✲ 𝘾𝙝𝙞𝙡𝙙𝙚 - Un retour à la normale impossible

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Image de début de chapitre : @arata_shibuya sur twitter

Prompt/Thème : Argent / Genre / Snezhnaya (mots choisis avec amour par IrisDragnir7 ^^)

⚠ Violence ⚠

Snezhnaya, hiver, -20°C.

Un jour d'hiver rude qui aurait pu être considéré comme normal pour tous les habitants, et qui pourtant n'était qu'insupportablement long à s'écouler pour moi.

Cela faisait une semaine que j'étais revenu. Une semaine que j'avais vu toute la noirceur que ce monde avait à offrir. Une semaine que mon quotidien auparavant si amusant et terrifiant était devenu bien morne. Depuis l'embrassade désespérée de ma mère et de ma sœur Tonia, tout était si... ennuyeux. On m'avait forcé à me ré-emboiter dans le moule composé de mon ancien quotidien : à pêcher le repas avec mon père pendant qu'il me racontait diverses péripéties, à aller à la ville vendre du bois fraîchement coupé, à faire de la luge et du patin à glace avec mes grands et petits frères et sœurs.

Mais depuis ma chute dans ce pays inconnu, ce quotidien harassant ne m'apportait plus ni joie ni excitation. À mes yeux désormais vides, tout paraissait dénué de sens.

Le petit garçon autrefois timide et craintif que j'étais, s'était évaporé pour ne laisser qu'un trou béant que seule l'exaltation du combat que je ressentais là-bas arrivait à combler. Sans même m'en rendre compte, voilà que tout ce que je maniais d'à peu près tranchant toujours et encore pour ce quotidien déplaisant — que ce soit la hache pour couper le bois, le couteau de cuisine pour évider le poisson, ou seulement un bout d'assiette que je venais de faire tomber — devenait sans cesse une arme.

Quand j'avais l'opportunité d'aller en ville, pour vendre du bois pour gagner quelque argent selon le prétexte que je donnais à mes parents, en réalité je recherchais toujours plus fort que moi, cherchant une bagarre qui pourrait dégénérer pour que je ressente à nouveau cette euphorie que l'adrénaline m'avait procurée dans ce lieu désolé. Un tesson de verre dans la neige constituait une arme à double tranchant, permettant de traverser avec aisance la chair du bras du garçon de trois ans mon aîné qui avait accédé à ma requête de duel. Mais ce n'était pas assez.

Fabricant de A à Z mon propre arc, bien vite je finis par expérimenter sur des animaux malencontreux qui avaient la malchance de croiser mon chemin pavé d'une avidité non contenue de faire couler un liquide chaud et cramoisi. Leur cri de souffrance quand ma flèche leur transperçait leur fourrure, leur peau, puis leurs organes internes, jusqu'à les achever lentement mais sûrement dans une atroce agonie, éveillèrent un monstre que l'Abysse avait créé en moi.

Ce n'était toujours pas suffisant.

Guilleret comme si j'étais encore un petit garçon pur et innocent, mes mains désormais souillées témoignant de mes nombreux méfaits, je caracolai jusqu'au village, en faisant fi des cris de mon père essayant vainement d'avoir encore une quelconque autorité sur moi, pour trouver à nouveau un opposant à défier avec mon arc fraîchement utilisé pour commettre des atrocités.

Mais dans un petit village, les nouvelles allaient vite. Des animaux retrouvés massacrés par dizaine, un garçon de dix-sept ans blessé, et une certaine personne agissant comme un meurtrier en série depuis son retour miraculeux après plusieurs jours de disparition ; pas besoin d'être devin pour faire la déduction logique qui s'imposait.

Faisant du porte à porte, je ne fus accueilli que par des cris effrayés et des portes claquant violemment devant mon nez. Seule une personne fut assez courageuse pour me faire face : une jeune femme récemment mariée, un peu trop accro au tir à l'arc pour l'étiquette qu'imposait d'être une gente damoiselle.

Lui lançant un duel, elle fut d'une rapidité extraordinaire pour accepter, probablement enjouée de pouvoir enfin pratiquer ce sport qu'elle aimait tant avec quelqu'un qui, elle le croyait, voulait seulement s'amuser. Commençant avec des cibles en bois, nous avions vite fait le tour de toutes les cibles en propulsant à des vitesses vertigineuses nos flèches. Aucun doute là-dessus, elle était douée. Comme quoi, le sport n'était pas une question de genre, mais de talent.

Toutefois, quel était l'intérêt de tirer sur des cibles immobiles et inertes ? Cela avait beau être un défi, rien n'était palpitant, mon sang ne tambourinait pas dans mes tempes d'émulation, rien.

Il me fallait autre chose. Et je savais qu'une cible mouvante serait bien mieux. Était-ce l'expression que j'arborais quand je m'étais tournée vers elle, ou alors la flèche pointée sur elle, qui l'avait fait réagir au dernier moment, esquivant par un geste inhumain l'objet pointu ? Quelle que soit la raison, je me souviendrais à jamais de ce regard devenant graduellement celui d'une proie apeurée — non, terrifiée — quand elle me fit face juste après. Cris, supplications, hurlements de rage comblèrent le vide et le silence que ma présence dans le village avait provoqués. Elle courait pour sauver sa vie, et c'était précisément à cet instant que l'ivresse de la chasse monta en moi. Voilà ce que je cherchais depuis tout ce temps.

L'enjoignant de reprendre son arc pour que ce duel soit équitable, elle ne put qu'obéir et agripper de toutes ses forces avec des mains tremblantes le morceau de bois. Esquiver et tirer, esquiver et tirer ; je ne m'étais pas senti aussi bien depuis mon retour. À chaque flèche qui volait dans ma direction, cela me procurait un sursaut d'adrénaline dans mon corps. Mais quand l'une de mes flèches atteignit finalement sa cible, se fichant avec une aisance improbable et terrifiante dans la cuisse de mon opposante émérite, je ne pus réprimer un sourire carnassier.

J'avais chassé mon premier humain.

Les cris, l'odeur métallique, la couleur cramoisie souillant tant la neige immaculée que les vêtements raffinés de la jeune femme, réveillèrent mon esprit reptilien et l'exacerbèrent au centuple. Laissant tomber mon arc, je sortis la petite lame que je gardai toujours sur moi depuis lors, et m'approchai avec des pas atrocement lents, pour me permettre de savourer l'expression épouvantée de celle se tordant de douleur.

Cette pauvre femme n'avait rien demandé, mais je voulais savoir si les réactions humaines étaient semblables à celles des monstres de l'Abysse quand leur heure fatidique approchait, et que j'étais le porteur de mauvais augure.

Toutefois, alors que j'allais commettre l'irréparable, une main vint laisser une marque cuisante sur ma joue, me faisant lâcher mon arme de fortune par la même occasion. Mon père se tenait devant moi, le visage consterné et atterré, ne sachant probablement pas quoi penser du meurtre que j'allais vraisemblablement entreprendre avec un sourire à glacer le sang marquant mon visage.

Et à ce moment, mon père décida de mon avenir pour moi.

Envoyer son propre fils au sein des Fatui pour sauver le village et essayer de corriger le comportement délirant de cette jeune âme, voilà ce qu'il devait se dire. Mais en faisant cela, il m'avait seulement permis de découvrir les joies du champ de bataille, qui, sans même que je ne m'en rende compte, grignotèrent peu à peu mon restant d'humanité pour teinter mon cœur d'atrocités toujours plus insupportables malgré toute l'exaltation insoupçonnée que cela continuait de me procurer.

Le front était ma véritable place, et pourtant, plus je subissais les affres du temps qui passait, plus je commençais à rechercher une lumière pour me sortir de ce tunnel de souffrances pourtant si plaisantes.

Mais cette lumière s'était évanouie dès le moment où la pointe de la flèche de mon arc de fortune avait transpercé la jambe de cette jeune fille pourtant si gentille.

Cette lumière avait fini éclipsée par toutes les noirceurs dont mon aura de meurtrier flanquée d'innombrables carnages témoignait, et désormais, il était bien trop tard pour que je puisse faire ressortir ne serait-ce qu'une once de clarté de ma personnalité enfantine d'antan. 

[1270 mots]

NB : Juste un petit texte écrit alors que je m'ennuyais, du coup je me suis dit que j'allais le publier ^^ 

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