Chapitre 1 - La muse

377 23 94
                                    


Ses doigts caressèrent délicatement les touches du piano produisant un son doux et mélodieux qui se frayait un chemin jusqu'à leurs tympans. Leurs regards étaient tous dirigés vers elle ou plutôt vers la muse qu'elle représentait. Le verre de champagne à la main, ils discutaient d'argent, de politique et de leurs grades en cette société. Comme toutes les réceptions, elle jouait des morceaux qu'ils leur conviendraient. Mais à lui ? Aucune chance. Il était déjà entrain de tourner sa langue dans son palais préparant des insultes à son égard. Elle avait beau avoir les doigts de Mozart, il se faisait un malin plaisir à la rabaisser et ses doigts en tremblèrent d'avance.

   Elle n'a jamais pris plaisir à jouer du piano. Cette mélodie que tout le monde appréciaient, elle, elle la détestait. Ce n'est qu'un son qui accompagnait leurs discussions.
   Et ce son, c'est elle. Elle est celle qui accompagne, celle qui écoute et qui observe. Il la mettait au piano

seulement pour qu'elle reste calme sans apporter son opinion dans leurs discussions. Elle n'est qu'un simple vêtement de luxe que nous portons pour se vanter et qu'on laisse au fond d'un placard une fois chez soi.

   - Que tu joues bien, mon enfant ! Commenta une femme d'une soixantaine d'années dont elle fit le sourire le plus radieux - et le plus faux - de la soirée.
   - Il faut bien qu'elle sache faire quelque chose, ricana-t-il pour lui arracher le compliment qu'elle venait de recevoir telle une malheureuse pièce de monnaie.

Honteuse elle se replongea dans les partitions qu'elle connaissait maintenant sur le bout des doigts.
   Le restant de la soirée se déroulait comme elle l'avait imaginée. Personne ne s'intéressait à elle, et si quelqu'un en avait l'audace, il serait là pour faire une remarque rabaissante. Sa mère, elle, passait sa soirée à lui jeter des fleurs. Des fleurs, qui finalement, retombèrent sur elle, car elle ramenait toujours tout sur sa petite personne.

   - Si elle joue bien, c'est seulement, car je le lui ai enseignée, sinon elle ne saurait même pas lire une partition pour enfant. Avait-elle dit en faisant mine d'être fatiguée.
   - Vous êtes vraiment une femme remarquable Yvonne. Cet enfant a été adopté par le bon couple, félicite une bonne femme de haut grade.

Tu parles, je ne pouvais pas tomber mieux. Se dit-elle à elle-même sous l'ironie.
La soirée terminée elle fit un tour aux toilettes afin de se dégourdir les jambes et s'étirer, car ses épaules lui brûlaient jusqu'aux cervicales. Ses doigts étaient si tendus qu'elle n'avait pas sentit l'eau froide caresser ses phalanges. Personnes ne lui avaient proposé à boire alors elle se contentait du robinet. En avalant l'eau froide, elle la sentit glisser dans sa gorge et cela lui arracha un frisson. En se redressant, elle fit face à la personne qu'elle détestait le plus. Elle.

   Le miroir lui montrait la facette qu'elle n'a jamais appréciée, pourtant, elle continuait de l'utiliser tel un masque, tel une carapace que personne ne pouvait voir ce qu'il se tramait aux premières loges.
Ses yeux et ses cheveux étaient aussi sombre que la nuit, aussi noir que les ténèbres tandis que sa peau, elle, était semblable à de la neige. Elle était, elle est, semblable à une toile sans peinture. Vide, abandonné par les couleurs que seul Dieu voyait en chacun d'entre eux.
Une personne frappa à la porte de la salle de bain assez fortement pour l'effrayer.

   - Qui est-ce ? Demanda-t-elle d'une voix aussi douce et poli que possible.
   - Dépêche-toi, nous rentrons. Demain tu as cours ! Ordonna la voix stricte de sa mère.

D'un geste rapide, elle replaça une de ses mèches ondulées derrière son oreille en descendant sa robe pour ne pas paraître vulgaire.
Dans la voiture, elle devait affronter ce qu'elle affrontait chaque soir après une réception de ce genre.

PAS COMME EUX (RÉÉCRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant