je tournais en rond de nuit comme de jour. Il est rentré depuis deux semaines, et j'ai déjà envie qu'il soit loin. Quelle ironie !

-       On ne retournera pas à Malé, tu t'en doutes ?

J'hoche la tête. D'ailleurs, je crois que je n'ai pas non plus envie d'y retourner. Pour subir cette torture à nouveau, je refuse. Mourir d'envie de se fondre dans le décor pour toujours, alors qu'une main vous y sort de force. J'ai vraiment souffert en voyant Harry. Je me sentais volé. Et c'est injuste. La meilleure façon de ne pas souffrir, c'est en restant en sa place. Je le crains.

-       Nous avons une excursion en bateau prévue pour demain. Mais nous n'en ferons pas plus.

-       ...

-       J'ai demandé à David d'annuler le reste des activités.

Je fais un pas en avant pour le pousser à me lâcher. Je croise les bras, buvant une gorgée. Évidemment qu'il a annulé nos projets. C'est dans toute sa splendeur, cette manie d'éviter les problèmes quand il n'y en a nulle part. Non, la vérité c'est qu'il ne me fait pas confiance. Puisqu'il croit encore que j'ai fugué hier. Ces quelques secondes d'inattention !

-       Écoute, Joyce, souffle-t-il. C'est pour ta sécurité.

Lâche, mais menteur en plus ?

-       C'était diffèrent cette nuit.

-       ...

-       Je me suis couché vers trois heures. Et tu étais là.

J'ai simplement dormi les trois heures habituelles que me promet mon esprit. Et c'est son entrée qui m'a réveillé. Faisant semblant de dormir. D'ailleurs, le boucan qu'il faisant me disait tout. Il avait bu...

Parce que c'est comme ça qu'il fonctionne. Tout comme certaines personnes. La colère qui s'accroitre avec la boisson. Quand on est convaincu que ça peut nous aider à arrêter de penser.

Lacrimosa H.S (mâture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant