Réécrire notre histoire

Deuxième rencontre - Jeudi 10 mars 2022

Voir de mes propres yeux tous ces danseurs en parfaite synchronisation, c'est vraiment plus impressionnant que je ne me l'étais imaginé. Illan s'est parfaitement intégré. Il se fond dans le groupe à la perfection, comme s'il en avait toujours fait partie. La complicité qu'il partage déjà avec beaucoup est impossible à cacher, d'ailleurs. Les petits sourires en coin, les regards échangés, les petits signes de tête lorsqu'ils se croisent au cours de la chorégraphie... Disons que tout ça est impossible à ne pas voir. Ils le font tous, avec certains plus qu'avec d'autres, mais ils le font tous quand même. C'est ça, qui fait que c'est si agréable à regarder, je crois. Enfin, pour un amateur comme moi, tout du moins.

A la fin de chaque essai, Samuel leur donne des conseils plus que des ordres. Tout se fait avec un naturel déconcertant. Il a vraiment l'air de n'être rien de plus qu'un danseur parmi les autres, même s'il se détache par son charisme, sa présence, et surtout par le fait que tous écoutent ce qu'il dit. Parfois, il ne demande qu'à quelques-uns de refaire un passage. Il lui arrive aussi de leur montrer lui-même ce qu'ils n'ont pas totalement bien fait. Il se place alors en plein milieu de la salle de répétition et performe. Il donne toujours son maximum. C'est assez évident. Lorsqu'il s'arrête, il est toujours souriant, rarement essoufflé mais un sourire se trace systématiquement sur ses lèvres. Je dois bien reconnaitre qu'il est vraiment très beau.

Il ne leur reste qu'une vingtaine de minutes de répétition. Dès qu'il le peut, Samuel me lance un petit sourire en coin. Cette fois, il va même jusqu'à me faire un petit clin d'œil. Même si je trouve ça assez plaisant, je ne peux m'empêcher d'être gêné. Mon ami est là. Ami qui est aussi mon colocataire et que toute ma famille connait. Il sait très bien que mes parents n'ont jamais accepté mon homosexualité donc il ne leur parlerait pas d'un quelconque flirt avant de m'avoir demandé si c'est bon pour moi. Mais ça ne change rien au fait que c'est embarrassant. D'autant plus que Samuel sait qu'Illan et moi sommes très proches. Je ne lui ai pas parlé de ma famille mais je lui ai déjà raconté la manière dont, enfant déjà, Illan me poussait à danser avec lui, même quand je le suppliais de me laisser tranquille. Les petites anecdotes de ce style, ça va assez vite, autour d'un café.

Samuel prend à part un petit groupe pour leur montrer quelques pas. Je n'arrive pas à entendre ce qu'ils se disent mais le chorégraphe est particulièrement concentré, cette fois. Les autres répètent, en petits groupes ou seuls, alors que d'autres prennent deux petites minutes pour boire. Le temps passe assez rapidement et très vite, la répétition touche à sa fin. Comme je m'y attendais, Samuel est obligé de discuter quelques minutes avec certains danseurs. Je ne les connais pas, je ne suis même pas sûr de les avoir déjà vus, mais Illan me rejoint assez rapidement pour que je ne me sente pas trop seul.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

J'aurais effectivement dû m'attendre à ce qu'il me pose la question. Quand je suis rentré dans la pièce, j'ai bien vu qu'il était surpris. Mais avant même que je n'ai le temps de répondre quoi que ce soit, un danseur apparait derrière lui. Lui, je le connais déjà. Petit, fin, les yeux d'une couleur presque surnaturelle...

- Aiden !

Bien qu'il n'ait pas l'air d'être le plus à l'aise au monde, il laisse mon ami lui donner une petite tape sur le dos. Illan a toujours eu une faculté assez étonnante à se lier d'amitié avec les plus insociables d'entre nous. Je dois bien reconnaitre que je lui ai toujours envié cette capacité. Il commence à lui parler et, étonnement, Aiden a l'air de se détendre, petit à petit. Pour la première fois, j'entends le danseur formuler plusieurs phrases d'affilé. Sa voix est assez plaisante à écouter.

- D'ailleurs, je te présente Nolan !

Le regard gris-violet du plus petit se pose sur moi. Dès lors, c'est comme s'Illan n'était plus vraiment là. J'entends sa voix, mais je ne comprends pas ce qu'il dit. C'est un peu comme si sa voix était étouffée. Comme s'il n'était plus dans cette pièce.