XXXVI

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*J*

Ils sont sûrement une dizaine. Ils ne m'ont pas vu, portés par leurs actions quotidiennes et ce pourquoi ils sont payés. Je les entends plus que je ne les vois, à se hurler les commandes de chacun, dans ce but commun de faire les choses bien. J'aimerais tout autant faire les choses bien, j'aimerais tout autant que ce soit facile pour moi, avec l'assurance et la maitrise qu'ils ont. Ce ne sont que des gars de chantiers du côté Est envoyés loin de la ville pour assurer son agrandissement. J'ignore ce qu'il se construit et d'ailleurs c'est le cadet de mes soucis. Seul le bruit me rappelle que je suis sur terre et qu'il est encore temps de me sauver, sauf que je ne m'enfurierais pas toute seule...

La scie sauteuse se déclenche pour étouffer le précieux silence de cette nature désertée avec une veille route et la forêt à quelques mètres. Ces arbres ont l'air si figés malgré le vent qui me frappe lorsque je sors de ma voiture avec mon sac. J'étais encore ici il y a quelques jours, mais il n'y avait pas encore ces travaux. Cet endroit me semblait le plus symbolique et aussi le plus discret. Pourtant je suis certaine qu'ils ne m'ont pas vu, et rien ne les empêche de voir la voiture que j'ai loué. Je suis angoissée, oui...

J'ai peur tout le temps. Qu'on me voit, qu'on me retienne, qu'on m'écarte ou qu'on me trahisse. Et je ne connais qu'un endroit qui puisse me débarrasser de cette désagréable sensation. Mais cet endroit m'est dangereux autant qu'il m'est sain. Je lâche prise quand le téléphone prépayé vibre dans mes mains, c'est presque un soulagement.

De : +336864790485

À : 15 :12

3

D'un œil attentif en direction du chantier, je m'avance progressivement vers le bâtiment. Je presse quasiment mon dos aux murs, tandis que je longe les portes une par une, comme une façon de m'abriter loin des balles qui pourraient me tuer. J'ai peur tout le temps...

3.

La scie sauteuse reprend du service en camouflant les lieux avec ce son strident jusqu'à plusieurs mètres. L'occasion idéale pour une porte de s'ouvrir et se refermer en toute discrétion.

Il m'oblige presque à fermer les yeux dans son baiser profond de sincérité mais surtout de manque. Je n'ai que les sons extérieurs pour m'offrir les occasions parfaites de lui parler, ou pas. Ça fait... 4 jours que je ne l'ai pas revu, après tout ça.

Je rêve de lui dire qu'il m'a manqué, ne serait-ce que de lui chuchoter. Mais il me plaque davantage contre la porte. Il me fait du bien, juste en me serrant dans ses bras et en m'embrassant. Pourtant je voudrais plus, et je sais que lui aussi. Je m'appuie à sa nuque, son épaule, je cherche encore comment le toucher, toujours aussi intimidée de faire ça avec lui. Sa bouche plonge dans mon cou, en même temps que ses mains soulèvent ma jupe longue. Je n'attendais que ça, sa chair contre la mienne à des zones interdites. Sous le charme, je ne peux m'empêcher de tirer sur son fidèle sweat-shirt gris, comme un appel à l'urgence. Je veux sa peau, je le veux lui.

Mais c'est dans ce même tissu que j'étouffe un fin gloussement lorsque son majeur se loge en moi. J'essaie même de rire de sa provocation, mais je ne trouve pas cet instant drôle non. Je le trouve pur, et très important. Comme si les risques que je ne sois plus dans ses bras s'intensifiaient avec le temps. Ce temps, nous avons choisis ensemble de l'arrêter et nous aurons toujours le choix, lorsque tout sera fini.

Il s'écarte brièvement pour lâcher mon intimité. Nous permettre de souffler, nous regarder quand j'ouvre les yeux. Ma chaleur corporelle devient évidente tandis que je m'attarde sur chaque détail dessiné de son visage, et ce qu'il y a à traduire dans son regard. Il me désire autant qu'il se déteste de ne rien pouvoir faire de plus pour moi. Sait-t-il à son tour du fond de mes yeux que c'est réciproque ?

Lacrimosa H.S (mâture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant