XXXIV

119 2 8
                                    

*J*

La pluie n'a pas cessé entre le moment où il s'est produit l'impensable et quand il a ouvert la porte. Nous nous activons tel des fous-alliés pour lutter contre le froid. Ce n'est pas que ça, il y a aussi l'humidité. L'automne qui s'est jeté sur nous, alors que nous étions impuissants. Je grelotte, tout comme lui. Son premier réflexe est de se jeter sur la salle d'eau, pendant que je retire mes chaussures. Rétracté, j'entends le robinet de la baignoire s'ouvrir. Il revient en sautillant pour commencer à se déshabiller.

-       Ok, tremble-il. F-faut tout enl-enlever.

-       Chaque chose en son temps.

Moi aussi je claque des dents, avec ma difficulté à retirer ce jean qui me colle à la peau. Facile pour lui avec son jogging. Jusqu'à ce qu'il prenne pitié et m'aide. Tels deux idiots nus, nous nous enfonçons dans la salle d'eau. La baignoire n'est qu'à moitié remplie mais je m'en fiche. Dans la course, Harry trébuche. En essayant de le rattraper, je pouffe de rire. C'est nerveux. L'adrénaline, le froid, et... cette récente jouissance physique. Ce mélange ne résulte que d'une chose chez Joyce Bella. La légèreté.

-       Quelle idée de faire l'amour sous la pluie, riais-je aux éclats.

Je l'aide à se relever. En vain, la situation ne l'empêche pas d'être un gentleman quand il me laisse passer. Lui aussi se met à rire.

-       Ça parait plus romantique dans les films, pourtant.

-       Ouh !

Merde. Je ne voulais pas me moquer de lui, hélas ça se retourne contre moi. Je n'ai pas atterri dans la baignoire en douceur. Mes jambes suspendues au rebord, j'ai aussi éclaboussé le sol. Mais je pars à rire, sans pouvoir y faire quelque chose. J'ai tellement froid, et l'hyperactivité avec laquelle nous avons courus jusqu'ici forme cette énergie. Le gérant du motel nous a regardé de travers, trempés jusqu'aux os. Et je voyais déjà Harry se retenir de rire, c'est là que j'ai commencé à savourer l'ironie du moment.

Il se laisse tomber près de moi, sans douceur non plus. Lui-même pressé à l'idée d'être enveloppé par la chaleur. Sa jambe s'écrase contre mon épaule. Cette drôle de position m'amuse davantage. Quant à lui c'est le même résultat. Et c'est pourtant le seul à rassembler ses esprits pour améliorer nos postures. Je me laisse guider pour plonger intégralement dans l'eau. Je tente d'étouffer mes rires contre sa peau, lorsque j'atterrie dans ses bras. Et puis je me souviens de sa précédente réponse.

-       Nous ne sommes pas dans un film.

-       Tu aurais préféré ?

À l'usage de la parole retrouvé, nos éclats se calment peu à peu. Toujours tremblants, nous balayons l'eau bouillante sur nos épaules, dans l'entraide. Je tente de reprendre mon souffle, en pressant ma joue à son épaule. Il incline la tête pour mieux cerner mon regard. Son visage est rougi par le froid. J'effleure sa peau.

-       Non, soufflais-je.

-       ...

-       Je préfère cette réalité.

Son souffle sur mon visage s'avère être sa seule réaction. Au fond de lui il se dit la même chose que moi. Nos expressions se suivent mutuellement à mesure qu'on se regarde. Je laisse glisser mes ongles sous son menton. Aussi curieuse de toucher l'une de ses fossettes. C'est drôle. Je me sens ailleurs, tout comme il y a quelques instants. Dans les hautes herbes. Obnubilé par sa présence, son contact, au point d'oublier le reste. Nous n'avions pas froids parce que nous étions nous deux. Jusqu'à maintenant où nous avons cessés de trembler, depuis que nous en sommes là. À nous regarder sans interruption quelconque. C'est quand je touche sa lèvre inférieure qu'il se penche pour rencontrer les miennes.

Lacrimosa H.S (mâture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant