8

12 1 0
                                    

Emma

La veille, je m'étais couché dans mes draps propre, j'avais eu l'espoir de pouvoir m'endormir, mais la terrible nouvelle que j'avais reçu m'avait coupé toutes envies de rejoindre les doux bras de Morphées.

Ce matin en me réveillant, ce n'est qu'un visage encore plus pâle que d'habitude qui m'a fait face dans le miroir. Mes cheveux sont en batailles et ont retrouvés leur aspect frisé que d'habitude, je m'efforce de lisser. Mais aujourd'hui, je n'en ai pas le courage. Pour une fois, j'enfile une sorte de chemise longue, cintrée à la taille, avec un legging court en guise de bas. Malgré tous mes efforts, je ressemble encore plus à un fantôme.

Quand je descends, ma mère n'est plus là, mon père est parti travailler. Je suis seule...Et il fait un temps superbe. Je vais aller à la plage, de toute façon...ils n'en sauront jamais rien non ? Je ne prendrais pas ma planche ...ni ma combi, je veux juste revoir cette eau qui a bercé toutes mon enfance, je veux juste pouvoir glisser mes pieds dans ce sable chaud...

Enfaite non ! Je vais en profiter ! J'ai dit que je ne me priverais plus.

Je fonce dans le garage, je saisi ma combi, ma planche et m'apprête à sortir, mais j'ai un doute. Et si quelqu'un me surprend là-bas ? Et s'ils étaient mis au courant ? Non ! Il faut que j'arrête de douter, je sors, déterminé, ferme ma porte et me dirige à pied vers le banc de sable le plus proche. Il est à moins de deux kilomètres. Je règle aussi ma montre sur un horaire en particulier, pour m'assurer de rentrer avant mes parents et ma sœur. Je suis sûr qu'elle cafterait si elle était au courant de ma petite escapade. J'ai noué mes cheveux en une queue de cheval serrée, de sorte qu'ils ne peuvent me revenir en pleine face. Autour de moi, les bâtiments se succèdent en des paysages changeants, le simple fait de changer de rue change la perception des entourages. Mon bagage commence à peser dans mes bras manquant d'exercices, mais j'aperçois enfin le petit muret qui entoure l'étendu de sable dorée et de liquide. Je me dépêche et ne prend pas la peine de prendre les escaliers, je monte sur les pierres qui commences à chauffer, puis saute. La chute est plus rude que dans mes souvenirs, mais je ne m'en soucie pas trop. Je cours, la marée à l'air de monter. J'y suis presque, je tends le bras, dans un ultime espoir, trop heureuse de retrouver mon paradis pour me rendre compte que mon cœur s'emballe. Mes pieds touchent enfin l'eau, je ressens un frisson de joie, de fraîcheur qui me parcourt l'échine. Je me sens libre, comme une colombe qui prend son envol.

Un moment, un seul et je me rends compte de mon erreur, de ma bêtise. Mais qu'est-ce que je suis en train de faire ? L'image de ma mère, pleurant hier soir, le visage entre les mains, me revient en mémoire. La douleur dans ma poitrine, légère comme si j'avais avalé un trop grand bol d'air frais, me rappel ma connerie. Putain de merde ! Qu'est-ce que je foutais la ?
Je me penche, frôle la surface de l'eau avec les doigts et, ne saisissant pas le froid, je sursaute. Je me retourne et marche avec lenteur vers l'étendu de sable. Assez éloignée de la mer, je m'assois, face à elle. Le soleil est presque à son apogée dans le ciel et quelques mouettes parsèment la toison bleutée. Le roulis des vagues et de l'écume semble me rappeler une délicieuse berceuse. Et ça me frustre. Ça me frustre à en mourir. Que l'on m'achève sérieux !

Mes mains et mes bras entourent mes genoux. Mes cheveux sont toujours attachés malgré mon envie de les laisser prendre le vent. Quant à ma planche de surf, elle est à côté de moi.... L'air triste comme une pierre.... C'est un peu stupide... Un objet triste, non ? Ou c'est sans doute moi qui suis un peu émotive aujourd'hui ?
Je ne sais pas combien de temps je reste la ? Une heure ? Deux heures ? Mais le temps est long, court, circulaire ? Je ne sais plus grand chose. J'ai juste envie de plonger et de me laisser envelopper par l'océan. Mon regard se perd dans les vagues. Dans le lointain.

<< - Elle est malade, désormais, elle ne pourra plus vivre comme les autres. Mademoiselle Williams ? Me comprenez-vous ? Vous souffrez d'un mal qui, pour le moment, ne peut être guérit. Ne vous inquiétez pas, nous allons travailler dessus. Nous allons tout faire pour que vous puissiez avoir une existence à peu près normale.

Monsieur Zackarie, non, le docteur Zackarie Ivan, s'avance vers ma mère, avec à la main une liste qui me parait immense. Cette liste est remplie de restrictions, toutes plus difficiles les unes que les autres. Moi, je vois flou, les mots se perdent dans la pièce quand je me rends compte que tout sera différent désormais. Et ça me laisse indifférente sur le moment. Vraiment indifférente. Je suis seulement concentré sur le mouvement de mes mains tremblantes. Si un monde féerique avait pu exister, un monde où personne n'était malade, un monde spécial, un monde paisible, j'aurais aimé m'y noyer, m'y perdre. >>

<< - Emma ? Emma ! >>

Je bondis de surprise. On vient de m'arracher à des souvenirs douloureux. Je tourne la tête, et quand je vois qui arrive, je souffle. Partout, deux semaines que je ne fais que l'apercevoir partout où je vais. Mais c'était quoi ce bordel ?! Je me détourne, retournant à ma contemplation, en priant pour qu'il se casse. Mais il reste. Il s'approche de moi, comme un renard. Le pire c'est qu'arrivée, il reste debout, derrière moi. Je me décide à lui parler avant qu'il ne le fasse.

<< - Qu'est-ce que tu fais là ? C'est fou, à chaque fois que je sors, je te vois, tu m'espionnes ou quoi ?

Mon ton est un peu sec, mais je ne suis pas d'humeur.

- Bonjour déjà, non ?

Quant à lui, sa voix est pâteuse. Gueule de bois ? Je le regarde un demi second et oui c'est bien le cas. Il est pâle, presque autant que moi, et ses yeux sont éteints.

- Désolé, bonjour. Mon week-end commence assez mal. Toi non apparemment, tu as l'air totalement défoncé. Dure soirée où plutôt after ?

- Ahah. Un peu des deux. Je suis sorti pour prendre l'air, j'habite assez loin, l'air de la mer me fait du bien. Puis j'avais besoin de réfléchir.

Je me sens mal à l'aise d'un coup. Il a vraiment l'air d'aller mal. Il passe sa main sur son visage et continue de parler.

-J'ai, euh. J'ai réfléchi à ta demande. Je veux bien t'aider à obtenir une bonne note, en travaillant sur ton projet. Enfin sur notre projet. Mais...

Je lui coupe la parole :

- Ah ! Et ça, tu n'aurais pas pu me l'écrire par message ? Au lieu de me laisser en vu ?

Il soupir mais reprend sa phrase.

- Je n'ai pas vraiment envie de débattre là. Ce que je voulais te dire c'est que je veux bien participer à ce devoir mais j'aimerais que tu me rendes un service en contrepartie. J'aimerais que tu m'apprennes à... surfer. >>

Je me fige. Lui apprendre à surfer ? Mais ? Comment ? Comment savait-il que moi je savais ?

Je respire et lui répond :

<< - Qu'est-ce qui te dis que je sais surfer ?

Il esquisse un sourire forcé et gêné avant de me rétorquer.

- Eh bien. Premièrement, tu es en combi et tu as une planche à côté de toi. Ensuite... j'ai effectué des recherches et je suis tombé sur tes exploits. Apprends-moi ! Je t'en prie !

- Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tu veux apprendre ?

Il prend le temps de réfléchir, puis hésitant, avoue enfin.  

A nos cœurs brisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant