Prologue

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La valise ouverte sur son lit ne faisait pas honneur à ses origines nobles. Seules deux robes avaient été soigneusement pliées par Septa Églantine. Outre une robe plus élégante pour les banquets, Jeyne avait insisté pour emmener la robe la plus sombre de sa garde-robe. Elle savait parfaitement que dans le Nord, les femmes ne portaient pas de couleurs vives ou chatoyantes, à son plus grand regret, elle qui depuis toute petite aimait porter du rouge. Celui qui se prête à la couleur du rubis, sa couleur préférée. Le rouge amour, celui de la passion et du sang.

À cette pensée, la jeune femme referma son livre. Elle lisait trop. Elle souffla, posa son manuscrit relatant La Danse des Dragons et tenta de s'imaginer les murs de Winterfell. Morne, froid, austère, hanté, qui sait ? La famille des Stark possédait une crypte dans leur demeure. Quelle idée de garder ses défunts dans un château ? Ils n'avaient donc pas peur de réveiller les morts ?

Le seul intérêt qu'elle portait à ce voyage était son envie de visiter la bibliothèque du château, l'une des plus anciennes de Westeros. Elle devait sûrement regorger de livres uniques en tous genres. Sans oublier qu'elle serait en compagnie de ses deux demi-frères. Elle avait déjà prévenu les gardes qu'elle souhaitait chevaucher au côté de Tyrion, de 12 ans son aîné. La route allait être longue, et même si elle aimait la présence de son cheval, elle ne voulait pas s'ennuyer durant le trajet. Tywin avait insisté pour qu'elle partage le cortège royal avec sa sœur, sa nièce et son neveu mais c'était vraiment mal la connaître. Jeyne aimait chevaucher.

Madame est-elle prête ?

Septa Églantine rentra dans la chambre et vint déposer son peigne dans ses affaires.

Ai-je vraiment le choix ? la questionna malicieusement la jeune fille.

Septa Églantine leva un regard vers la lady.

Vous n'allez tout de même pas emmener que ça ? s'indigna la vieille femme en désignant son bagage.

Je pars moins d'une semaine Septa. C'est l'histoire de quelques jours. Ça ne sert à rien d'encombrer davantage les chevaux.

- Mais vous allez attraper froid ! Vous avez pensé aux vents violents et à la neige qui tombe ? La glace là-bas ne fond pas, Madame.

- Vos bras seront là pour me réchauffer, lui répondit-elle du tac au tac.

Si la glace avait coutume de ne pas fondre dans le Nord, avec Jeyne Lannister la glace ne restait jamais bien longtemps fixée. Sa Septa lui sourit tendrement.

Très bien. Vous remportez cette bataille. Mais vous ne gagnerez pas toujours, jeune fille.

- Je n'appelle pas ça une bataille quand on la remporte aussi facilement, se moqua Jeyne en lui tirant la langue.

Sa Septa outrée lui tourna le dos et quitta sa chambre, elle allait sûrement la bouder quelques instants. Résignée, elle se leva de son lit, et ajouta son livre dans la pile de choses à emmener. À défaut de ne pas emmener plus de robes, le livre était pour elle essentiel. C'est Tyrion qui lui en avait fait cadeau à son dernier anniversaire. Ils partageaient cette passion pour les dragons, c'est de lui qu'elle devait une grande partie de son savoir.

Un cor de chasse se fit entendre dans la cour de Castral Roc et vint l'arracher à ses pensées. Déjà ? Elle s'avança sur son balcon et fut immédiatement impressionnée. Le roi avait-il réellement besoin d'emmener autant d'hommes pour une simple visite de courtoisie dans le Nord ?

Votre cape Jeyne, prenez la plus chaude.

Jeyne se retourna prise de sursaut, elle n'avait pas entendu sa Septa revenir. Cette dernière la vêtit de son manteau de velours rouge.

Enfin, vous m'autorisez à porter du rouge. Par les sept ! Vous venez de me redonner le sourire.

Elle fit rire aux éclats sa Septa avant de se diriger vers la sortie. Son père l'attendait au seuil des escaliers des appartements seigneuriaux, devant la grande porte d'entrée du château. Stature haute et froide, toujours cet air sévère au visage, Tywin Lannister était un homme complexe et charismatique. Empreint de noblesse et de droiture, son père adoptif n'avait jamais manqué de tendresse à son égard, et pourtant elle n'était ni de sa chair, ni de son sang.

Vous n'allez pas les saluer ? le questionna-t-elle.

À quoi bon. Les retarder serait un supplice encore plus grand pour ceux qui ont déjà envie de rentrer chez eux.

Jeyne rigola en pensant notamment à sa demi-sœur qui devait déjà être dans tous ses états. Tywin l'observa tendrement et vint poser sa main sur sa joue.

Te voilà partie. Me laissant seul dans ma rugueuse solitude, se plaignit le seigneur de Castral Roc.

Le lion aime être seul dans sa demeure. C'est vous qui me l'avez appris, tenta-t-elle de le réconforter.

Elle savait combien la perte de sa femme l'avait brisé. Elle ne voulait pas aimer quelqu'un comme lui avait pu aimer sa promise, c'était trop douloureux. C'était vivre pour ne plus vivre. Aimer sans bonheur. Son cœur se brisa à l'idée d'abandonner cet homme qui l'avait élevé sans contrainte.

Je ne pars que quelques jours, je serai vite revenue.

Un silence profond s'installa entre le père et sa fille adoptive. Tywin plongea ses iris bleus dans les yeux verts de sa protégée. Il avait envie de lui dire quelque chose mais choisit de s'abstenir. Jeyne vit passer ce qui lui sembla être un voile d'ombre dans le regard de son tuteur. Elle ouvrit la bouche mais n'eut pas le temps d'achever ses paroles, Septa Églantine descendait les escaliers, valises à la main. Tywin vint serrer sa petite lionne dans ses bras. Une lionne qu'il avait bercée. Une lionne qu'il avait aimée.

N'oublie pas ta maison, ni la couleur de ton emblème. Tu es une Lannister. Une lionne de Castral Roc, il marqua une pause. Tu es ma fille.

Il lui embrassa le front et pour la deuxième fois de la journée Jeyne vit un être aimé quitter la pièce, le dos tourné. Elle était tendue, nerveuse. Pourquoi un simple au revoir prenait-il une tournure aussi dramatique ?

Madame, il faut y aller. Ils nous attendent, déclara tendrement sa Septa.

Jeyne Lannister prit les devants et fit front à l'armée du roi. Devant, Robert l'attendait, prêt à saluer sa pupille. Elle fit la révérence et il l'accompagna jusqu'à sa jument blanche, Idriss. Jaime la salua chaleureusement, Tyrion en fit de même, déjà prêt à lui faire la conversation. Septa Églantine s'éloigna vers l'arrière du cortège. Discuter avec son frère, elle en aurait rêvé, mais une douleur lancinante lui compressait le cœur. De l'inquiétude ? Un mauvais pressentiment ? Pourquoi le roi avait-il tant insisté auprès de son père adoptif pour l'emmener avec eux ? Quelle était réellement sa place dans toute cette histoire ? 

La route allait être bien longue jusqu'à Winterfell. 

"Jenny of Oldstones"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant