Chapitre 13 : Le cabanon des souvenirs

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Trop heureuse d'avoir pu échapper à la mine inquisitrice de sa mère et de celle de Tristan, Lou prit le chemin qui la menait jusqu'au cabanon. Ça faisait longtemps qu'elle n'y avait plus mis les pieds et un flot de souvenirs la submergea. Elle se revoyait rejoindre discrètement Tristan pour que leurs mères ne l'apprennent pas, elle se souvenait de sa chaleur quand il la prenait dans ses bras pour l'embrasser... Il avait été son premier amour. Ce sont des choses qu'on n'oublie pas aussi facilement.

Se forçant à revenir à l'instant présent, elle appela les alentours :

- Tristan ?

Mais personne ne lui répondit. La porte du cabanon était entrouverte, alors elle décida de la pousser. Ses narines furent assaillies par un flot de poussière, la forçant à mettre une main devant son nez le temps de s'y habituer. Il faisait sombre à l'intérieur, seule une petite lucarne déversait quelques rayons de soleil depuis le haut d'un mur. Il lui sembla qu'il y avait encore plus de bric-à-brac que dans ses souvenirs. Depuis toujours, le cabanon servait à entreposer les meubles et bibelots qu'Agnès refusait de jeter, mais qui étaient trop grands pour être remisés au grenier et dont on finissait par oublier l'existence. Sa mère avait toujours l'esprit conservateur, trop sans doute vu l'amoncellement d'objets en tout genre qu'elle avait sous les yeux.

- Tristan ?

- Je suis là, Lou, lui répondit-on depuis le fond de la pièce.

Elle s'avança jusqu'à la vieille garde-robe poussiéreuse qui coupait la pièce en deux et retrouva Tristan derrière celle-ci. Il lui tournait le dos, regardant le mur comme perdu dans ses pensées.

- Qu'est-ce que tu fais ?, lui demanda-t-elle doucement.

- Je n'en sais rien, lui répondit-il en soupirant.

Au même moment, un claquement sec retentit derrière eux. Ils se regardèrent, soudain angoissés, avant de se précipiter vers la porte qui s'était refermée. Tristan se mit à tirer de toutes ses forces sur la poignée, en vain.

- On est enfermés !, dit-il finalement en passant une main inquiète dans ses cheveux.

- Non, ce n'est pas possible !, paniqua Lou. Il faut qu'on sorte d'ici. Je n'ai même pas pris mon téléphone !

- Moi non plus.

Elle se mit à frapper sur le battant de toutes ses forces en criant :

- A l'aide ! On est là ! On est enfermés !

- Ça ne servira à rien. Il n'y a personne dehors à part nous.

Tristan se met à farfouiller dans les tiroirs à la recherche d'un outil ou d'autre chose qui pourrait lui permettre de forcer la porte. Il en sortit une vieille canne qui lui parut assez solide pour tenter d'en faire un levier. Malheureusement, le bois était devenu cassant avec le temps et il se brisa net.

- Merde ! Mais comment tu as fait pour arriver à bloquer cette porte ?, s'énerva-t-il.

- Quoi !? Attends, tu crois que je l'ai fait exprès peut-être !, s'emporta-t-elle à son tour. Tu crois vraiment que j'avais envie de rester coincée avec toi et ici en plus ?

- Alors pourquoi tu es là ?

- Je suis venue te chercher. Tes parents sont arrivés.

- Bien. On ne va certainement pas tarder à venir nous chercher alors.

- Bien !, répondit-elle sèchement.

Il s'éloigna vers l'arrière de l'armoire et s'assit à même le sol en attendant les secours. On aurait dit que tout ce qu'il voulait, c'était être loin d'elle et c'était réciproque. Quelle idée absurde ils avaient eu : faire semblant de s'aimer, alors qu'ils n'arrivaient même pas à rester deux minutes dans la même pièce sans s'écharper !

Malheureusement, le temps passa et personne ne vint. Lou commençait sérieusement à s'ennuyer et se mit à farfouiller dans les vieilleries à la recherche de vieux souvenirs. Elle se pencha alors sur le côté d'une armoire, dispersa la poussière de sa main et découvrit l'inscription que Tristan y avait gravé huit ans auparavant : « L & T forever ». « Forever », mon œil, oui !

- Elle est encore là ?, demanda le jeune homme en la faisant sursauter.

- Oui, elle y est encore..., répondit-elle laconiquement en se relevant prestement.

Elle lui fit face et vit qu'il était la proie d'une intense réflexion. Il se passait une main dans ses cheveux, les désordonnant au passage avant de se gratter la tête.

- Pourquoi tu es partie, Lou ?, demanda-t-il, soudain décidé.

- Partie ?

- Ne fais pas semblant de ne pas comprendre !, s'emporta-t-il. On était bien tous les deux et, du jour au lendemain, tu disparais sans un mot, sans un message ! J'ai cru devenir fou ! Je t'ai appelée je ne sais combien de fois et tu ne m'as jamais répondu !

- Je t'ai répondu !, se défendit-elle en retour.

- Ah oui ? Ce bref message où tu disais qu'on avait eu ce qu'on voulait tous les deux et qu'on ferait mieux d'en rester là ? Où est-ce que tu as vu que j'avais eu ce que je voulais ? C'est toi que je voulais, Lou ! J'étais fou de toi !

- Tout ça, ce ne sont que des mensonges ! Tais-toi !

Elle se précipita sur la porte, tirant à nouveau sur la poignée. Elle devait sortir d'ici ! Tout de suite ! Cette conversation n'allait lui amener que des problèmes. Malheureusement, il n'y eut pas de miracle et Tristan semblait décidé à avoir une explication.

- Non, je ne me tairai pas ! Je me suis demandé ce que j'avais bien pu faire de mal. Est-ce que j'avais dit quelque chose ? Fais quelque chose ?

- Arrête ! S'il te plait !

Il s'arrêta un instant pour reprendre de plus belle.

- Toi et moi, on avait passé un moment merveilleux la veille, tu t'en souviens ou pas ?

Bien sûr qu'elle s'en souvenait. On n'oublie pas sa première fois ! Elle posa la tête contre le battant de la porte en soupirant de désespoir. Elle voulait juste qu'il se taise !

- Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ce jour-là ? Dis-moi, parce que si ce n'est pas ça, ça veut dire que tu n'es qu'une putain d'égoïste qui s'est servie de moi pour perdre sa virginité avant d'entrer à la fac !

Là, il allait trop loin ! Comment pouvait-il dire des choses aussi horribles ? Elle ne put pas retenir sa main qui partit à la rencontre de sa joue dans un claquement sec. Abasourdi par son geste, il se tut enfin. Se massant la joue, il se calma alors qu'elle sentait les larmes poindre au coin de ses yeux. Il n'y avait que Tristan pour lui faire subir des émotions aussi intenses : elle le haïssait et pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable. Elle devait s'éloigner de lui.

Lui tournant volontairement le dos, elle se réfugia un peu plus loin en serrant très fort ses bras autour d'elle comme pour se protéger. Les larmes s'échappaient maintenant sans qu'elle ne puisse les retenir plus longtemps. Elle les effaça d'un geste rageur de la main quand elle sentit qu'il se rapprochait.

- Lou, commença-t-il. Je suis désolé. J'ai été trop loin...

Il n'osait pas faire un pas de plus et elle ne comptait pas lui laisser la possibilité de lui faire encore plus de mal.

- J'ai entendu ce que tu as dit à tes amis ce jour-là, alors n'essaie pas de faire croire que tu n'as rien à te reprocher !, s'écria-t-elle, hors d'elle. C'est toi qui t'es servi de moi !

Le pacte de NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant