XXV

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*J*

Jennifer me regarde avec déception, autant que je ne le suis. Elle le voit sur mon air. Je ferme les yeux en soufflant, à deux doigts de raccrocher au nez de cette secrétaire. Mais je reste polie, elle n'y est pour rien et c'est son travail. Je la laisse terminer sa tirade similaire aux autres. J'y suis depuis une heure. J'ai contacté les deux spécialistes de la ville, ensuite je me suis intéressé aux villes voisines. C'est comme si j'avais fait le tour de la région. Mon ordinateur grand ouvert sur la page listée de tous les cabinets à proximité.

-       ...c'est justement pour ça que nous sommes sur-bouqués en ce moment. Je pourrais bien vous enregistrer un rendez-vous, mais ce ne serait pas avant l'année prochaine.

Je lance un mouvement de tête à Jennifer, qui se penche pour fermer mon ordinateur.

-       Ça ne sera pas la peine. Merci quand même, mademoiselle.

-       Très bonne journée à vous.

Je raccroche, quand je sens la main de Jennifer sur mon épaule. Avant d'avoir le temps de me dire qu'elle est désolé, Jordan entre dans la pièce.

-       Jennifer, bonjour !

-       Bonjour Monsieur ! Votre café est prêt.

-       Désolé, je suis déjà en retard malheureusement.

Il se penche néanmoins pour saisir un croissant dans la corbeille. Le bloquant entre ses dents il se débat pour nouer sa cravate. Je croise son regard et tend la main pour lui faire signe. Il remarque ma tristesse je l'espère bien, tandis que je lui arrange sa cravate.

Il croque dans sa viennoiserie.

-       Hey, c'est quoi cette tête ?

-       Quelle tête ?

Je m'efforce de sourire rapidement, mais merde c'est plus fort que moi. Je ne comprends pas. À croire que tout le monde se rend en thérapie dès qu'on s'écorche le genou.

Il m'embrasse la joue et chuchote.

-       Qui tu avais au téléphone ?

Je connecte mes yeux aux siens. Neutre, du moins je crois.

-       J'ai eu tous les cabinets psychologues de la région. Je n'ai pas réussi à décrocher un seul rendez-vous.

-       Mince. Pourquoi ?

-       Soit parce qu'ils sont envahis, soit parce que les thérapeutes partent bientôt en retraite, voir même que c'est trop risqué de me prendre sachant que j'habite loin.

Il secoue la tête en plissant les lèvres. J'ai entendu les mêmes discours parmi ceux que j'ai cité. C'est hallucinant. Mais ce n'est pas le plus dur pour moi. Je refuse d'attendre l'année prochaine pour me faire suivre. Et surtout je refuse de laisser Jordan jouer les semblants de celui qui se peine pour moi. C'est pathétique...

-       Je suis désolé, mon cœur. C'est vrai que les gens s'attardent en thérapie dès qu'ils s'écorchent le genou, sourit-il.

Je ne réagis pas à sa plaisanterie. Je sais bien qu'il cherche à détendre l'atmosphère. Mais c'est trop tôt, ne le voit-il pas ?

Il me caresse la joue. Et je vois cette compassion inhabituelle sur son visage. L'espace d'une seconde, j'imagine que cette information le réjouis. Mais je me retire cette idée de la tête durant une durée similaire. Avant qu'elle ne revienne. Ça pourrait totalement le réjouir. Et ça me glace le sang.

Lacrimosa H.S (mâture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant