Un Escalier vers le ciel (Writober 2021)

Jour 15 : rallume la lumière. (TW)

TW: évocation de blessure.

Le silence règne dans l'infirmerie. Murtagh Foley est assis à son bureau en train de lire. Il pourrait aller dormir, son seul patient est un petit jeune rescapé d'une embuscade deux jours plus tôt. Rien de méchant, une vilaine brûlure au bras, des contusions et la trouille de sa vie. Il a eu plus de chance que le gars qui était dans le véhicule avec lui, et franchement, il n'était pas beau à voir. Foley en sait quelque chose, il a dû le mettre dans le sac qui servira à le rapatrier à la base avant de le renvoyer à la maison dans une boîte plombée.

C'est lui d'ailleurs la raison pour laquelle Foley ne dort pas. Le Dullahan* a passé deux bonnes heures à essayer de faire traverser Holstein, l'esprit récalcitrant. Quelque chose l'en empêche et il ne veut pas dire quoi. Le Doc sent que c'est en rapport avec le gamin qui oscille entre inconscience et brefs moments d'éveil, mais, l'esprit n'étant pas du tout coopératif, il n'arrive pas à mettre la main sur la raison et ça l'énerve.

Soudain, de l'autre pièce, la voix terrifiée d'Aubry lui parvient :

— Doc, Doc ! Rallume la lumière !

Foley est sur ses pieds en un clin d'œil et dans la seconde il a actionné l'interrupteur. La lumière crue des néons illumine la scène. Le gamin fait littéralement un bond en arrière et s'emmêle dans son IV**. Le Doc doit bien avouer qu'à sa place il aurait fait pareil.

La dernière fois qu'il a dû voir Holstein, le gars était mort, et là, il se tient au pied de son lit, dans toute sa splendeur. Double choc pour quelqu'un qui n'est pas préparé. Il en sait quelque chose. Il devait avoir une quinzaine d'années quand ça lui est arrivé, il n'en garde pas un très bon souvenir alors qu'il savait que ce jour allait arriver.

Aubry lance un regard affolé au médecin, puis au fantôme. Il ne comprend pas ce qu'il se passe, Murtagh, lui, a compris. Il aurait dû s'en douter. L'odeur de terre fraichement retournée qui flotte autour du gamin lui est familière. Il porte la même sur lui à ce qu'on lui a dit.

Il fronce les sourcils et s'adresse au fantôme :

— Laisse-le tranquille, tu vois bien qu'il n'est pas en état.

— Mais c'est lui qui doit m'aider, se plaint l'autre.

— Et comment tu le sais ?

— Regardez-le Doc, c'est évident.

Non, ce n'est pas évident, même s'il a compris de quoi il retournait, il ne comprend pas pourquoi ce serait au gamin de le faire traverser spécialement. Il peut faire le boulot tout aussi bien. Ou alors, sa spécialité à lui n'est pas de faire passer les esprits ? Les yeux d'Aubry vont d'Holstein et son visage ravagé, à Foley qui se tient à la porte de la pièce. Son regard est passé de totalement terrifié à perdu et intrigué.

— Tu... t'vois mes hallucinations, Doc... ? Je.. j'suis pas cinglé ?

Tag soupire.

— Oui gamin, je le vois... ce n'est pas une hallucination...

Un long silence s'installe. Aubry semble réfléchir, et, petit à petit, les différentes pièces du puzzle se mettent en place.

— C'est... un fantôme ?

— On les appelle les Puca, oui, les esprits errants.

— Et... c'est... pour ça que j'suis là hein, j'veux dire avec Sorensen et les autres et vous... parce que... j'peux l'voir maintenant ?

Le Doc hoche lentement la tête. Aubry semble réfléchir, il fait une sorte de moue et ses yeux partent sur la gauche. Puis, finalement, il jette un coup d'œil à Holstein, plus long cette fois, comme s'il se disait qu'il doit affronter cette vision.

— J'suis quoi ?

Un murmure plus qu'autre chose.

— Une voix des morts, un passeur et un gardien, comme moi.

Silence, puis :

— Et j'dois faire quoi pour l'aider ?

*Dullahan : autre nom donné aux Fonséyès. Mouza qui communiquent avec les morts.

**IV : intra-veineuse.