En cette fin du mois de novembre, un temps plutôt morose enveloppait la Côte d'Opale d'un manteau de brume presque impénétrable. Les habitants de cette région, séparée de quelques kilomètres seulement des falaises anglaises, y étaient habitués. Un oeil averti pouvait d'ailleurs remarquer que seuls les touristes, en faible nombre en cette période de l'année, tentaient une sortie avant de vite rebrousser chemin en se rendant compte qu'ils risquaient bel et bien de se perdre dans l'opacité du brouillard.
Dans leur belle maison typique du bord de mer, les Dubois recevaient leurs grands amis, Agnès et Jean, et contrairement à la pluie glaciale qui cinglaient les fenêtres, l'ambiance dans le salon était plus que chaleureuse comme à chaque fois que les deux couples se retrouvaient. Ces messieurs disputaient une partie de billard tandis que ces dames devisaient gaiement, installées confortablement dans les fauteuils blancs du petit salon cosy. Bientôt à la retraite, les Dubois étaient bien décidés à en profiter. Et quoi de mieux que de passer du temps avec leurs proches ?
Et, d'aussi loin que l'on se souvienne, Agnès d'Armentier et Lucia Dubois avaient toujours été les meilleures amies du monde. Elles étaient pourtant si différentes !
Agnès était issue d'une famille riche qui avait fait fortune dans l'import-export. Elle avait le port altier et les manières parfaites d'une jeune fille de bonne famille, du moins comme on l'entendait à l'époque de sa jeunesse. Sa longue silhouette filiforme n'avait pas changé malgré les années et seules quelques mèches grises savamment coiffées rappelaient qu'elle approchait la soixantaine. Elle n'avait jamais eu besoin de travailler, se consacrant essentiellement à sa famille. Elle était particulièrement fière de son unique fille, Louise. Elle s'était séparée de son père, qui la trompait à tour de bras, après quinze ans d'un mariage chaotique. Malgré cette passe difficile, elle avait su maintenir le cap et avait fini par faire la rencontre d'un homme adorable pour qui elle était le centre de l'univers, Jean. Ce dernier avait su faire battre son cœur après avoir dû batailler longtemps, mais aujourd'hui, il était sa force tranquille et comme un second père pour sa fille.
Lucia, quant à elle, avait un caractère explosif qui n'était pas étranger à ses origines italiennes. Malgré ses soixante ans, ses longs cheveux noirs regroupés en un chignon bas parfaitement exécuté avaient gardé toute leur beauté. Elle avait rencontré Agnès alors qu'elles n'avaient que cinq ans. Sa mère venait d'être embauchée comme cuisinière chez les parents de cette dernière et, depuis, leur amitié avait perduré. Grâce à Agnès, Lucia avait pu faire des études d'infirmière. C'était d'ailleurs pendant une de ses gardes qu'elle avait fait la rencontre de son mari, Didier, un conducteur de chantier. Ce jour-là, il avait reçu un coup sur la tête et il se plaisait à raconter qu'il n'était pas dans son état normal quand il avait invité la jeune et jolie Lucia à aller boire un verre après son service. De leur union était né un petit garçon, Tristan, qui les avait comblés de bonheur.
- As-tu eu des nouvelles de Tristan ?, demanda Agnès à son amie.
- Oui, son reportage en Islande se termine bientôt, lui répondit-elle joyeusement en battant des mains.
- Et elle lui a fait promettre d'être là pour sa fête de Noël !, intervint son mari qui écoutait la conversation des deux femmes tout en tentant de gagner la partie de billard qu'il avait engagée avec Jean.
- Et alors ?, lui rétorqua aussitôt sa femme. Ça fait des mois qu'il est parti là-bas ! Je suis sûre que tu as autant envie que moi qu'il soit là pour les fêtes !
- C'est vrai, dut-il admettre.
- Et ta petite Lou ? Comment va-t-elle ?
Agnès soupira. Elle s'inquiétait beaucoup pour sa fille qui venait de se séparer de son petit ami après deux ans de relation. Non pas qu'elle ait jamais vraiment apprécié Marc, mais s'il rendait Lou heureuse, c'était tout ce qui comptait pour elle.
VOUS LISEZ
Le pacte de Noël
RomanceSelon leurs mères, Lou et Tristan sont faits l'un pour l'autre. Malheureusement pour elles, leurs enfants ne sont pas - mais alors pas du tout ! - d'accord : ils ne peuvent tout simplement plus se supporter ! Et pourtant... suite à un quiproquo, vo...