Grande Nouvelle - Partie 1 - mercredi 12 janvier 2022

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- Je souffre !

Sérieusement... Encore ? Pour la soixante-dixième fois de la soirée, je lâche la copie qui se trouvait entre mes mains. Mon regard se pose sur l'idiot en face de moi.

Allongé à même le sol, il se roule comme un enfant faisant un caprice. Honnêtement, je ne sais même pas où est-ce qu'il peut encore avoir mal. Si je devais faire l'inventaire de tout ce qu'il m'a déjà dit, j'en aurais pour dix copies doubles. Quoique... Vingt serait peut-être plus adapté.

- Quoi, encore ?

- J'ai la colonne vertébrale en bouillie !

Et un de plus. Être avec Illan, c'est comme être en cours d'anatomie. Je vais finir par connaitre le corps humain par cœur.

- Au moins, t'oublies ta douleur aux côtes. Faut positiver.

- Espèce d'insensible !

- Je te signale que j'essaie de corriger depuis tout à l'heure. A ce rythme, j'aurais peut-être fini l'année prochaine. Alors dis-moi, qui de nous deux est le plus insensible au sort de l'autre ?

Il ne dit rien. Il se contente simplement de se relever. Ah, non. En fait, il s'assoit simplement sur le sol. Enfin, j'imagine que c'est déjà mieux que son petit cirque de tout à l'heure.

Sans plus de cérémonie, je reprends ma correction. Je sais qu'il me regarde mais pour le moment, je l'ignore. Ça fait plus d'une heure et j'ai à peine fait deux copies. Je n'aurais jamais fini avant demain. Je savais que je n'aurais jamais dû promettre à la classe que je leur rendrais leurs devoirs corrigés en deux semaines. S'il n'y avait pas Illan, peut-être que j'aurais pu. Avec lui ? Mission impossible. J'avais espéré qu'au moins, en bossant sa chorégraphie, il me laisserait tranquille. Quelle idée stupide.

- Quelle heure est-il, très cher ami ?

C'est pas vrai... Il ne va vraiment pas me laisser travailler, hein ?

- Regarde sur ton téléphone.

- J'ai plus de batterie.

Je vais le tuer.

- 19 heures.

- Sérieux ? Bordel faut que j'aille bosser.

- Comme ça, on est deux.

Il se laisse retomber sur le sol. Et son silence me fait poser le regard sur le ciel, comme lui. Il fait presque nuit noire. J'avais presque oublié qu'on était en hiver, avec ce temps plutôt chaud.

- Quand est-ce que je vais arrêter de galérer, sérieux ?

Cette fois, je pose mon stylo. Les dissertations, ça attendra demain. Tant pis, j'ai une vie, moi aussi.

Je me lève et vais m'allonger près de lui. Sans la musique, le son des voitures est beaucoup plus clair. Ce n'est pas forcément le meilleur bruit de fond mais bon. Illan aime quand la circulation est aussi dense. Allez savoir pourquoi, ça l'aide à se calmer. Les klaxons... Quelle douce symphonie, en effet.

- J'en ai marre du ciné.

- Je croyais que t'entendais bien avec tes collègues.

- Ils sont sympas mais c'est tous des étudiants.

- Et alors ? T'es pas si âgé que ça, toi non plus.

Un petit rictus lui échappe. Je sais que c'est ironique mais je ne dis rien. Je sais parfaitement qu'il ne voulait pas dire ça dans ce sens. Tous ces étudiants, ils savent ce qu'ils veulent faire. Ils bossent dur pour survivre mais ils ont tous des projets derrière. Non, en fait, ils n'en ont sûrement pas tous. Mais disons que le diplôme pour lequel ils se battent leur donnera plus d'assurances qu'il n'en aura jamais.

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