Lettre à Aiden

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Samedi 1er novembre 2025

Salut imbécile,

Comment commencer ce genre de choses? Est-ce que tout le papier du monde suffirait pour décrire tout ce que j'ai à te dire?

Aujourd'hui, ça fait un an. Un an que je les vois tous t'oublier et vivre leur vie comme si tu n'avais jamais existé. Tu les as pourtant tous rendus heureux. Avant, ils étaient prêts à tout pour te voir. Aucun d'entre eux ne te connaissaient mais ils étaient tous fous de toi. Je me souviens encore de notre façon de se cacher pour ne pas qu'ils te reconnaissent. Au début, c'était vraiment amusant. C'était comme un jeu. J'adorais ce jeu. Puis c'est devenu de plus en plus compliqué, hein ? Parce que ces gens disaient qu'ils t'aimaient tellement que tu devais leur appartenir. Tu étais leur objet. Ils ne nous laissaient pas le temps d'être ensemble. Et ça t'énervait. Je me souviens de tous ces soirs où tu m'appelais. Tu étais à bout, tu voulais tout arrêter. Tu me disais toujours que c'était insupportable. Pourtant, tu aimais vraiment ce que tu faisais. Lorsque tu dansais pour moi, j'étais hypnotisé, paralysé, émerveillé. Ces moments étaient magiques. Ils étaient ma source de bonheur. Même s'ils pouvaient tous te regarder, j'étais le seul à te voir.

J'ai peut-être été égoïste. J'aimais être le seul connaissant ton talent. J'aimais ton anonymat. J'aimais le fait que tu n'ai même pas assez d'argent pour vivre décemment sans moi. Maintenant que j'y pense, même l'odeur de cigarette me plaisait, finalement. Tu puais toujours mais c'était déjà mieux que ton silence. J'aimais te voir paniquer lorsque je te surprenais à fumer. Surtout quand tu faisais des insomnies. J'étais le seul présent pour te voir jeter la cigarette assez vite pour espérer que je ne la vois pas. Malheureusement pour toi, je la voyais toujours. Alors je m'énervais parfois. J'avais juste peur, je m'inquiétais. Je savais que ça te soulageait mais je ne pouvais pas l'accepter. Tu détruisais ta santé, idiot. Mais tu me répondais toujours que tu ne voulais juste pas me déranger. Ça m'exaspérait, tu sais ? Parce qu'en fait, j'ai toujours voulu être ta cigarette. Je voulais être capable de te calmer. En te parlant, en t'embrassant, en t'aimant... Je voulais juste t'aider. Mais tu avais toujours peur. Et lorsque le succès t'a pris, ces nuits se sont peu à peu fanées. Tes « fans » ne l'auraient jamais accepté, hein ? Alors nous ne pouvions jamais être seuls, en toute discrétion. Tu es allé dans ce nouvel appartement, je suis resté dans le nôtre. Tu ne revenais que très rarement, lorsque tu échappais à leur surveillance. C'était dur à accepter.

Tu te souviens de notre première rencontre ? Moi, oui. C'était vraiment inattendu. Qui aurait pu croire que, de tous, tu serais le seul que je puisse voir? C'était surréaliste. Tu étais irréel. Ta façon de bouger était unique, qui aurait pu dire le contraire? Et je me souviens même encore de la jalousie, ou "admiration", d'Illan. Il ne l'aurait jamais avoué mais il voulait plus que tout te ressembler, tu étais si talentueux. Alors nous étions tous restés silencieux, qu'aurions-nous pu dire? Et toi, tu n'en avais pas plus fait. Te faire parler était déjà bien complexe... J'adorais être le seul à avoir le privilège de te faire aligner plus de trois mots. Cette seule chose suffisait à m'emplir d'une joie inconcevable. Et jamais je n'avais été aussi heureux d'être le seul à pouvoir faire quelque chose.

Aujourd'hui, pourtant, cette solitude a été plus lourde que jamais. Sur ta tombe, il n'y avait personne. Personne, à part moi. Au moins, j'ai pu pleurer sans personne pour me déranger. J'y ai déposé des roses bleues. C'était tes préférées. Tu les aimais tellement que tu m'en offrais toujours. Tu disais « comme ça, je serais toujours avec toi ». Ça me faisait toujours rire, tu te souviens ? Je ne comprenais pas pourquoi tu me disais ça puisque tu étais déjà physiquement là. Maintenant, j'ai compris. C'était en prévision de ce jour, c'est ça ? Celui où tu m'abandonnerais sans un mot.

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