Les Rescapés de Salem - Tome 2: Le shaman

Chapitre 23.

Salem, jeudi 10 juin 2021
14h, hôpital de Salem

Sidney a comme une impression de déjà-vu. Seulement, cette fois, ce n'est pas son mari qu'il attend de voir, mais Jefferson. L'hôpital humain a des règles strictes, les visites sont interdites le matin. La veille, après son admission aux urgences, les médecins sont parvenus à stabiliser son état et à faire repartir son coeur. Ils l'ont gardé sous surveillance accrue tout l'après-midi, ainsi que toute la nuit. Sidney n'a pas eu le droit de rentrer dans le box.

Il regarde sa montre, 14h pile. Il capte le regard du médecin en charge de Jefferson, il lui fait un signe de tête, donnant son accord. Il s'empresse de pousser la porte. Il retient sa respiration en découvrant son mentor allongé sur le lit, des fils sortir de son corps et branchés à des machines. Sidney contrôle les données. Tout est normal. Soulagé, il s'approche.

Jefferson bouge légèrement, puis ouvre les yeux. Sidney sent son menton trembler, il se pince les lèvres afin de ne pas pleurer. Même si son visage le trahi. L'humain lui sourit, chaleureux, aimant, rassurant.

- Bonjour, murmure timidement Sidney.

- Bonjour, répond Jefferson la voix pâteuse. De ce qu'on m'a dit, je te dois beaucoup. Tu m'as sauvé la vie.

- Je... quand je suis arrivé, vous aviez déjà fait la crise cardiaque.

- Tu n'aurais pas pu l'en empêcher Sidney et je suis en vie grâce à toi. Merci.

Cette reconnaissance, dite avec tant de sincérité, bouleverse le shaman. Il essuie la larme qui coule sur sa joue, avant d'approcher du lit. Il joue avec ses doigts, partagé entre l'angoisse et l'apaisement de voir Jefferson réveillé.

- Comment vous vous sentez ?, demande-t-il en s'asseyant sur la chaise à côté du lit.

- Bien, je t'assure, répond Jefferson en tapotant l'avant-bras de Sidney.

Le shaman regrette le temps où toutes les informations du patient étaient disponibles aux pieds du lit. Il aurait vérifié par lui-même les dires de son patron. Les esprits lui ont certifié que l'homme irait mieux, qu'il aurait un traitement. Cependant, le risque zéro n'existe pas. La culpabilité qui l'encercle est présente depuis hier. Pas d'être arrivé trop tard, mais de ne pas avoir été là. Sa place était auprès de son mentor.

- Je n'étais pas avec vous et j'aurais dû l'être, déclare Sidney la voix lourde de regrets.

- Très cher collègue, ne culpabilise pas pour une chose dont tu n'es pas responsable.

- Mais...

- Non, le coupe gentiment Jefferson avec un regard doux. L'essentiel, c'est que je me porte comme un charme.

Sidney se retient de protester, il est dubitatif sur l'état de santé de Jefferson. L'expression choisie pour la décrire est un peu exagérée. Ce n'est pas non plus l'avis du médecin avec lequel Sidney a discuté. Jefferson est certes sorti d'affaire, mais il va rester sous surveillance toute la journée puis muté en fin d'après-midi dans le service cardiologie. Une crise cardiaque, quand bien même on survit, est loin d'être anodine et encore moins à prendre à la légère.

Malgré ses inquiétudes, Sidney sourit à son patron. Il aimerait le serrer dans ses bras et lui dire ce qu'il a sur le coeur, mais ils n'ont jamais eu une telle familiarité. Tant pis, Sidney a cru perdre le deuxième homme qu'il estime, respecte le plus au monde.

- Je vous ai déçu ?, ose-t-il demander, même si cela sonne comme une affirmation.

- Enfin, bien sûr que non, s'offusque le légiste. Pourquoi penses-tu ça ?