Chapitre 18 : Une trahison de trop

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Quelques heures plus tôt...

Lou avait donné rendez-vous à son père dans un petit salon de thé le long de la digue. Elle adorait cet endroit au charme suranné. C'était ici que sa mère l'emmenait souvent goûter après l'école quand elle était petite.

Arrivée la première, elle se commanda un thé à la rose et ne put résister aux cupcakes qui lui faisaient de l'œil dans la vitrine. Elle s'installa à une table dans le fond de la salle.

Comme à son habitude, son père se fit attendre. Il arriva quinze minutes plus tard, réglant un dossier au téléphone. Il ne s'arrêtait jamais ! Lou souhaitait pouvoir parler avec lui de Marc et de son attitude dans la boite. Elle espérait qu'il prendrait son parti, mais rien n'était moins sûr ! Marc était comme le fils qu'il aurait aimé avoir.

- Comment vas-tu, ma chérie ?, lui demanda-t-il en s'installant face à elle.

- Ça va.

Il se retourna et commanda un expresso.

- J'ai été surprise que tu m'appelles alors qu'on s'était vus hier, commença-t-elle.

- Je sais, mais il fallait que je te voie au plus vite.

- Si c'est à propos de ta proposition, je n'y ai pas encore réfléchi, le prévint-elle d'emblée.

- Non, ne t'inquiète pas, tu as le temps ! Mais j'aimerais quand même avoir ta réponse avant Noël...

- C'est à propos de Marc, alors ?

- Non, je voulais te parler de Tristan.

Elle le regarda, étonnée, et il se dépêcha de lui expliquer la raison de cet entretien.

- J'ai longtemps hésité avant de t'en parler. Je sais que ça va te faire du mal ce que je vais te dire maintenant. Mais tu es ma fille et mon devoir est de te protéger.

- De quoi veux-tu parler ?

- J'ai eu une petite conversation avec lui hier, comme tu le sais. Je veux te faire écouter l'entretien que j'ai enregistré par prudence. Sache que j'ai juste voulu tester sa loyauté envers toi... pour ton bien.

Il déposa un petit magnétophone sur la table et enclencha le haut-parleur. Elle reconnut rapidement la voix de Tristan.

- Asseyez-vous, Tristan, disait son père pendant que ce dernier prenait place. Puis-je vous servir un verre de cet excellent cognac de dix ans d'âge ? Vous m'en direz des nouvelles.

- Avec plaisir.

Il y eut un moment de flottement pendant lequel son père devait certainement leur verser deux verres.

- Dites-moi, reprit ce dernier, j'aimerais connaitre vos intentions envers ma fille.

- Mes intentions ? Comment ça ?

- Hé bien, comment comptez-vous prendre soin d'elle, par exemple ? Vous avez un métier qui vous emmène loin et dont le salaire est assez aléatoire. Voyez-vous, je m'inquiète un peu pour Louise. Qu'adviendra-t-il d'elle quand vous serez dans un de ses pays lointains ?

- Pour l'instant, la question ne se pose pas, éluda Tristan.

Lou reconnut au ton de sa voix l'énervement qui commençait à monter en lui. Il ne devait pas apprécier ce genre de jugement.

- Vous voulez dire que vous n'avez pas encore trouvé de nouveau projet ?

- Pas vraiment, en effet. Mais je rentre tout juste d'un voyage en Irlande. J'aimerais prendre le temps de profiter de ma famille et des gens que j'aime pendant les fêtes avant de chercher à nouveau.

- Je comprends, je comprends... Mais... et si je vous proposais un contrat pour un emploi définitif dans un journal dont la renommée n'est plus à faire ?

- Pardon ?, s'étonna Tristan.

- J'ai quelques amis qui travaillent au « National Geographic ». J'ai cru comprendre que vous y aviez postulé à de nombreuses reprises sans succès... jusqu'à présent.

- Que voulez-vous dire ?

- J'ai envoyé quelques-uns de vos articles à mes amis et ils se sont montrés très intéressés. Ils voudraient vous proposer un reportage en Amérique du Sud, au cœur de la forêt Amazonienne. Si vous leur convenez, ils vous proposeront un emploi définitif à votre retour.

- C'est intéressant, répondit-il prudemment.

- C'est un travail qui vous prendra environ un an et qui nécessite que vous partiez rejoindre l'équipe dès le lendemain de Noël. Ils peuvent vous réserver un vol pour le 24 dans la soirée.

- Et la contrepartie ?, demanda Tristan avec sarcasme. Je me doute bien que vous allez y gagner quelque chose.

- Laisser ma fille reprendre le cours de sa vie... sans vous, déclara son père.

- Vous espérez toujours qu'elle et Marc se marient, n'est-ce pas ?

- Je suis persuadé que Louise reviendra à la raison et que Marc saura bien prendre soin d'elle.

- Vous en êtes bien sûr ?, ironisa Tristan.

- Alors, votre réponse ?

- Vous me laissez le temps d'y réfléchir ?

- Vous avez jusqu'à demain matin pour prendre contact avec eux !

- Très bien !

Son père stoppa la lecture de la bande. Lou était tétanisée et certainement blanche comme un linge.

- Je viens d'avoir un de mes amis au téléphone. Tristan Dubois les a contactés ce matin..., termina-t-il. Je suis désolé, Louise.

Ce fut l'information de trop pour Lou. Elle se leva vivement de sa table et rassembla ses affaires, incapable de dire un mot de plus à son père.

- Ma chérie, il faut que tu comprennes que si j'ai fait ça, c'est pour ton bien !

- Et tu avais testé Marc aussi ?, demanda-t-elle avec hargne.

- Non, bien sûr que non...

- Hé bien, tu aurais dû !, répliqua-t-elle.

- Marc a peut-être des défauts, mais il t'aime, Louise !, cria son père alors qu'elle fuyait bien loin de lui et de tout ce qu'elle venait d'entendre.

Elle avait le cœur en miettes. Dire qu'elle y avait cru ! Hier encore, Tristan lui disait qu'il voulait lui parler. Pour lui annoncer qu'il allait partir sans doute ! Elle ne comprenait même pas qu'il prenne la peine de le faire. Après tout, ils ne se devaient rien ! Alors pourquoi elle se sentait si triste et si en colère ?

Elle rentra chez elle et fonça dans sa chambre. Elle voulait y effacer toutes les traces du traître ! Elle balança rageusement ses vêtements dans son sac sans prendre la peine de les plier. Quand elle eut fini, elle s'assit sur le bord de son lit et prit le temps de se calmer. C'est alors qu'elle aperçut la photo de la tempête qu'elle avait prise huit ans plus tôt. Elle se leva brusquement et décrocha le cadre du mur pour l'ajouter au reste de ses affaires. Elle allait tirer un trait définitif sur son histoire avec lui ! Elle aurait dû le faire il y a longtemps.

A quatorze heures, elle était toujours aussi remontée et elle lui jeta son sac sans ménagement. Le pire, c'était qu'il fit mine de ne pas comprendre.

Dans la foulée, elle envoya aussi un message à Marc pour lui proposer un rendez-vous ce soir, message auquel il répondit avec enthousiasme.

Son père avait peut-être raison finalement...

Le pacte de NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant