Chapitre 16

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__ZAK__

"Malheureusement m'sieur, c'est un produit qui a besoin de beaucoup d'entretien. On peut pas le retirer comme ça, en une semaine. Il faudra beaucoup de temps".

L'ouvrier, occupé à racler l'un des murs de la maison de mes parents, n'avair pas l'air de porter un grand intérêt à notre présence. Hind et moi nous regardâmes en même temps. Je pense que la même question nous vint à l'esprit.  

"Beaucoup de temps... à combien de temps vous estimez ce "beaucoup" ?", lui demandai-je.

"Boh j'sais pas moi, j'moccupe pas des plannings des travaux, moi". 

Cette information ne nous avançait pas beaucoup. Cela ne permettra pas d'apaiser la colère de mon père qui passe désormais ses journées à harceler cette société de BTP. 

"Merci Monsieur", lui dis-je en soupirant. "Au rev--"

"Ah oui m'sieur, je crois qu'j'ai entendu mon chef dire que ça prendra p'têtre plusieurs mois"

PLUSIEURS MOIS?  Sans que mes parents ne puissent revenir ?

Un silence s'installa. Je pris le temps de contempler le salon qui, il y a à peine quelques jours, était joliment aménagé par les soins de mon père, où la famille se réunissait autour d'un bon plat préparé par ma mère et réchauffant les coeurs de tous ceux qui avaient la chance de pouvoir y goûter. Cette chaleur me manque terriblement. Ces murs jaunis et cette atmosphère étouffante me donnent des nausées. 

"Ne restez pas trop longtemps à l'intérieur, M'sieur. Même avec le masque filtrant, y'a toujours un risque", me lança l'un des ouvriers.

Je sortit aussitôt de la maison et rejoignit Hind qui ne s'est pas aventurée à l'intérieur et qui a préféré rejoindre notre fille Khadija dans la voiture. Je m'assis côté conducteur et enclenchai le contact. Ma mine déprimée ne manqua pas de l'interpeler :

- Ca fait très mal au coeur de voir la maison de tes parents dans cet état, mais cette situation n'est que temporaire, mon chéri, me rassura Hind. 

-Tu as raison, ce n'est qu'une épreuve parmi d'autres, et il y a bien pire que ça. Le plus important est que rien de grave ne soit arrivé à personne. Hanna a pu être soignée à temps, et c'est l'essentiel. 

- Bon, faisons disparaitre ces pensées négatives, s'exclama Hind. On va faire les courses? Ca nous évitera de les faire demain. 

- Yep ! C'est parti.

Sur le chemin, les routes défilaient à grande vitesse et rien ne semblait vivre, hormis une pluie battante à la limite du déluge. Les grosses gouttes comblaient le silence de la voiture, accompagnées des petits soupirs de Khadija. Je jetais de temps à autre des regards sur son beau visage à travers le rétroviseur, et je me rendais compte à quel point le temps passe vite. Déjà presque un an que notre fille nous comble de bonheur et nous crée de merveilleux souvenirs ne pouvant être troqués contre aucune autre pierre précieuse de ce bas-monde. Ya Allah, je Te remercie de m'avoir accordé un enfant en bonne santé, et d'avoir agrandi mon bien-être. 

Ce qui est magnifique dans le fait d'être parent, c'est le fait d'avoir un métier à la fois extrêmement épuisant, mais également extrêmement précieux. Ce n'est pas facile, surtout lors des premiers mois du bébé. Ce sont des moments de fatigue, de nuits blanches et d'inquiétudes pour l'avenir de ce petit bout. Mais Allah a fait en sorte de placer dans le coeur de chaque parent une force surnaturelle pour prendre soin de l'enfant. Cette force, je l'ai sentie dès les premières respirations de Khadija, et je compris qu'à cet instant, mon corps et mon âme seraient désormais entièrement voués à la protection de ce petit être fragile. "Quand tu seras papa, tu comprendras ce que je te dis aujourd'hui", me disait souvent ma mère, sans que je ne comprenne à quoi elle faisait référence. J'ai enfin compris, maman. 

SubhanAllah, le simple fait de penser à ma fille a complètement fait disparaitre les tracas qui me tourmentaient l'esprit quant à la maison de mes parents. Je jetai un regard vers Hind qui semblait fixer la route sans objectif. Je posai ma main sur la sienne :

- Comment ça va, mon coeur ?

Elle tourna hâtivement sa tête vers moi et ses pupilles semblaient moins dilatées.

- Al Hamdulillah, je réfléchissais à ce qu'on aurait pu oublier sur la liste de courses.

- S'il manque un ou deux trucs, c'est pas grave, je pourrai aller vite fait à la superette les acheter.

- C'est pour t'éviter des allers-retours inutiles que je réfléchis, me dit-elle en se vantant. 

- Oh mon Dieu, merci d'être si attentionnée pour ton mari ! PAR CONTRE les allers-retours que je fais juste parce que Madame Son Altesse veut du chocolat et le grignoter sans même le partager, ça tu t'en fiches? 

- Tu cherches les problèmes toi ? 

- Je dis simplement la vérité, lui répondis-je en remettant en place mes lunettes d'intello imaginaires.

Elle fit mine de bouder et j'explosai de rire. 

- Pour la peine, j'arrête de réfléchir à la liste de courses et tu te débrouilleras !, me hurla-t-elle au visage.

- Arrête de faire semblant d'être énervée, je vois ton petit sourire au coin là, lui répondis-je en lui montrant ses lèvres.

Elle fronça ses sourcils mais son jeu d'acteur ne dura pas longtemps : elle rit à son tour en remarquant la grimace que je lui faisais. 

__HIND__

Comme d'habitude, impossible de feindre une colère sans que Zak ne s'en aperçoive. Décidément, il lit en moi comme dans un livre ouvert. Pourtant, il a toujours été difficile pour ma famille et mes amies de savoir si ce que j'exprimais comme sentiments et expressions était véridiques ou non. J'adorais faire des farces à Sara et Cheïma en leur faisant croire que j'étais énervée contre elles, et j'avais des fous rires quand elles ne se rendaient compte de la supercherie que plusieurs jours après. 

Cependant, il y a un sentiment que Zakariya ne parvient pas toujours à détecter. 

L'inquiétude

J'avais beau discuter avec lui et rire dans la voiture, une petite voix resta en arrière-plan de mes pensées et réapparaissait dès qu'un silence s'installait. 

"Hanna a pu être soignée à temps, et c'est l'essentiel."

Que voulait-il dire par cette phrase? C'est l'essentiel? Qu'est-ce qui est essentiel? Un tas d'interrogations se bousculaient dans ma tête, des interrogations parfois illogiques et sans intérêt. Pourquoi cette gêne en moi dès que Zakariya mentionne sa cousine? Elle qui, depuis plusieurs jours, m'a rendu énormément de services en gardant Khadija quand j'étais occupée, en faisant parfois le ménage alors que je ne lui avais pas demandé, et j'ose encore douter d'elle? "Les croyants ne sont que des frères"..., je me forçais à repenser à ce hadith et répétait plusieurs fois en mon for intérieur "Ahudhu billahi mina shaytani rajim". 

Aurai-je le courage de patienter encore plusieurs mois à vivre à quatre dans la même maison, sans intimité? 


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OUI, L'ATTENTE A ÉTÉ LONGUE ET J'EN SUIS DÉSOLÉE ! 

J'espère sincèrement que ce chapitre vous aura plu, et je m'excuse d'avance si ce n'est pas le cas, j'essaye de reprendre l'habitude d'écrire, mais c'est pas évident après ces années de pause :(

A bientôt inchaAllah pour la suite ! 

Peace ! ✌🏻❤️

Le Coran nous a unis [PARTIE 1 ET 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant