À 19 ans, je suis tombée enceinte.
Ce n'était pas quelque chose que j'avais prévu. Au contraire, je croyais que je prenais toutes les précautions nécessaires pour que ça ne se produise pas. J'étais avec le même garçon depuis plus d'un an. Nous avions décidé d'arrêter le condom, mais comme nous étions responsables, nous nous étions tous les deux faits tester pour les ITSS, et j'avais commencé à prendre la pilule. Seulement, il m'arrivait de sauter une journée, puis d'en prendre deux le lendemain.
Rien de bien grave. Du moins, c'est ce que je croyais.
Sauf que, pour être vraiment efficace, la pilule contraceptive doit être prise à la meme heure tous les jours. Comme ma prise de pilule n'était pas régulière, mes menstruations ne l'étaient pas non plus. Ce qui fait que, quand mes menstruations ont sauté un mois, je ne me suis aperçue de rien. Jusqu'à ce que ma mère se réveille un matin et me dise : « J'ai fait un rêve vraiment étrange. J'ai rêvé que tu étais enceinte. » Je ne sais pas si c'est un sixième sens inexplicable de mère qui lui a fait faire ce rêve, ou simplement le hasard, mais ça m'a poussé à chercher la date de mes dernières menstruations, qui tout à coup m'ont semblé es vraiment trop loin.
Arrivée au CÉGEP, j'en ai parlé à mon chum. Nous avons décidé d'acheter un test de grossesse sur l'heure du dîner et d'aller le faire chez lui. Je me souviens que nous étions nerveux, mais qu'en même temps, nous n'y croyions pas vraiment.
Chez mon chum, je suis allée à la salle de bain pour uriner sur le petit bâton, puis nous avons attendu les dix minutes nécessaires à l'obtention du résultat. Quand j'ai vu le petit « + » apparaître, j'ai eu l'impression qu'une immense pierre tombait dans le fond de mon estomac.
Ça ne se pouvait tout simplement pas. Je me suis mise à penser à ma sessions, à mon avenir. Je ne voulais pas d'enfant, je n'étais absolument pas prête. J'habitais encore chez ma mère. Ma mère! Qu'est-ce qu'elle allait dire? Mon chum était dans la même état que moi. Nous avons passé le reste de la journée dans un genre de brouillard.
Il m'a fallu quelques jours pour me remettre du choc. Puis, après en avoir parlé à mon chum et mes amies, j'ai pris la décision de me faire avorter. J'ai appelé l'Hôpital Sainte-Justine et j'ai pris rendez-vous. Le personnel de l'hôpital a été vraiment compréhensif. Avant la procédure, j'avais droit à une séance avec une psychologue, pour qu'elle s'assure que j'étais certaine de mon choix et que je le vivais bien. Durant toutes les étapes, je me suis sentie encadrée, en sécurité. C'est une chance énorme que nous avons, au Québec, de pouvoir accéder à l'avortement de manière sécuritaire, sans nous faire juger. Ce n'est pas le cas partout dans le monde.
Au début, j'avais décidé de ne pas en parler à ma mère, mais la veille de l'intervention médicale, j'ai flanché et je lui ai tout raconté. Elle m'a serrée dans ses bras et m'a rassurée. Elle m'a dit qu'elle prendrait congé de son travail pour m'accompagner.
Le lendemain, ma mère est restée à mes côtés toute la journée. La procédure n'a pas été agréable et j'ai eu mal au ventre durant quelques jours par la suite, mais au moins, je me sentais soulagée. Je n'étais pas prête à devenir maman.
Vingt ans plus tard, je suis devenue la maman d'un petit garçon. Je m'étais toujours dit que le jour où j'aurais un enfant, je voudrais qu'il naisse à Sainte-Justine. Une manière pour moi de boucler la boucle. La naissance de mon fils m'a beaucoup fait penser à mon avortement. La décision de recourir à une telle solution ne se prend pas à la légère. Je porterai toujours cette grossesse interrompue avec moi.
Mais si c'était à refaire je suivrais le même chemin.
Katherine
Voici un extrait des paroles de la chanson Poussière d'ange, d'Ariane Moffatt. Elles sont, je trouve, d'une grande justesse et d'un grand réconfort à l'occasion d'un avortement.
Respire un grand coup
Ne reste pas debout
Ouvre tes yeux, j'te promets que tu iras mieux
T'as reçu un grand coup
Un coup de vie dans le ventre
Un coup de vent dans ta vie
Mais reste calme, je t'en supplie
Juste au mauvais moment
Une poussière d'ange t'es tombée dedans
tu ferais une super maman, mais pas maintenant, non pas maintenant
Un petit colimaçon t'a pris pour sa maison
C'est pas une fille c'est pas un garçon
C'est pas un bélier ni un poisson
Oublie-ça, c'est pas possible
...
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L'ABC des filles
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